Raconter la contemplation.
Proteus est un jeu qui demande un petit investissement de la part du joueur : jouer le jeu. Ca n'a l'air de rien, mais c'est plus compliqué qu'il ne semble. En effet le skill principal requis pour jouer à Proteus est avant tout mental, voire spirituel.
Pour faire simple, le jeu vous propose de vous balader sur une île pendant 4 saisons. Vous observez et êtes témoin de ce qu'il s'y passe. Or les événements marquants sont avant tout de type saisonniers, c'est-à-dire cyclique. Vous voyez la vie bourgeonner, et l'environnement réagir à votre présence. Du moins au début... après un moment, on se demande si ce n'est pas nous qui réagissons à l'environnement.
Ce petit moment de doute est le basculement dans l'expérience du jeu. On marche le long de tombes sorties soudain des sous-bois. Là une monolithe impose une présence de pierre intimidante. En contre-bas, cet arbre géant fait sentir que les choses qui nous entourent sont là depuis longtemps et ont trouvé un point d'équilibre, auquel nous sommes invités à participer. Puis soudain, au milieu de l'été, le jeu nous fait marcher plus vite pendant quelques secondes sans prévenir. On se sent léger et on a envie de sourire, En automne, la contemplation des feuilles mortes sur un fond musical exceptionnel donne des frissons nostalgiques.
Bref : Proteus est une réussite de taille, génère des émotions subtiles chez le joueur, et de façon fine, c'est-à-dire sans les souligner au fluo. Jamais il ne dira "ressentez ceci, trouvez ceci beau". Le gratification à jouer provient du fait que chaque émerveillement donne la sensation d'avoir été créé par notre subjectivité même. Tout ce qu'on investit comme attention dans le jeu nous revient en sensations d'existence particulières. C'est une économie comme on aimerait en voir plus souvent.
Cela dit, il demande un esprit libre. Inutile de le lancer si vous êtes préoccupé et avez des choses à faire. Même si une partie n'est pas super longue, il vaut mieux lancer le jeu quand on a envie d'essayer quelque chose sans a priori, ou qu'on est d'humeur à se laisser toucher par le monde extérieur (fusse-t-il virtuel).
Pour conclure le jeu a une fonctionnalité qui déchire : en pressant F9 il prend un screenshot qui fait aussi office de point de sauvegarde. Vous vivez un truc super beau, hop, une carte postale que vous pouvez ensuite envoyer à quelqu'un possédant le jeu et qui pourra se projeter directement dans le moment en question. Très très bonne idée. La force de Proteus est de créer des souvenirs qui ont une saveur authentique (je me souviens de ce moment où je me blottissais au creux des nuages bordant une falaise, etc.), et il donne une façon de les partager qui soit active.
Grosse réussite.
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