Phoenix Wright: Ace Attorney par Samish

Attention : jouer à Phoenix Wright requiert une excellente tolérance aux dialogues ; ceux-ci constituant 90% du soft, au moins. Ce sont des heures et des heures de conversations savoureuses, souvent drôles, au service d'intrigues incroyablement bien ficelées. Phoenix Wright, c'est un peu comme un polar interactif, ou plutôt : comme plusieurs polars, puisque les affaires sont au nombre de 5 et sont toutes passionnantes !

Les rebondissements sont en général imprévisibles, sans pour autant que la crédibilité du tout ne soit sacrifiée, surtout dans les dernières affaires. Ces dernières sont d'ailleurs nettement plus longues, et si j'ai préféré le format court des premières enquêtes, réduire leur durée aurait sans doute impacté la clarté des scénarios, donc je ne me plains pas.
Les différents personnages sont bien développés et sont très attachants. Je ne pensais pas que Phoenix Wright lui-même aurait autant de personnalité, cela m'a fait plaisir ! J'avais peur que ce soit un Link du barreau, si vous voyez ce que je veux dire. Et la narration est impeccable : les pauses des personnages, leur rythme, sont savamment calculés pour nous plonger dans l'ambiance !

------- Alerte Spoilers, résumé des affaires -----------

Personnellement, j'ai adoré réfléchir à l'évolution des affaires, en comparant le point de départ et la conclusion. La vérité n'a jamais rien à voir avec les accusations, et la complexité va exponentiellement crescendo ! Constatez par vous-même (a/ accusation b/ vérité) :

Affaire 1 :
a/ une femme est tuée par Paul Defès, son ami jaloux
b/ cette femme a en réalité été tuée par un cambrioleur surpris par son retour de voyage.

Affaire 2 :
a/ Mia Fey est tuée par sa soeur Maya Fey
b/ Mia Fey a en fait été assassinée par Redd White, patron de Bluecorp, redoutable maitre chanteur au-dessus de la loi, assisté d'un faux témoin.

Affaire 3 :
a/ Un acteur est tué par son collègue, Gustavo Lonté, déguisé en Samourai d'Acier, dans le Studio 1 juste avant une répétition.
b/ En fait c'était l'acteur lui-même qui avait enfilé le costume de Gustavo, et qui, jaloux de Gustavo, voulait assassiner la productrice mafieuse qui le faisait chanter. Cependant celle-ci s'en est débarrassé dans le studio 2, puis l'a transporté dans le studio 1, avant l'arrivée des autres acteurs.

Affaire 4 :
a/ Un homme est tué par Benjamin Hunter au milieu d'un lac. Il y a des témoins, et une photo.
b/ En fait la "victime" a fait semblant de se suicider puis a rejoint à la nage la rive et a mis à l'eau la vraie victime, un avocat dans une ancienne affaire non résolue. Tout ceci est motivé par un désir de vengeance vieux de 15 ans, puisqu'il avait été accusé à tort dans cette affaire où l'avocat et Hunter ont joué un rôle clef. De plus, ce "plan" ne vient pas de lui mais de Manfred Von Karma, le mentor et avocat de Hunter, qui est en fait le véritable coupable de l'affaire d'il y a quinze ans, en témoigne la balle qui lui reste dans le corps !

Affaire 5 :
a/ Lana Skye, procureur général, a tué un inspecteur de sang froid dans le parking du bâtiment et l'a placé mesquinement dans le coffre de Hunter.
b/ En fait l'affaire fait appel à une affaire classée, et c'est le Préfet de Police Damien Gant lui-même qui a tué l'inspecteur, pour éviter qu'il ne réouvre le dossier. Le meurtre a eu lieu au commissariat, mais le cadavre a été déplacé jusqu'au parking du procureur dans le coffre de Hunter, à l'insu de ce dernier ! Lana n'a fait qu'ouvrir le coffre, elle a planté un couteau dans le cadavre et dissimulé la véritable arme du crime, parce que Gant la faisait chanter et parce qu'elle non plus ne voulait pas que le dossier soit rouvert. Jusqu'au bout elle se prétend coupable, parce que Gant la tient et peut mettre l'affaire d'il y a deux ans sur le dos de Ema Skye, sa soeur ! Même si en réalité, c'est lui le vrai coupable.

Vous imaginez s'il y avait eu une affaire 6 ?

---------------- Fin de la parenthèse scénaristique ----------------------

Nous avons donc vu que l'histoire et les personnages valaient le détour ; mais ce n'est pas tout. Les mécaniques du jeu elles-mêmes sont originales, et fonctionnent très bien en général, même si quelques accrocs sont à noter. Ainsi, faire des aller-retours entre les différentes zones peut être agaçant. La plupart du temps, on sait comment enchainer, mais il arrive parfois d'être bloqué, et alors : pas d'autre solution que de ratisser toutes les salles et de présenter tous les objets à tout le monde, à moins de consulter la soluce (ce que je faisais pour ne pas perdre trop de temps).

Pour ce qui est des objections, il arrive très souvent que nos pièces à conviction soit refusées alors que dans sa tête on possède un raisonnement tout à fait cohérent ; c'est juste que ce n'est pas "prévu". Or on a le droit à seulement 5 objections par phases de procès, et mine de rien cela peut aller vite. S'il ne vous reste plus qu'une objection : équipez-vous d'une soluce, parce que si jamais vous vous trompez encore, c'est "game over" et il faut vous retaper TOUT le procès, et c'est particulièrement lourdingue puisque vous connaissez déjà tous les dialogues (cela m'est arrivé une fois et c'était très désagréable). Parfois il faudra aussi montrer des pièces à conviction pas très intuitives, mais bon... je rappelle que "en règle générale" le système fonctionne bien, et il est tellement sympa et original qu'on est prêt à tolérer quelques imprécisions !

Que dire de plus... je ne sais pas où jv.com a été chercher sa durée de vie de 10h, parce que j'ai allègrement dépassé les 20h de jeu en jouant normalement. Les dernières affaires sont beaucoup plus longues que les premières, donc évidemment une extrapolation linéaire par rapport à la première affaire, ça la fout un peu mal.

Certaines pistes de la bande son sont vraiment agréables, mais l'ost en générale est un peu répétitive. J'ai fini par jouer en muet.

Voilà je pense que j'ai tout dit. Ce sera donc un 8 parce que j'ai été plus que convaincu par le jeu, mais sur la fin je trouvais que c'était un peu long, et j'étais frustré par quelques situations pas claires où je ne savais pas quoi présenter ou où me rendre. Si ces défauts sont corrigés, cela dit, je ne me gênerai pas pour coller un 9 voire un 10 à une suite !