Il n'y a pas vraiment de spoil possible pour ce jeu, mais en parler met forcément à jour des ressors qu'il peut être important de découvrir d'abord par soi-meme, vous aurez été prévenus. Pour le résumé sans spoil et les recommandations, voir en bas de page
Papo and Yo réussit ce que, personnellement, j'attends d'un bon jeu vidéo : un gameplay adapté à un propos intéressant.
D'apparence assez simple, Papo and Yo est un petit jeu de puzzle aux graphismes simplissimes (les mauvaises langues diront "involontairement rétros"). Il raconte l'histoire d'un petit garçon dont le père est alcoolique, et qui s'échappe dans une réalité alternative (mais pas exactement "enchantée") pour tenir le coup face à la violence du quotidien.
Le traitement du père est un bon témoin de l'intelligence de ce jeu. Dans le monde du héros, son père est représenté par un énorme monstre... rose. Toute l'ambiguïté de la relation entre un enfant et son parent défaillant est traduite dans la gaucherie presque adorable de ce tas de muscles qui ne sort de son sommeil de plomb que pour se goinfrer en grognant et en traînant la patte. Pour résoudre la plupart des puzzles, il faut réussir à déplacer ce père encombrant et peu coopératif. Aussi lassant qu'il soit, il faut s'en occuper, s'assurer qu'il nous suit, que tout va bien, qu'il ne se perd pas. Comme un enfant se retrouve parfois responsable d'un parent qui lui fait du mal, il faut guider le monstre rose même lorsqu'on risque de se prendre une baffe perdue, même lorsqu'il a cassé notre jouet préféré.
Le jeu parvient à être poétique grâce à son gameplay et ça, c'est un gros point fort. Je me suis rarement autant éclatée à déplacer des maisons, à faire des tours de trucs, à courir après des grenouilles... Le joueur participe par ses actions à révéler la beauté du jeu. Il met en mouvement un décor d'apparence délabrée, pour le transformer en terrain de jeu poétique. Le street art magnifique qui apparaît de ci de là devient du luxe quand la solution des puzzles suffit à émouvoir.
Par endroit, Papo and Yo sait même être terrifiant. Quand le monstre entre en rage pour la première fois, sa dangerosité qu'on sentait couver jusque là éclate brutalement et on se met à courir à perdre haleine pour lui échapper. A ce stade du jeu j'étais personnellement assez impliquée dans l'histoire pour avoir peur et me glisser dans la peau de ce petit garçon qui essaie d'échapper à la violence de son père.
Sans compter que pour le calmer, il faut non pas l'assommer, ou se battre contre lui, comme la plupart des boss de jeux, mais lui apporter une noix de coco spéciale (oui) qui le calmera. On ne se bat jamais contre le monstre. Au pire, on avance malgré lui.
Au delà de ça, le jeu est assez simple. Le propos réside moins dans la difficulté à résoudre les puzzles que dans la relation avec le décor et le monstre. Pas de véritable challenge cognitif dans Papo & Yo, ni de virtuosité de clavier.
J'ajouterai enfin que le jeu a besoin qu'on l'aborde avec bienveillance. Le style enfantin, la simplicité des graphismes et l'histoire linéaire ne résisteront pas à un joueur cynique qui a décidé que ce serait niais. On gagne beaucoup à s'investir dans l'univers et à s'attacher aux personnages.
=========================================================================
- Jeu de puzzle casual et très calme
- Poétique dans son gameplay, et pas seulement dans son décor ou son univers
- Un gameplay au service de son propos.
Je recommande si vous aimez les jeux de puzzle, si l'intelligence d'un jeu compte autant pour vous que sa capacité à vous divertir, si vous êtes sensibles à la thématique de la violence dans le monde des enfants.