Il est rare de voir un produit tenter de remplir une case du marché pour laquelle il n'existe aucune demande. Aucune. Demandez à vos concitoyens - surtout s'ils le sont - et ils vous répondront que le moindre produit qu'ils achètent est censé remplir une forme de besoin. Certes, la plupart d'entre eux sont manufacturés à grands coups de publicité. Vous n'avez pas vraiment besoin d'un soda susceptible de vous garder éveillé plus longtemps afin que vous puissiez "travailler" davantage à vos "projets". Vous n'avez pas non plus réellement besoin d'une machine à faire du café contenu dans des petites capsules de plastique potentiellement cancérigènes. Quoique... le marché du produit cancérigène est étrangement florissant depuis le début du XXème siècle. Non, vous n'avez pas vraiment besoin de tout ça. Envie? Certes, c'est à ça que sert la publicité. Mais... besoin? Faut pas déconner. Or, mélanger série télé et jeu vidéo est bien du domaine de ces idées qui ne font sens que sur papier.
Remplir le cahier des charges d'une vision désuète du jeu vidéo : tel est le but avéré d'un titre comme Quantum Break. Fut un temps la compagnie Microsoft aurait aimé faire de sa marque Xbox une force majeure du monde de l'entertainment. (Pas du divertissement, hein, de l'entertainment; grosse nuance.) Mélanger la télévision, le cinéma et - s'il reste un peu de budget - le jeu vidéo; telle était la combinaison gagnante vue par la compagnie de Redmond. La machine omniprésente. Elle enregistre vos séries favorites! Vous pouvez lui causer! Elle voit ce que vous faites! Ce n'est pas malsain si vous ne l'êtes pas! Sait faire du café! Vous aide à tromper votre inspecteur des impôts! Sérieux! Elle va vous aider à cacher les cadavres et tout! Pourtant... de nos jours. Cette vision s'est effondrée face à l'apathie d'un public qui malgré les apparences espère en fait pouvoir jouer sur consoles.
Kinect? Fini. Les plans télévisuels de la compagnie? Hun-hun. Il n'en reste que Quantum Break. Chouette nom, d'ailleurs, c'est entre Code Quantum, Breaking Bad et Prison Break. Très télévisuel. Par contre, comme jeu, ce l'est malheureusement aussi. Imaginez un titre, réalisé par d'excellents professionnels, obligé de respecter une sacro-sainte règle : 25% de gameplay, 75% de cinématiques... et vous aurez une idée assez représentative du produit qui vous est ici présenté. Vous aurez tout le temps de vous ennuyer en regardant les morceaux censés vous expliquer le scénario. (En gros, pour résumer, un mec à inventé une Machine à Voyager dans H.G. Wells et Le Jour où la Terre s'arrêtera... Le Temps Désarticulé fera que Philip K. Dick ainsi ressuscité risque de venir demander des royalties.) Puis, un peu stupéfait d'encore tenir un pad en main vous serez surpris de jouer quelques minutes à un passage jouable étrangement désuet.
C'est ça, Quantum Break. Une étrange approximation d'un third-person shooter façon Uncharted doté de séquences de plateformes absolument ridicules et de diverses excuses où l'on utilise de vagues pouvoirs temporels pour réaliser des objectifs aléatoires justifiant leur existence. Dire qu'en 2001 une petite compagnie du nom de Remedy Entertainment - je sais pas si vous en avez déjà entendu parler, ils avaient un futur radieux à l'époque - avait plus ou moins inventé la formule avec un titre nommé Max Payne. Excellent jeu, d'ailleurs. Magnifiques mécanismes temporels. Ils étaient simples, jouissifs, offraient un gameplay arcade d'une violence extraordinaire et d'une simplicité ravissante. De nos jours? C'est à peine si nos frères Finlandais sont capables de se plier aux lois d'un genre qui a découvert l'artifice du muret tandis que leur charismatique leader Sami Järvi peine à écrire une mauvaise série épisodique dont le scénario doit ressembler à un QCM. Ah, au fait, si vous voulez... vous pouvez influer sur son déroulement. Cela ne la rend pas meilleure, hein, mais bon; c'était pas le but. L'idée était de tenter de marier deux idées disparates et d'appeler ça un jeu vidéo.