Relancer des sagas passées semble avoir le vent en poupe. Il y a ceux qui renaissent de leurs cendres, même les plus fumantes, tel Shenmue 3; ceux qui sortent alors que tout espoir était éteint (Final Fantasy XV), ceux qui tentent de poursuivre des œuvres cultes (jadis) en nous sortant une suite molle et fade avec des héros au charisme d'huitres (Gears of war 4) et ceux qui décident de faire fi du passé, de s'engager sur les chemins de la rédemption et de tourner une page bien noire... Resident Evil 7 fait partie de ces œuvre-là.
Et cela n'a jamais été aussi vrai, tant RE7 semble vouloir (re)démarrer plutôt que de faire suite à quoi que ce soit. Parti pris aussi courageux que risqué qui pourrait de décevoir les 'fans' de la première heure et de ne pas attirer suffisamment de nouveaux venus. Que ça soit dit, malgré un 7 mis brillamment en évidence dans le titre, le jeu ne fait pas du tout suite à Resident Evil 6 (heureusement), ni au 5 d'ailleurs, ni a aucun en fait. On oublie tout et on recommence. Finie la vue à la 3ème personne, terminée l'action effrénée à coups de munitions quasi infinies, balayés les héros bodybuildés et les héroïnes en tenues de soirées au milieu d'une infestation de zombie (si, si, j'aimais bien Ada); bienvenue à Ethan et à la famille Baker. alors, oui, le lien avec Le Resident Evil original et le manoir Spencer est facile à établir et pourtant RE7 ne ressemble pas tellement à ce jeu culte de la ps1.
Soyons francs, on sent que la démo P.T. est passée par là, mais, par extension, on ne peut s'empêcher de penser à Silent Hill tant l'ambiance glauque à souhait, l'amorce du scénario sur la disparation d'une femme aimée, la jeune et terrifiante Evelyne et les mutations organiques et sales des décors nous rappellent bien plus cette série que les Resident(s)... Silent Hill érigeait les ambiances sombres et dérangeantes au rang d'art, RE s'est noyé et perdu dans l'action, l'influence parait donc judicieuse. Reste à expliquer pourquoi RE7 est désormais mon épisode préféré et de loin.
Tout commence dans le Bayou, suite à un mail envoyé par Mia, visiblement notre copine... Nous incarnons Ethan, un mec normal bien loin des S.T.A.R.S. surentrainés, qui se retrouve rapidement face à une vieille bâtisse, la maison Baker, donc. Et là, nous sommes bien loin d'imaginer ce qui nous attend, parce que oui, l'ambiance de ce lieu est incroyable. Plongé dans la pénombre, armé d'un couteau, arpentant les couloirs et pièces semblant abandonnés, cherchant un chemin dans la solitude et le sinistre pour découvrir cette Mia enfermée et malade. S'en suivra une poursuite dingue et d'une brutalité digne des meilleurs bis italiens (je dis ça plein d'amour pour ce cinéma) clôturant une intro menée de main de maître qui vous apprendra à grand coup de membres tranchés que le Resident Evil de vos souvenirs est mort. La suite sera à la hauteur de ce début et rappellera à l'amateur de cinéma de genre de grands souvenirs, citons, entres autres, house of 1000 corpses, REC, Le Projet Blair Witch, The Descent et le Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper dont tout le début du jeu et sa scène du repas sont un hommage évident. Cette ambiance remarquable, le jeu ne va jamais s'en départir tout au long des 10 à 15 heures qui vous seront nécessaires pour boucler l'aventure en mode normal. Il faudra se cacher au détour des couloirs poursuivi par une version barrée de "papa" et maman" immortels souhaitant vous éduquer à l'aide de fourches, d'insectes mutants, de lames usées ou pourchassé par un bestiaire étroit (le scénario l explique et le justifie) mais dégoulinant de réussite. Il faudra économiser vos munitions et éviter les affrontements inutiles, chérir vos herbes vertes et les transformer en précieux remèdes à l'aide d'un utile système de 'combinaison', réapprendre à ranger et organiser un inventaire limité (mais améliorable), sauvegarder dans certaines pièces prévues à cet effet (malgré une sauvegarde automatique qui vous évitera trop de frustration) et surtout résoudre des énigmes assez variées et souvent à l'ancienne (le retour des clés ouvrant des portes précises)... Fichtre, tout cela fait du bien... Mais tellement... Resident Evil 7 est l'exemple même de la Madeleine de Proust ranimant des souvenirs de gameplay oubliés et qu'à regrets on croyait perdu. C'est un sans faute et on ressent une vraie gratification à avancer dans le jeu, à gérer avec amour nos armes et soins, à franchir chaque porte fermée pour affronter les quelques boss (parfois bien retors et inégaux) et à découvrir le mystère de cette demeure car oui, si le scénario à ses côtés nanardesques, ils s'assument totalement, est assez cohérent et révèlent même son petit rebondissement final.
Techniquement, RE7 fait totalement honneur à la ps4. C'est fluide, souvent beau, esthétiquement inattaquable (les éclairages de ce jeu...) et les personnages sont aussi sales et repoussants que réussis. Les options HDR et un upscale 4k sont même disponibles sur la ps4pro. Mais le plus incroyable, et je ne pensais jamais dire ça, pour avoir pu l'essayer en VR, ce jeu m'a pour la première fois convaincu de l'utilité de la réalité virtuelle. Certes, c'est moins beau, mais on s'en moque totalement tant l'immersion et cette fameuse sensation de présence fonctionne. Oui, il faut l'avouer, La maison Baker en VR fait encore plus peur (parfois même trop pour moi...).
J'aime Resident Evil 7. Je n'en attendais rien et il m'a tout apporté. Un jeu tout juste moyen m'aurait déjà semblé remplir le contrat par rapport au marasme qu'était devenue cette série et il s'avère excellent. C'est un vrai survival-horror qui n'usurpe pour une fois pas l'appellation, mais avant tout un vrai bon jeu, une œuvre rare de nos jours. Il ne réussit pas tout, mais sa volonté de tenter, sa conviction au changement et au renouveau me font espérer qu'il marchera, il le mérite.