Court, facile et décevant
Pressenti, durant son développement, comme étant un jeu à monde ouvert mêlant FPS et courses de buggy, Rage s'est révélé être en réalité un jeu complètement linéaire à base de donjons post apocalyptiques et de couloirs sablonneux, et bien que le début de l'aventure soit prometteur, les principaux défauts de celui-ci ne tardent pas à ressortir.
Pour commencer, le jeu est trop facile. BEAUCOUP trop. J'ai parcouru une grosse partie du jeu en jouant en « Difficile », et je me suis promené, la faute à la régénération de santé, au défibrillateur offensif (une blague, ce truc...) à un arsenal totalement hors norme et à des ennemis complètement idiots. J'ai fini par passer en mode « Cauchemar », mais ça n'a rien changé ; quel que soit le nombre de conneries que vous fassiez, le jeu ne vous punit jamais, et il est très facile de se sortir de situations particulièrement délicates en spammant la touche d'action rapide pour se soigner, ou de revenir sur vos pas (puisque l'IA ne vous pourchasse jamais, ou presque), sans parler des munitions dont vous ne serez jamais à court, ou des munitions spéciales qui rendent vos armes surpuissantes (mention spéciale aux cartouches de chevrotine explosives et aux carreaux psychiques de l'arbalète qui font exploser les gens [parce que ça, on aime bien faire ça]). Id aurait dû renommer ses modes de difficulté en « Joueur normal », « Manchot », « Nourrisson » et « Caillou », ça aurait été plus juste.
Rage est également très court. Je l'ai fini en une dizaine d'heures en prenant mon temps (c'est-à-dire en cherchant dans tous les recoins, et en faisant une grosse partie des mini-jeux ; lesquels sont d'ailleurs sans grand intérêt, mais au moins, je n'ai pas eu à jouer à Sokoban pour crocheter un verrou). Le level design est assez moyen et rallonge artificiellement la durée des niveaux (bonjour, je peux pas grimper sur un fauteuil pour passer au-dessus d'un muret d'un mètre cinquante[1]) et les collisions en extérieur sont aussi rigides que dans un jeu Bioware, anéantissant ainsi le faible sentiment de liberté que nous nourrissions encore.
(D'ailleurs, de façon générale, tous les niveaux paraissent très statiques. Portal 2 m'avait fait la même impression. Je ne sais pas si c'est dû à l'habitude des jeux où on envoie valser le moindre truc en marchant, mais le fait de ne pas cogner le pied dans des cannettes ou de ne pas voir des déchets voler de temps à autre m'a manqué... surtout dans un univers aussi crade.)
Les combats sont probablement la meilleure partie du jeu, mais entre des ennemis qui font caca derrière leurs caisses, qui restent debout et immobiles à attendre leur tatouage crânien ou qui sont infoutus de vous toucher au corps-à-corps, pour peu que vous sachiez strafer un minimum, c'est tout de même très, très léger. N'oublions pas non plus les wingsticks qui permettent de tuer en un coup avec une touche, ou les tourelles qui font de véritables ravages une fois positionnées correctement (j'en ai foutu deux dans le hall d'une gare pendant une arène où elles ont dû faire une vingtaine de frags ; c'était beau à voir, mais pas très intéressant).
Si vous n'accrochez pas aux combats, vous n'aurez que très peu de choses auxquelles vous accrocher. Le scénario est anecdotique et caricatural (mon front a heurté le bureau quand j'ai entendu « Il y a un groupe de rebelles qui se fait appeler... la Résistance ! »), les musiques vont du moyen au morceau chiant qu'on entend à chaque combat en bagnole, les dialogues ont été écrits par des neuneus, pour des neuneus, et les personnages gesticulent tout le temps (un peu comme si le développeur essayait de nous dire « t'as vu comme je maîtrise la motion capture, cousin ? »).
Même les jeux qui ne possèdent qu'un ersatz de scénario ont quelque chose pour se rattraper, qu'il s'agisse de cubes de données à lire ou à écouter, de lieux atypiques, de personnages attachants, de musiques envoûtantes... qui façonnent l'ambiance et l'identité d'un univers. Malheureusement, Rage ne possède rien de tout cela : ni les journaux de Bioshock ou de Doom 3, ni les personnages à la sauce Valve, Obsidian ou Rockstar... j'ai plutôt eu l'impression de jouer à un mélange de Borderlands et d'Half-Life 2 sous leurs plus mauvais jours.
Au final, j'ai passé une dizaine d'heures sur un jeu pas forcément médiocre, mais que je ne risque pas de lancer à nouveau. Défi raté pour Id qui avait l'occasion de créer une nouvelle licence dans un univers accrocheur, original et amusant (un vrai mode coopératif intégré à la campagne aurait été un sacré plus), mais détenir l'un des meilleurs programmeurs au monde dans son équipe, ça ne suffit pas. En attendais-je trop de leur part ? Peut-être. Mais compte tenu du temps de développement du titre, j'aurais du mal à me donner tort.
[1] http://www.youtube.com/watch?v=zGTQNfYzZfk#t=91