Nier
7.9
Nier

Jeu de Yoko Taro, Cavia et Square Enix (2010Xbox 360)

Sept ans après que reste-t'il de NieR ?

NieR est un mauvais jeu, mais tire son épingle du jeu sur deux aspects.


Évacuons d'emblée la technique indigente : clipping, textures ignobles, modèles 3D grossiers et animations venus d'un autre âge agressent la rétine. Autant préciser rapidement que cette laideur générale ne sera que rarement transcendée par quelques environnements que n'aurait pas renié Fumito Ueda.


Mais soit, j'appartiens à la catégorie de joueurs dont l'attention est plus captée par les histoires, les ambiances et le gameplay que les polygones.
Alors je vais y aller sans prendre de gant : le gameplay de NieR est passable, voire franchement médiocre.
Le cœur du jeu repose sur un mélange de Beat'em all ère-PS2 (sans doute l'héritage de Drakengard) et de shoot'em up plutôt original, mais somme toute assez basique. Le manque d'impact, de technicité et de lisibilité des combats contre de nombreuses ombres invitent rapidement le joueur à passer en mode de difficulté intermédiaire pour bourrer tout ce qui bouge, voire fuir les conflits quand il le peut. Et malheureusement ce ne sont pas les petites fantaisies et hommages appuyés qui jalonnent la progression de Nier qui viendront tirer le joueur de son ennui manette en main, l'envie de poursuivre vient définitivement d'ailleurs.


Se développant selon une structure de jeu d'aventure archi-classique, NieR s'amuse avec les codes du genre et instille un sentiment de malaise progressif, franchement exacerbé dans la seconde partie du jeu. Porté par un quatuor de personnages atypiques, le jeu confronte son joueur aux conséquences de ses actions impulsives et irréfléchies. La connaissance partielle d'une situation par le personnage principal et ses prises de position subjectives induisent fatalement des biais dans la prise de décision dont les répercussions affecteront dramatiquement son environnement. Petit à petit, à la manière d'un Metal Gear, la dissonance ludo-narrative s'installe. Le joueur prenant peu à peu de la distance par rapport à la quête du héros, aussi noble soit-elle, commence à éprouver une certaine amertume et nourrit de la compassion pour ses adversaires, jusqu'à ce que le climax final confirme nos craintes de façon remarquablement expéditive.


Le scénario, si l'on ferme les yeux sur quelques rares incohérences, se révèle donc original bien qu'assez artificiel.
C'est à ce moment là que j'ai envie d’opposer l'écriture et le canevas narratif. Car si j'ai été plutôt déçu par le scénario, j'ai été en revanche profondément séduit par l'écriture, à tout point de vue excellente. Qu'il s'agisse des relations et du développent des personnages (principaux ou secondaires) ou de traiter des sujets de fond, elle porte littéralement le jeu. Les problématiques soulevées et abordées le sont avec beaucoup de justesse, qu'il s''agisse de la parenté, de ce qui définit notre humanité ou tout simplement l'acceptation de soi.
J'ai tiré ma révérence après la fin de mon run B, dont les révélations beaucoup trop chiches ne justifiaient pas à mes yeux l’investissement en temps. Ajouter un cinquième larron comprenant le langage des ombres et une poignée de séquences explicatives ajoute certes un soupçon de malaise supplémentaire, mais pas forcément nécessaire puisque trop explicite et évident, a contrario de la construction narrative du premier run explicitée plus haut.


Je terminerai sur le second atout majeur du jeu : ses ambiances, complètement portées par une des toutes meilleures bandes originales jamais réalisées.
Keichii Okabe et son équipe livrent des compositions inoubliables complètement folles, en opposition totale avec les soupes epic-fanatsy habituelle. Complètement éclectique, de la ballade mélancolique accompagnée par une guitare acoustique, en passant par des morceaux de piano intimistes jusqu'aux morceaux de J-pop foutraques, aucune n'est à jeter.


L'important reste encore et toujours le voyage, pas la destination.
En définitive je ne recommanderais pas à tout le monde de jouer à NieR, mais je ne recommanderais pas non plus au néophyte un résumé sur Youtube tant l'implication du joueur est essentielle pour saisir la force du jeu.
À l'issue de cet article, il me semble pertinent de recommander aux amoureux curieux de Nier Automata de se pencher sur le cas NieR, tout en conservant à l'esprit que sa suite constitue un bien meilleur objet vidéoludique.

YvesSignal
6
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le 10 avr. 2017

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Yves_Signal

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