Portal est un jeu que je respecte énormément. Ce n'est peut être pas tant dû au plaisir certain que j'ai eu à y jouer, que par sa réussite conceptuelle. Portal, c'est un idée réduite à l'essentiel.
Une série de salles vous apprend à jouer avec une mécanique jamais vue alors, sans jamais répéter un même challenge inutilement. La nature répétitive et contraignante de la formule se justifie pleinement par le contexte des tests et de la relation cobaye-scientifique, et est grandement atténuée par la complexité progressive des épreuves. C'est l'image même du jeu vidéo, le joueur/avatar étant soumis à une série d'épreuves explicitement conçues par une entité externe, invisible et désincarnée (les développeurs pour le joueur, l'IA GLaDOS pour l'avatar) pour tester ses capacités, introduisant progressivement les complexités. Le rythme est suffisamment élevé et le monde et les personnages suffisamment en retrait (Chell est muette et n'est pas plus qu'un portal gun flottant seul dans des environnements neutres et fonctionnels) pour qu'on ne se soucie initialement pas de voir au delà de ce schéma basique, comme on ne s'interroge pas sur l'envers du décor de Tetris. Puis, quand on commence à se poser des questions sur la vraie nature de l'affaire, éveillé par les inscriptions au mur des sujets de test précédents, par l'humour étrange de l'énigmatique intelligence artificielle, tout se dévoile et s'inverse. De sujet ignorant et docile, nous passons à agent conscient et libre, de proie à prédateur, le joueur en parfaite adéquation avec le personnage. Cette transition se voit également dans les décors, les grandes salles immaculées et impersonnelles des débuts laissant place à d'étroits corridors rouillés oppressants, bruyant du travail des pistons et machines qui témoignent de la vie et du passé d'Aperture. Nous utilisons alors l'ensemble de ce que nous avons appris de GLaDOS contre elle, et nous émergeons victorieux et libres. L'aventure ne dure pas plus que nécessaire, ne cherche pas à se diluer pour satisfaire d'arbitraires impératifs, distille subtilement son humour, enveloppe son histoire d'un voile de mystère intrigant tout en se concluant de façon satisfaisante, et propose un gameplay (non-violent !) qui fait appel à nos méninges et nos réflexes.