Resident Evil 4
8.2
Resident Evil 4

Jeu de M-Two et Capcom (2023PlayStation 5)

Le moment est venu. Celui de vous parler d’un de ces fameux jeux culte qui aura marqué l’histoire du jeu vidéo, et laissé une trace indélébile dans le cœur de nombres de joueurs. Je parle bien entendu ici du fameux quatrième épisode de la plus célèbre série de survival-horror de Capcom, l’illustre et bien nommé Resident Evil 4. Il faut dire que cette temporaire exclusivité Nintendo GameCube a su laisser un prestigieux héritage à l’univers vidéo-ludique. On pourrait parler pendant des heures des nombreuses séquences restées à jamais dans toutes les mémoires, à l’instar du fameux village et de son tronçonneur fou, ou de la fameuse attaque de la maison dans laquelle Leon S. Kennedy et Luis Sera doivent contenir une horde de Ganados en furie. Mais Resident Evil 4, c’est aussi un titre qui a bousculé les codes habituels du jeu d’action, amenant notamment la célèbre caméra à l’épaule, reprise par la plupart des représentants du genre encore aujourd’hui. Bref, un chef-d’œuvre quasi-incontesté qui a su faire l’unanimité à sa sortie en 2005… ou presque. Car comme le monde est mal fait, un petit noyau dur de vieux réactionnaires veille école, et adeptes de survival-horrors traditionnels sont restés hermétiques à la direction plus explosive de ce nouvel opus. D’indécrottables réfractaires dont j’ai bien évidemment le malheur de faire partie. Il est désormais temps de l’avouer, même si je reconnais toute l’intensité, la variété ou l’excellence de certains passages du titre de Capcom, je ne suis jamais vraiment parvenu à passer outre certains choix de game-design. Un Leon trop lourd à contrôler au regard du dynamisme de l’ensemble, l’exploration sans cesse parasitée par des cohortes d’adversaires incessants, mais surtout l’absence totale de sensations de peur ou de malaise, sont autant d’éléments qui ont fini par avoir raison de ma motivation. J’en étais le premier frustré, alors que mon impatience m’avait fait lancer l’aventure dès la sortie de la version américaine. Deux rages-quits plus tard, écœuré par un énième échec à tenter de couvrir l’insupportable Ashley juste avant le passage où on était censé l’incarner, c’est finalement sur PS2 que j’en aurai vu le bout… en laissant la manette à un ami curieux les trois quarts du temps. Une session dont je garde un bien mauvais souvenir, aucun de nous deux n’ayant vraiment été convaincu par ce gigantesque pugilat qui ne nous évoquait pas grand-chose, si ce n’est des regrets. Beaucoup de regrets de n’avoir su accrocher à un jeu si attrayant visuellement, et gorgé de tant de scènes que je savais absolument incroyables, tant au niveau de la variété que de la mise en scène. Mais je fus pourtant incapable de me défaire de cette haine grandissante envers un titre qui, sous prétexte d’évolution, avait soudainement déclaré obsolète une formule qui disparût presque intégralement des radars à la vitesse de la lumière, dans les années qui suivirent.

Cette histoire aurait pu, aurait dû s’arrêter là. Mais même aujourd’hui, l’ombre de ce fameux Resident Evil 4 est toujours présente, avec cette tenace frustration d’être passé à côté de quelque chose de grand dont je n’ai jamais su profiter. Je m’étais pourtant dit qu’on ne m’y reprendrait plus, que ce jeu n’était définitivement pas pour moi, surtout après une nouvelle tentative bien vite avortée sur Xbox 360. Mais le faible et naïf couard que je suis a bien évidemment su se convaincre qu’avec l’âge, et aidé par un Remake ambitieux comme Capcom sait parfois les faire, le miracle Resident Evil 4 de 2023 aurait enfin lieu. Voilà, maintenant que le (bien trop long) contexte est enfin posé, il est temps de repartir pour une ultime fois en Espagne, en espérant que le voyage se soit mieux passé que d’habitude.

« Got an awesome remake to sell, stranger ! »

Avant toute chose, et quoi que je puisse penser du résultat final, il convient en premier lieu de saluer tout le travail effectué afin de proposer une expérience remise au goût du jour. Ce qui est assez étonnant avec ce Resident Evil 4 Remake, c’est que j’avais souvent l’impression de retraverser le même jeu qu’à l’époque, avec quelques ajustements, histoire de dépoussiérer quelques mécaniques ou situations de jeux aujourd’hui obsolètes. Durant la première grosse section du jeu qu’est le village, j’avais même tendance à reprocher à ce remake de ne pas en faire assez, et d’être trop similaire à son modèle. Une sensation qui ne collait pourtant pas avec un constat bizarrement contradictoire par rapport à mon expérience de 2005. En effet, à ma grande surprise, mes premiers pas avec cette version 2023 se montraient alors plutôt réjouissants. Qu’il s’agisse d’un Leon un peu moins pataud à contrôler, d’une ambiance plus horrifique magnifiquement retravaillée, ou encore d’un rythme plus étudié laissant plus de place à l’exploration, le plaisir était là, et qui plus est, sans grandes réserves.

Il convient de préciser dès maintenant que mes souvenirs du jeu d’origine étaient bien évidemment assez approximatifs après tant d’années. Ainsi, à titre d’exemple, je gardais un assez mauvais souvenir de l’affrontement face au monstre du lac, sans forcément m’en rappeler les raisons. Mais c’est pourtant bien ce combat version 2023 qui m’a réellement permis de prendre conscience du travail effectué par Capcom sur ce Remake. Plus agréable car épuré de certaines mécaniques crispantes comme les QTEs consécutifs aux fréquentes chutes dans l’eau présentes à l’époque, ce face à face m’aura fait l’effet d’un électrochoc. Et de régulières piqures de rappels vidéo, en parallèle de mon parcours, m’auront permis de comprendre à quel point ce Resident Evil 4 revisité avait changé son expérience de jeu.

Le vrai tour de force de Capcom est d’avoir réussi à opérer un nombre assez incalculable de modifications, tout en donnant pourtant l’impression de jouer au même jeu. Il m’est ainsi fréquemment arrivé au cours de l’aventure d’avoir la sensation de me souvenir de certains passages, puis de réaliser après comparaison qu’ils avaient été copieusement transformés. Les évolutions sont parfois subtiles, à l’image de légères révisions dans l’agencement des lieux, dans la répartition des ennemis, ou encore dans les énigmes ou obstacles souvent modifiés, afin de fluidifier la progression. Mais les aménagements pourront se montrer beaucoup plus radicaux au fil du temps. Il pourra ainsi s’agir de séquences déjà présentes à l’origine, mais totalement repensées. On pensera notamment à la première rencontre avec Krauser, revue afin de délester le gameplay de toutes phases de QTE, aujourd’hui passées de mode.

Dans ce même ordre d’idée, Capcom aura également procédé à un grand balayage de printemps qui ne manquera pas de décontenancer les plus conservateurs. Exit donc quelques moments pourtant assez marquants du jeu d’origine comme la bataille en téléphérique, ou la traque du monstre quadrupède au milieu des cages tombantes. Des suppressions parfois frustrantes, mais avant tout destinées à alléger cette refonte de toute mécanique trop vétuste, susceptible de nuire au rythme et à la cohérence générale. On y gagnera toutefois par opposition de nouvelles situations totalement inédites à l’instar de la course poursuite avec Mendez ou de la mémorable séquence en wagonnet avec Luis. D’aucuns pourront penser que ces absences ne sont peut-être que partie remise, afin d’être reversées plus tard dans l’eventuel DLC « Seperate Ways » centré sur Ada, bizarrement écarté de ce remake.

« Help me, Leon ! »

Par voie de conséquence, le gameplay a dû lui aussi s’adapter à cette évolution. Cela passe par un Leon un peu moins rigide qu’auparavant, enrichi de quelques ajouts pertinents. Il peut ainsi désormais s’accroupir et faire preuve de discrétion en éliminant ses adversaires dans le dos, tirer tout en se déplaçant, ou encore parer les attaques ennemies avec son couteau. Toutefois, s’il pourra contextuellement recourir à quelques esquives occasionnelles, l’ex partenaire de Claire Redfield n’en reste pas moins encore suffisamment lourdaud pour ne pas nous faire regretter leur présence à volonté, comme pour Jill Valentine dans Resident Evil 3 Remake. Un problème d’autant plus embêtant que les adversaires se montreront globalement plus agressifs dans cette version. Cela ne haussera pas la difficulté de manière trop démesurée, même si cela pourra rendre certaines séquences plus frustrantes que nécessaire.

Et pourtant, contrairement à ce qu’on pouvait craindre, la tant redoutée Ashley Graham n’y sera finalement pas pour grand-chose. Plus ou moins débarrassée de ses insupportables cris de l’enfer, moins contraignante à gérer, et au cœur d’un passage dédié totalement repensé avec succès, la fille du président devient beaucoup plus agréable à côtoyer qu’en 2005. Réellement attachante de par un comportement largement revu, sa complicité grandissante avec Leon nous ferait presque regretter ses régulières absences inhérentes à ses incessants kidnappings. Seul vrai problème toujours d’actualité, sa fâcheuse tendance à s’accroupir et rester immobile au milieu des ennemis à chaque moment de panique, et ce quel que soit nos directives. On comprendra la logique afin de ne jamais trop l’éloigner du joueur en cas de nécessité de sauvetage urgent dans les zones les plus hostiles. Cela dit, sorti de toutes considérations de soucis de cohérence, ce choix prêtera tout de même à discussion tant il occasionnera nombre d’enlèvements autrement évitables, ou d’échecs de mission consécutifs à un positionnement inadéquat, ayant engendré son décès à la suite d’une balle perdue.

Finalement, le seul registre dans lequel ce remake aura échoué à me convaincre restera son scénario, toujours d’une bêtise et d’un ennui incommensurables. On ne pourra, toutefois, pas nier que la plupart des remaniements consentis aident à rendre le récit un peu plus supportable. Les traitements plus adaptés de personnages comme Ashley ou Luis, beaucoup plus cohérents, ou encore les motivations plus simples et moins ridicules d’un Lord Saddler témoignent, là encore, de vrais efforts intéressants. Mais le come-back d’Ada, toujours aussi peu consistant et émotionnellement vide, ou l’inepte postulat de départ à peine digne d’une série Z ramènent bien vite à la réalité. Vous me direz, à juste titre, que la saga Resident Evil n'a jamais vraiment brillé pour la profondeur de son écriture. Soit, mais les trois premiers épisodes avaient au moins le mérite d’être funs, en reposant sur une intrigue épurée, efficace et contextuellement vraisemblable. En plus d’être mal rythmé et souvent tiré par les cheveux, le récit de Resident Evil 4, se montre régulièrement d’une idiotie assez monumentale dont le synopsis d’un autre temps aurait mérité d’être remanié.

Un parcours semé d’embûches

Il est parfois bien difficile de savoir avec précision pourquoi on a apprécié ou non un jeu vidéo. Quand on en rejette un, c’est le plus souvent parce qu’on estime qu’il souffre de trop gros défauts pour être agréable, ou plus simplement qu’on est totalement insensible à la proposition initiale. Mais de temps à autre, il arrive aussi que la désillusion soit contextuelle. C’est, par exemple, ce qui m’était arrivé avec le jeu Control de Remedy. J’ai abandonné une première fois l’aventure au bout de deux heures, alors insensible à l’ambiance et dans un état d’esprit sans doute trop peu enclin à profiter correctement d’un TPS. Toutefois, même à l’issue de cet essai infructueux, je n’avais pas de réel reproche objectif à lui faire, et avais même trouvé le feeling de gameplay plutôt bon. Ce sont finalement ces deux éléments qui m’ont poussé à lui accorder une autre chance, près d’un an plus tard. Un choix qui se révéla payant, dans la mesure où je l’ai terminé sans grandes arrière-pensées, et où il est même parvenu à se hisser sur mon podium de mes TPS favoris. Je m’éloigne, certes, un peu du sujet, mais cela vous permettra peut-être de comprendre un peu mieux mes motivations lorsque j’ai inséré ce Resident Evil 4 Remake dans ma PS5, malgré mes maigres affinités avec le jeu d’origine. L’espoir qu’un contexte et quelques changements bienvenus transforment ma mauvaise expérience passée en ce vrai grand moment de jeu vidéo que beaucoup d’entre vous ont connu en 2005.

C’est donc rempli d’enthousiasme et d’un minimum de confiance que je me suis lancé dans l’aventure. Et à mon grand étonnement, cet engouement était toujours bien présent à l’issue de la première partie du jeu : Le village. Forte d’une atmosphère plus sombre et plus horrifique, mieux rythmée, et gorgée de secrets qui incitent encore plus à l’exploration, cette section s’est révélée être une vraie bonne surprise. A aucun moment je n’y ai ressenti de redondance ou de lassitude, grâce à des modifications bienvenues, et un équilibrage qui m’a semblé beaucoup plus juste. De la séquence culte de la traque du village au combat contre Mendez, en passant par l’excellent chapitre 4 et ses sensations de liberté, toute cette première partie réalise à mon sens un quasi sans-faute.

Alors plein de confiance, c’est malheureusement au château que j’ai rencontré mes premiers heurts. Je n’ai pourtant, une fois de plus, par grand-chose à redire au travail de réinterprétation. La refonte visuelle du domaine Salazar est absolument magistrale, nombre de séquences ont été revues et corrigées avec lucidité, et même la cauchemardesque salle de l’eau de l’originale est désormais plus digeste. Cependant, si cette deuxième portion est souvent brillante, le tenace amateur de survival-horror que je suis n’a pu s’empêcher de la trouver encore trop bourrine à son goût. On y trouve, certes, quelques énigmes rigolotes, et les retours arrière restent possibles afin de dénicher quelques secrets oubliés, ou auparavant inaccessibles. Mais ces derniers s’accompagnent souvent de respawns d’ennemis parfois dispensables, et la progression principale, enchainant parfois sans réserve les phases de massacre, ont fini par me ramener à la frustrante lassitude du jeu original. C’est donc passablement écœuré et un peu moins enjoué que je me suis attaqué à la dernière ligne droite : l’île.

Déjà plus ou moins réputé pour être un peu too much à l’époque, c’est avec beaucoup de craintes que je me suis lancé dans cet ultime passage de l’aventure. Et même si je ne pourrai pas dire que le miracle a eu lieu, cette version retravaillée aura au moins su limiter un peu la casse. J’ai ainsi pu me raccrocher à quelques moments qui m’avaient déjà plus à l’époque, comme le laboratoire et ses Regeneradores, ou à de bonnes petites surprises comme la toute première zone que l’on peut désormais choisir de traverser en mode furtif. Toutefois, les innombrables fusillades, tout comme la fameuse scène sous couverture héliportée m’ont une nouvelle fois régulièrement fait oublier que je me trouvais devant un Resident Evil. Et c’est donc sur les rotules et avec soulagement que j’ai achevé une aventure qui commençait à durer sans doute un peu plus que nécessaire. Mais à l’heure de faire le bilan d’un remake, évidemment toujours dans une philosophie à laquelle je n’adhère que partiellement, ressortent deux choses essentielles. La première, c’est qu’en dépit de quelques désagréments, j’ai eu envie d’aller jusqu’au générique de fin sans voir ma motivation s’étioler au fil du temps. Mais surtout, malgré mes réticences vis à vis de situations qui plairont pourtant à beaucoup d’entre vous, ce Remake me paraît, à l’arrivée, être une vraie réussite difficilement contestable.

Cette édition 2023 de Resident Evil 4 est incontestablement un excellent remake. Alternant subtilités et vraies prises de risque toujours tout en maitrise, cette réinterprétation parvient à respecter son modèle tout en lui insufflant la bouffée d’air frais nécessaire à sa modernisation. Mieux rythmé, fourmillant de secrets en tout genre, et doté d’une ambiance plus sombre, il côtoie même régulièrement les sensations d’un Resident Evil plus traditionnel, pour le plus grand bonheur des fans des premières heures de la licence. Bien difficile à prendre objectivement en défaut, le titre de Capcom pourra sans doute décevoir quelque peu les joueurs les plus à cheval sur la technique que l’artistique. D’autres regretteront la suppression pure et simple de certains de leurs passages favoris, ou d’avoir à se coltiner une histoire toujours aussi inepte, malgré quelques ajustements pertinents. Bien évidemment, ce Resident Evil 4 Remake ne se montrera pas aussi initiateur que son édition 2005, ni plus spectaculaire que les réitérations du 2 ou du 3, qui s’accompagnaient tous deux d’un changement total de point de vue. Mais le travail réalisé par Capcom n’en reste pas moins admirable, tant le résultat final semble en phase avec le jeu d’origine. Et de mon côté, le miracle a presque eu lieu. Je ne ressors toujours pas entièrement convaincu de cet épisode toujours un peu trop orienté action à mon goût, aux commandes d’un Leon encore un peu rigide, malgré les nombreux efforts consentis pour le rendre plus malléable. Toutefois, plusieurs semaines après avoir terminé l’aventure, j’en garde un plutôt bon souvenir, ce qui est déjà une grande victoire en soi. En conséquence, et malgré quelques réserves encore tenaces, ma note finale sera finalement plus haute que prévu, récompensant le plaisir enfin pris sur un titre culte, qui jusqu’ici, n’avait pourtant jamais réussi à m’atteindre.

Arnaud_Lalanne
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le 16 mai 2023

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