Trois petites étoiles sur dix possibles.
Oui, c’est bien la note que j’entends attribuer à Prey sur Playstation 4.
Une note cruelle : ça je le conçois.
Cruelle au regard de l’esthétique soignée du jeu. C’est vrai.
Cruelle aussi par rapport à ce que cet espace vidéoludique a de créatif et de séduisant. J’en conviens.
Cruelle enfin pour l’effort apporté à la narration environnementale. A cela aussi je m’accorde…
Mais bon…
Dans le jeu vidéo, il y a des bases à respecter sous peine de rendre l’expérience de jeu totalement inopérante.
Et pour moi, la règle de base qu’il convient absolument de respecter – le sacrosaint commandement auquel tout titre se doit d’obéir au risque de tomber dans les limbes – c’est juste de s’assurer d’être…
…jouable.
Bah oui.
C’est tout con hein.
Mais moi tu auras beau me mettre le plus resplendissant / créatif / original jeu du monde dans les mains, si ce dernier n’est pas jouable, il est évident que je n’en tirerai pas ce que j’étais pourtant venu chercher en jouant : du PLAISIR.
Or, me concernant, le cas de ce Prey est rédhibitoire.
J’ai essayé de m’y remettre à plusieurs reprises – parfois en reprenant même du début – mais le verdict manette en main est resté sans appel.
Prey est injouable.
Et qu’on s’entende bien : le problème ne vient pas du fait que je sois particulièrement un manche !
Car après être mort une petite flopée de fois, j’ai voulu vérifier s’il n’y avait que moi qui avais ce genre de problème avec le gameplay. Du coup je suis allé voir sur le net et j’ai maté quelques walkthroughs.
Or, certes, j’ai su trouver une petite flopée de Youtubeurs qui se sont risqués à ce Prey et qui sont parvenus à le déjouer – là-dessus pas de contestation – mais la très grande majorité de ces Youtubeurs avaient malgré tout entre eux un petit point commun qui n’avait rien d’un détail : ils ont tous joué à Prey SUR PC !
Car oui, que Prey soit jouable sur PC, ça encore je peux l’entendre.
Mais avec une manette de PS4 en main, c’est tout bonnement la croix et la bannière.
Et même si je m’attends bien évidemment à l’argument du : « Eh gros béta ! T’avais qu’à y jouer sur PC ! », à cela j’aurais tendance à répondre : « P’t-être bien ! N’empêche que moi j’ai payé une version PS4 en pensant (bêtement) que les petits gars de chez Arkane avait fait l’effort d’accomplir un véritable portage ! » J’entends par là quelque chose qui aille au-delà de la simple transposition d’une plateforme à une autre ; c'est-à-dire un vrai travail de recalibrage, d’assistance au tir et d’ajustement des ennemis aux contraintes liées au jeu à la manette !
Parce que là, dans Prey, c’est évident que ce taf n’a pas été fait.
Dès les premiers ennemis qu’on croise, on se retrouve confronté à des cibles qui se déplacent bien plus vite et bien plus aisément que notre mire !
Et autant vous dire que c’est une purge universelle ! Car en fouillant un peu j’ai fini par dégoter un walktrough de Prey sur PS4 (celui d’un certain StiM). Eh bah – étonnamment – c’est le seul gars que j'ai vu qui commence sa vidéo juste après le choix du mode de difficulté ! Est-ce que le mec n’assumait pas son choix de faire sa run en « facile », voire carrément en « histoire » ? Bah franchement, il ne fallait pas ! Car pour le coup je le comprends le gars !
Moi-même j’ai fini par faire pareil !
Parce que bon, essayer de déquiller à la grosse Bertha (la puissance en moins) des petites bestioles qui bondissent et se téléportent à toute vitesse, perso ça me va dix minutes.
Même chose quand il s’agit de faire l’essentiel du jeu à la clef anglaise juste parce qu’on gâche bêtement les (rares) munitions des flingues à cause de la lenteur du curseur !
Et qu’on ne me dise pas que c’est propre à tout FPS sur consoles hein !
Metroid Prime, c’était un FPS sur console. C’était il y a près de vingt ans sur le Gamecube et c’était très bien.
Plus récemment, voyez aussi les versions PS3 de Portal ou de Half-life 2. C’était il y a pourtant près de dix ans et ça aussi ça marchait très bien.
Alors après – effectivement – tailler un jeu sur la base de sa version la plus mauvaise, ce n’est peut-être pas vraiment lui rendre justice.
Après tout, si ce Prey peut, dans d’autres circonstances, offrir de belles perspectives vidéoludiques, il serait tout de même plus honnête de le prendre en considération et de revaloriser sa note en conséquence.
Seulement voilà – et je suis désolé de vous l’avouer aussi crument – mais même en m’essayant à faire cet effort là, je ne vois pas de réelle raison d’aller plus loin qu’un simple 3/10.
Parce que je l’ai fait cet effort l’air de rien !
J’ai quand-même recommencé une partie en mode « histoire » juste pour profiter de l’intrigue, de l’atmosphère et de la narration environnementale. Car après tout, c’était plus pour ça que j’étais venu moi ! Bien plus que pour le FPS !
Mais malgré une bonne demi-douzaine d’heures au compteur, je n’ai pas vraiment trouvé de quoi m’enthousiasmer.
Alors OK, c’est vrai que c’est vraiment beau.
Il y a un soin consommé dans la composition des différents espaces proposés. On sent que les gars d’Arkane ont voulu penser Talos I comme un appel optimiste au futur – presque une proposition d’utopie – afin d’apporter une vraie nuance à cette odyssée macabre.
L'objectif manifeste c'était d'un côté se laisser séduire par la somptuosité et la grandiloquence de l’architecture et de l'autre se laisser terroriser par le fait qu’en permanence on contrebalance le tout avec des menaces extra-terrestres et autres complots pas très sympas.
Pour ma part d’ailleurs, c’est clairement cet aspect là qui a alimenté ma persévérance à l’égard de ce jeu.
Mais le gros problème c’est que ce fut le seul.
Et surtout – pire que ça – moi je trouve que ce charme s’est quand-même éventé assez rapidement.
Parce que moi, passé le grand hall et la première sortie en extérieur, j’ai rarement eu l’occasion de faire de grand « ah » d’ébahissement. (dommage car le jardin avait la possibilité d'en imposer, mais encore aurait-il fallu être capable de l'exploiter.)
Tout le reste n’est soit que des déclinaisons de ce même style soit des ruptures basiques à base d’éléments convenus ou un peu à côté de la plaque (je pense notamment à la salle de musique qui, associée au reste, fait un peu compilation à la Luigi’s Mansion 3).
Je trouve même d’ailleurs que, dans l’ensemble, Talos I n’a rien de bien transcendant.
Pas mal de salles remplies d’obstacles à la navigation mais vides de singularité ou d’intérêt. Des possibilités de passages alternatifs qui, pour ma part, pèse peu quand aucun d'eux n'est satisfaisant manette en main. Et comme pour rester fidèle aux mauvaises habitudes de l'industrie actuelle, Prey entend combler ces vides avec une flopée d’ennemis redondants, d’annuaires de lore et de collectibles insignifiants servant à faire du crafting bien chiant ou bien à garnir un arbre à compétences aussi décoratif qu’un sapin de Noël.
Alors après d'accord, il y a peut-être une bonne idée dans ce jeu et c'est le GLOO Cannon – un fusil qui balance des grosses boules de mousse qui se solidifient et qui peuvent servir soit à immobiliser un ennemi soit se constituer un passage alternatif – mais j'ai personnellement eu beaucoup de mal à tirer plaisir de cette idée ingénieuse au regard des problèmes de visée sus-cités, du choix opéré ici de la rareté des munitions et surtout de cet univers vide d'intérêt que je n'avais clairement pas envie d'explorer.
Au fond tout cela sonne quand-même bien banal, fade et creux.
Bah comme tout le reste en fait…
Car oui, en dehors de ses jolis décors, Prey n’a vraiment pas grand-chose pour lui.
L’histoire est démêlée pour son essentiel en moins d’une demi-heure.
Tout le reste est tellement bateau et téléphoné qu’il n’y a vraiment pas de quoi saliver.
Comme beaucoup d’autres donc, Prey est un jeu qui, en termes d’écriture, ne sait pas aller au-delà de la simple série B un peu neuneu.
Peut-être que beaucoup sauront s’en contenter – et tant mieux pour eux – mais moi ça me laisse toujours pour le moins perplexe. (Et c’est un bel euphémisme.)
Parce que bon, le coup du jeu série B ça peut être marrant une fois hein – ça je l’entends bien – mais marrant une fois seulement.
Or cette « fois », elle a déjà eu lieu.
C’était il y a plus de vingt ans.
Et ça s’appelait Half Life.
Je trouve même assez désespérant de constater à quel point ce Prey est incapable, vingt ans plus tard, de se détacher de ce modèle séculaire pour tous FPS qu’est Half Life.
On commence Prey par une petite balade de routine. Comme dans Half Life.
On croise les collègues. On a l’impression que tout va bien. Comme dans Half Life.
Soudain l’incident. Tout dérape. Comme dans Half Life.
Quelques massacres sont alors vus in game, derrière des vitres. Comme dans Half Life.
On dégote d’abord ce qu’on peut pour se défendre, en l’occurrence ici un pied de biche [rayer mention précédente] une clef anglaise. Comme dans Half Life.
Et puis, progressivement, l’espace du quotidien devient un espace de combat et de survie contre des bestioles aliens. Comme dans Half Life.
Tout ça permettant la contemplation cynique d’un idéal de contrôle sombrant dans le chaos et l’anarchie. Encore et toujours comme dans Half Life (…et aussi un peu comme dans Bioshock.)
Non mais franchement…
Comment vous voulez que je m’enthousiasme pour ça ?
C’est comme si le jeu vidéo n’avait pas bougé en vingt ans !
Et il y en a qui montent au plafond pour ça ?
Sérieusement ?
Eh beh comme quoi…
Comme quoi il ne faut finalement pas se prendre le chou pour satisfaire les joueurs d’aujourd’hui.
Une bonne vieille recette qui tâche.
Pas trop de neurones ni de culture.
Du remplissage et un joli papier-peint.
Et quand bien même la jouabilité n’est pas là, on saura quand-même s’en contenter.
Ah ça !
Il n’y a pas à dire, c’est beau.
C’est beau le XXIe siècle et la « maturité » du jeu vidéo.