Policenauts
7.8
Policenauts

Jeu de Konami (1996PlayStation)

La découverte de "Metal Gear Solid" a piqué ma curiosité et je me suis penché sur "Policenauts", oeuvre antérieure de Kojima où apparaît d'ailleurs déjà Meryl Silverburgh. Au passage, Meryl dit que sa famille l'a poussée à entrer dans l'armée, et je ne peux m'empêcher de penser à la dynastie des stratèges Silverberg dans la série des "Suikoden".

Policenauts n'a rien à voir avec MGS : c'est un roman/dessin animé interactif. Vous bougez un curseur sur un écran en vue subjective, pour examiner des objets ou interroger des gens, pour faire avancer votre enquête. De temps en temps, il y a des séquences d'action où vous dégainez votre flingue et tirez une pluie de balles antiblindages sur des ennemis qui se cachent dans le décor (un peu comme dans "Wild guns").

Comme dans MGS, et même peut-être plus, l'univers est très fouillé. L'histoire suit un ex-flic devenu privé, Johnatan Ingram. Jeune officier promu dans la brigade des légendaires Policenauts, 5 policiers choisis pour faire respecter l'ordre sur la station spatiale pionnière de Beyond, il est victime d'un accident en sortie extra-véhiculaire. On retrouve son corps en hibernation après 25 ans. Il vit de manière minable. Son ex-femme vient le voir : son nouveau mari a disparu. En sortant, sa voiture explose et elle meurt. Ingram laisse échapper le meurtrier. Il décide d'aller sur Beyond, mener l'enquête. Retrouve ses anciens amis, qui eux ont vieilli, plus ou moins bien : si Grave, l'anglais, est devenu chef de l'Advanced Police (des flics en gundam suits), son vieux copain Ed est devenu un gratte-papier qui attend la retraite... jusqu'à l'arrivée d'Ingram, qui le pousse à retrouver sa dignité de flic.

Le tandem de flics, attachant, est un hommage appuyé à "L'arme fatale" : Ingram a la coupe de cheveux de Gibson et son instinct macho autodestructeur, tandis que Ed est plus dans les clous. On retrouve même la scène du film où Murtaugh invite Riggs à un dîner en famille. Il y a aussi les cutscenes lorsque vous prenez la bagnole de flic pour mener l'enquête. On trouve aussi des scènes classiques comme une poursuite dans le métro, une alerte à la bombe que nos deux compères doivent désamorcer eux-mêmes, LA scène attendue où le supérieur pique une grosse colère... On flirte aussi avec les films de triade, puisque le héros à la fin est seul, charge son arme en pensant à chaque balle qu'il fait entrer dans la chambre à chaque cadavre tué par les méchants. Evidemment, il fonce tout seul vers le repaire des méchants pour le final showdown, et tue un nombre invraisemblable d'ennemis.

Mais ce n'est qu'un côté accessoire du jeu. La grande force du jeu, c'est de délivrer un message très informé et assez critique sur deux aspects :

- Tout d'abord la conquête spatiale. Et de ce point de vue, le fan de SF ne peut que se lécher les babines en voyant les cinématiques animées. On est en 1994, quatre ans avant "Cowboy Bebop", mais on est dans de l'animation japonaise de très bonne facture, parmi ce qui se fait de mieux en matière de SF hard science. L'enquête nous amène de la station Beyond, en forme de cylindre tournant sur son axe, à la lune, qui possède une catapulte. L'univers de Beyond est détaillé au plus haut point : le lecteur attentif trouvera beaucoup de données sur la vie en apesanteur ou les nécessités de maintenir un équilibre de l'écosystème particulier d'une station, mais aussi son emplacement réel (Lagrange 5) et les particularités en matière de nourriture, mode (les femmes préfèrent les cheveux courts), culture matérielle... Merci Kojima.

- L'enquête va grossir, bien sûr, pour s'intéresser à un problème de trafic de drogue et surtout de trafic d'organes. Le scénario est clairement adulte ; pas de fioriture avec les personnages, qui meurent parfois sans que rien ne le laisse présager, ce qui rend le dénouement plus dramatique. Beaucoup d'informations, là encore, sur les greffes d'organes, les problèmes de moelle épinière (personnage émouvant de Karen, qui affronte une leucémie), et surtout une critique des lobbies pharmaceutiques et de leurs pressions sur les praticiens et les hôpitaux. A noter que Kojima a tout de même inséré un rôle positif de médecin à la fin, ce qui tempère de manière heureuse son propos.

Dans le scénario, ce qui m'a le plus touché, c'est le thème de la différence d'âge : un gars retrouve ses anciens amis sans avoir pris d'âge, tandis que pour eux, 25 ans ont passé. Dur à gérer. Beau thème.

Il y a de très bonnes idées de gameplay, comme cette séquence où on surveille les écrans de 4 caméras en même temps pour surveiller une fête dans laquelle se balade un tueur et un kidnappeur d'enfant. C'est très pensé, et très efficace d'un point de vue dramatique.

Dans les moins, disons que en-dehors de cet univers très fouillé et des rebondissements multiples qui tiennent en haleine, dès le début, le scénario est sur des rails : le privé qui reçoit son ex qui se fait descendre, l'ancien équipier qui va aider à mettre au jour un système pourri et finit à l'hôpital... ça marche si on veut bien y adhérer. N'attendez pas beaucoup de suspense, mais plutôt de l'intensité dramatique (la fièvre dans laquelle vous plonge cette séquence de désamorçage de bombe, la première fois...).

Deuxième faiblesse, les graphismes des séquences de recherche sont faiblards. Il faut dire que Kojima a tenu à ce qu'un grand nombre de dialogues soient sonores, ce qui prend de la place sur les disques.

Troisièmement, c'est un pistolet à un coup. Vous ne rejouerez pas à cette aventure une fois finie. Comptez tout de même 12 h de jeu la première fois, en visitant bien tout. Mais refaire une partie n'a guère de sens : le jeu est linéaire, ne présente pas de fin alternative, ne propose pas de bonus.

Ah, et sinon, j'ai oublié le plus dérangeant : vous interrogez beaucoup de personnages féminins, en général dotées de poitrines avenantes. A ma grande honte, j'avoue avoir vite remarqué qu'on pouvait en peloter un bon nombre en plaçant le curseur dessus. Là, on touche à une limite culturelle : aucun Européen n'accepterait qu'un personnage qui est là pour venger sa femme se mette à peloter le moindre nichon tombant à sa portée ; mais apparemment, ça passe tout seul pour le public nippon.

Rares sont les jeux vidéos proposant de la SF hard science bien ficelée (j'ai surtout l'excellent point'n click "The dig" qui me vient à l'esprit). On ne va donc pas cracher sur ces petites faiblesses : "Policenauts", sans être le chef-d'oeuvre que j'ai pu voir décrire parfois, est un titre original, bien ficelé et agréable. Il a sa place dans le panthéon vidéoludique.
zardoz6704
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le 26 août 2013

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zardoz6704

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