Ah il est beau le jeu, ça oui ! Il est fluide, il est tout ce que vous voulez. Et après ? Des beaux graphismes n'ont jamais rendu bien un jeu. Ils peuvent participer à la qualité d'une oeuvre déjà réussie, mais un jeu mauvais ne deviendra pas agréable parce que c'est joli ou que les couilles du cheval rétrécissent quand il fait froid. Parce que derrière tous ses artifices techniques, cette création se rate sur toute la ligne.


Mais à défaut d'être réussi, Red Dead Redemption II nous informe sur les limites des grandes productions en cristalisant les défauts inhérents à leur nature. Je ne parlerai pas des conditions de développement qui, aussi infâme soient-t-elles, restent un sujet à part. J'aimerais plutôt parler de la partie gameplay, de tous ces moments où on nous demande de jouer à la manette, qui semblent être traîné par le jeu comme un boulet.


Celui-ci se veut immersif. Arthur ouvre lentement chaque tiroir et prend un à un les objets dans sa main pour les ramasser. Lorsqu'il dépèce un animal, on le voit lentement découper sa chair et là retourner. Arthur et lourd aussi. On incarne pas un jeune athlète mais un homme qui accuse le poids des années et ça se sent. Et c'est une bonne chose ! Je trouve intéressant de voir à une époque où toute production AAA minimise les risques en en prenant le moins possible et en essayant de plaire à tout le monde, un studio qui se démarque en faisant un choix qui pourra faire reculer certains.


Sauf que faire une expérience immersive de par sa lenteur, ça demande la volonté de tenir se parti-pris jusqu'au bout. Si réaliste le jeu se veut, alors il doit l'être sur toute la longueur afin de garantir une pureté totale dans l'expérience. Est-ce que c'est ce que fait Red Dead ? Absolument pas ! Ou alors j'ai raté la partie dans mes cours d'histoire où les cowboys naviguaient à l'aide de GPS et snipaient leurs ennemis grâce à l'aide à la visée du Predator.


Déjà parlons de l'exploration. Il va réellement falloir que les développeurs comprennent que ça ne sert à rien d'offrir un terrain de jeu immense quand on est même pas capable de rendre sa structure compréhensible au joueur. Ce qui est plaisant dans une aventure, dans l'arrivé dans un monde nouveau, c'est ce sentiment qui s'installe en deux temps. D'abord on est intimidé par la nouveauté qui nous arrive dans le visage, et c'est lorsqu'arrive avec le temps ce sentiment de familiarisation et donc de maîtrise que le plaisir apparaît. Mais comment je suis sensé me familiariser avec un lieu lorsque l'on me met constamment la cuillière dans la bouche en ne me laissant interragir avec le monde qu'au travers d'une lourde interface ? Comment est-ce que je peux en venir à comprendre cet environnement qui est mien et sa structure lorsque l'on me dit sans arrêt où aller avec cette petite ligne rouge qui m'empêche d'être forcé à devoir chercher puis trouver mon chemin ? Comment ils faisaient à l'époque ? Du coup on traverse la carte bêtement sans jamais être réellement investi dans ce que l'on fait. Déjà que le contrôle du cheval nous fait passer en pilote automatique, ça ça aide pas.


Ensuite les phases de tir, oulala que c'est mauvais. Et je n'aurais pas autant pesté si elles n'étaient pas omniprésentes. Qu'est-ce qu'il y a d'amusant à appuyer sur la gachette gauche pour voir le viseur automatiquement s'aligner automatiquement sur l'ennemi puis d'appuyer sur la gâchette de droite pour le voir s'effondrer ? Alors du coup, j'ai desactivé cette fonctionnalité qui était juste un frein au plaisir et à l'immersion. Et vous savez quoi ? Sans la visée automatique, le jeu est injouable ! Parce que le jeu a été pensé pour être joué avec des snipers qui tuent des armées entières à la seconde, bah quand vous prenez le temps de viser un gars (avec une manette ça prend du temps), vous êtes puni en étant rapidement débordé.


Je comprend qu'il soit toujours délicat de proposer un jeu de tir sur manette. Mais du coup est-ce que ça aurait pas été plus intelligent de nous faire affronter moins d'ennemis et de faire reposer le coeur des affrontements non pas sur la visée mais sur la stratégie et l'improvisation ? Les ennemis sont bêtes dans ce jeu (ça aussi c'est pas très immersif), rendez-les intelligent. Diminuez leur nombre, ça nous évitera d'avoir l'impression de massacrer l'entièreté de la population américaine (pas immersif comme sensation non plus), et faîtes les essayer de nous contournez. Forcez le joueur à utiliser tous ses outils à disposition, rendez les combats anarchiques et imprévisibles, faîtes qu'on utilise notre tête plytôt que notre flingue.


Mais le jeu ne fait pas ça. Le jeu ne fait pas ça, parce qu'une partie de lui se veut certes réaliste et sans compromis, mais l'autre partie est un bête monde ouvert daté avec des combats de cover shooting ratés parce que c'est comme ça que fonctionne un jeu vidéo. Et oui, c'est peut-être là limite d'un projet incluant plusieurs milliers de personnes, c'est que la cohérence d'une intention se dilue dans la masse. RDR2 est une chimère, un amalgame de créatures criantes de dissonance. A la place d'avoir un simulateur de vie dans l'ouest américain, on a une expérience fragmentée dont les coutures sont plus visibles que les pièces qu'elles rattachent. Et du coup on s'emmerde.

Panineohm
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le 7 sept. 2022

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Panineohm

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