Pokémon Ultra-Lune
6.4
Pokémon Ultra-Lune

Jeu de Game Freak, The Pokémon Company et Nintendo (2017Nintendo 3DS)

Je me suis récemment racheté une 2DS. Avec, le mec vendait certains jeux dont Pokémon Ultra-Lune. Comme je n'avais jamais touché à la 7G, c'était l'occasion et je m'en vais vous faire un retour. Préparez vous un café, j'ai des choses à dire.


Disons le, la première impression n'est pas des plus engageantes (pour rester gentil). Si Pokémon a toujours été très directif et que ses premières minutes sont très rigides, ici on passe à un autre niveau. Vous n'êtes pas dirigés, vous êtes corsetés. Pendant la première heure et demie vous ne pouvez pas faire 3m sans qu'un événement ou tuto scripté ne se déclenche. C'est répugnant et un fan de longue date de la série en concluera que Pokémon s'adresse plus que jamais à des tout-petits et pas à lui. D'ailleurs je ne serai pas étonné que bon nombre de fans aient lâché le jeu rapidement. Pourtant US/UL semble particulièrement vouloir se mettre ce public de la première heure dans la poche. Les Pokémons de première génération sont très présents, surtout dans la première moitié de l'aventure, à contrario des nouveaux qui se font étonnamment discrets. Pareil, le jeu n'arrête pas de faire des références à Kanto et Johto, (on a droit au Prof.Chen bronzé, cheveux longs et chemise hawaïenne si, si) et il n'y a aucun doute d'à qui ces clins d'œil sont adressés. US/UL semble donc complètement entre deux chaises concernant sa cible.


Parlons graphismes. Si Pokémon a toujours été décevant côté scénario et prise de risques, on lui pardonnait facilement devant l'excellence voire la perfection technique de chaque itération. Ici encore c'est très joli, les modèles 3D très réussis et la DA d'inspiration Hawaii est très sympathique. Cependant on voit pointer les prémices de ce qui sera la déchéance et la honte de la série sur les opus suivants. La console est mise à genoux lors des combats duo et on voit les animations des modèles 3D clairement ramer. De même chaque combat est suivi, lorsqu'il se termine d'un écran noir d'au moins 3s absolument inacceptable. Enfin j'ai dit que les modèles 3D étaient réussis, à l'exception des mains qui ressemblent plus souvent à de gros pains avec 4 traits pour faire croire à des doigts.


Parlons personnages. Il y a beaucoup de personnages dans US/UL et même si c'est toujours cliché dans Pokémon, certains font plaisir. Tout d'abord notre avatar. C'est toujours une page blanche, et il est rigolo de constater qu'il n'a pas été doté d'expressions faciales. Vous n'afficherez rien d'autre que le même petit sourire béat et ça crée des décalages assez drôles, notamment quand tout le village danse de joie autour de vous pour célébrer votre intronisation en tant que maître. Game Freak semble également résolu à faire de votre rival un faire-valoir insupportable. Ici Tili est un imbécile heureux, toujours positif, enjoué, prenant tout à la légère et surtout le starter FAIBLE au vôtre. Il a une évolution mais bien trop peu perceptible pour avoir une quelconque force.

En revanche c'est le retour d'un rival un peu virulent en la personne de Gladio. C'est un emo trop dark bien cliché mais qui lui pour le coup a droit une vraie évolution/remise en question progressive bien intégrée au scénario du jeu et ça fait plaisir.

Lilie est une demoiselle en détresse sur pattes qui n'est pas une dresseuse par manque de courage mais qui va en gagner au contact de votre aura charismatique.

De même que pour le rival, Game Freak a décidé qu'on pouvait faire plus ringard que la team Flare du précédent opus avec la Skull, pinacle de la racaille adolescente vue par des vieux, qui casse des trucs juste pour casser des trucs etc... Leur boss Guzma a un lien bienvenu avec le prof de cette gen mais c'est là encore bien trop peu.

À noter que les autres protagonistes sont un peu plus gris, ont des motivations pas totalement claires et ça fait du bien un peu de nuances qui sortent de la dichotomie bien/mal. Sol et Lilie en début de jeu, la mère de Gladio, Nikolaï, etc...


Abordons maintenant la difficulté du jeu. Si Pokémon n'a jamais été un jeu compliqué, nombreux sont ceux qui ont fustigé la simplification du challenge global à partir de X et Y. Force est de constater que Game Freak a pris en compte ce mécontentement en incorporant des pics de difficulté. Sauf que. En l'occurrence, plutôt que des challenges relevés qui requièrent votre concentration, les pics de difficulté sont des occasions pour le jeu de vous rouler dessus sans crier gare. Le point culminant de cela étant bien sûr Ultra-Necrozma, qui avait 20 niveaux de plus que ma team (je jouais sans Multi Exp) et bien sûr il one shot tous mes Pokémon. Ce fossé de difficulté pousse à trouver des moyens détournés pour se débarrasser de lui (coucou le Fantominus Malédiction+Vive Griffe) et on est donc loin du combat palpitant et tendu que devrait constituer cet affrontement.


Enfin on ne peut pas terminer sans parler de toutes les idées de mécanique, de game design que US/UL tente d'implanter. C'est ici que cette génération va concentrer le plus de sentiments contradictoires. Car chaque bonne idée a son penchant négatif ou n'est implantée qu'à moitié, ce qui est un générateur inconditionnel de frustration.

Tout d'abord la meilleure idée du jeu : les versions alternatives de Pokémon. C'est une super idée pour nous faire redécouvrir et nous réinvestir dans des Pokémons qu'on croise depuis 20 ans.

Placer le jeu dans un univers insulaire, donc éclaté, à la DA tranchant résolument avec le reste de la franchise est également une bonne idée. Couplé à l'envie de sortir du schéma classique d'arènes et de champions en le remplaçant par ce système d'épreuves il y a là tout le potentiel pour un jeu Pokémon totalement différent de la formule habituelle. Malheureusement, ce sont des idées à moitié abouties.

Bien que réparti sur quatre îles distinctes, la progression du joueur reste désespérément linéaire et ça ne change pas grand chose aux environnements qui restent classiques sur les routes de Pokémon.

De même pour les épreuves qui ne sont en fait que des mini-arenes déguisées. En plus le jeu assume tout seul ne pas croire en ce choix de gameplay en nous faisant affronter un doyen par île puis, pour la dernière épreuve, les capitaines (les champions quoi) de chaque île. C'est d'autant plus frustrant que ces épreuves sont composées d'un nouveau style de combat différent : le Pokémon dominant se booste en stats, et appelle un coéquipier ce qui vous fait combattre en 2 contre 1. C'est nouveau, tactiquement stimulant et assez tendu. Mais visiblement on n'y croyait pas assez fort chez Game Freak pour baser tous les paliers de progression dessus.

Dans le même genre il y a une idée de scénario rafraîchissante : lorsqu'on commence le jeu, La Ligue Pokémon n'existe pas. C'est le Professeur de cette génération qui émettra l'idée puis la mettra en œuvre pour qu'elle soit prête au moment où on y arrive. Cela signifie qu'il n'y a pas de maître et c'était l'occasion rêvée de réaliser le fantasme de tout joueur de Pokémon : Affronter le Prof. Mais non. US/UL nous font un bon gros doigt d'honneur en nous faisant croire que ce sera le cas, désamorce la situation avec une blague et nous fait à la place jouer le titre de maître contre notre meilleur insupportable ami.


Au final devant Ultra Soleil et Ultra Lune on ne peut qu'extrapoler. Se demander ce qu'aurait pu être cette version si elle avait été développée en parallèle sans la limite de temps délirante qu'impose le planning marketing de Game Freak.

En termes d'idées de Game Design, il y avait largement le matos pour en faire le jeu le plus différent et rafraîchissant de la franchise jamais créé. À la place on a un jeu sympatoche, parasité par les éternels défauts inhérents à sa franchise agrémenté du faible éclat des embryons de trouvailles novatrices qui le jalonnent mais qui aurait demandé bien plus de temps pour faire éclore tout leur potentiel.


(5,5/10)

Porc_Parfum
6
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le 31 août 2023

Critique lue 13 fois

Porc_Parfumé

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