À l'origine, Red Dead Revolver c'est un projet développé par Capcom mais sans direction claire (revisiter le Far-West avec un héros aux super-pouvoirs ?). Passant sous l'égide Rockstar, le jeu se rapproche d'avantage des références du western qu'on connait (John Ford, Sergio Corbucci et Leone). Au final, un bon petit jeu d'action avec personnage taiseux, récit de vengeance et duels au soleil. Pour la firme derrière GTA, c'est un moment où elle souhaite élargir son catalogue et si possible imposer de nouvelles références. Ce qui ne fut pas le cas de Red Dead Revolver mais un petit succès d'estime. Affaire close ? Loin de là. Le développeur Rockstar San Diego a de la suite dans les idées, au point de miser un paquet sur le nouveau chapitre (50 millions investis).
La première chose qui frappe au moment de commencer le jeu, c'est l'envergure décuplée de ce Redemption. On était habitué aux mondes ouverts avec les Grand Theft Auto mais pas à se sentir téléporté plus de cent ans en arrière, dans des décors qui rappellent nos souvenirs de cinéphiles. Diriger le hors-la loi reconverti en chasseur de têtes John Marston est un plaisir, les déplacements sont fluides - quoique les postures sont un peu rigides - et les interfaces correctement agencés (on évite le trop-plein de menus). L'univers a beau être constitué à 70 % de désert, on ne s'ennuie pour ainsi dire jamais car la variété des reliefs et les nombreuses activités (chasse, cueillette, dressage) augmentent pas mal la durée de vie du jeu. Une fois dans les villages, on a droit à d'autres "divertissements" : traque de criminels, poker menteur, bras de fer, lancer de fer à cheval. Et n'oublions pas les évènements aléatoires qui ajoutent un peu de piquant. De quoi faire passer les 25 h de l'intrigue principale à 40 en tout. Une durée de vie solide.
Concernant l'intrigue d'ailleurs, il s'agit du jeu le plus ambitieux développé par Rockstar à ce moment là : beaucoup de personnages, beaucoup de dialogues, direction artistique aux petits oignons (bande-originale excellente) et un doublage de haute tenue. John Marston est un héros à ranger aux côtés d'un Niko Bellic, soit un bougre qu'on est amené à apprécier au fil d'une quête qui n'en finit pas de le mettre à l'épreuve. On sortait à peine d'un GTA 4 étonnamment mature, voilà que Red Dead Redemption en rajoute une couche avec un récit âpre aux accents nihilistes très prononcés (un conseil : ne vous attachez pas trop). La galerie de trognes secondaires est à l'avenant : pilleur de tombes, escroc tiré à quatre épingles, révolutionnaire hédoniste et shérif dépassé. On s'amuse autant qu'on est stupéfait devant la caractère bouffon et repoussant de la plupart d'entre eux...Et dans leur description pas si éloigné des conditions de vie à l'époque. Et on peut même y voir une charge anti-patriarcat de première main, les personnages féminins étant finalement les seuls à mener leur barque intelligemment.
Comme point négatif, Red Dead Redemption souffre d'un aspect dirigiste un peu à l'antithèse du monde ouvert puisque chaque mission importante impose son lot de limitations (vous n'aurez qu'une seule façon de les aborder). Les actions se résument souvent à galoper et tirer. Bien que ce soit souvent jubilatoire, on peut dénoter un côté répétitif. Et on pourra également s'agacer de bugs (collisions, clipping) plus ou moins voyants. Une fois passé ces problèmes, il faut admettre que Rockstar nous offre l'un de ses jeux les plus aboutis. On ne peut que saluer le flair du studio pour avoir parié sur une licence sans garantie (Red Dead Revolver, c'est 1.5 millions d'exemplaires vendus). Si les ambitions ont été revues à la hausse, le succès sera également d'une autre stature (15 millions de copies écoulées en cinq ans). De quoi pousser vers une suite encore plus audacieuse...