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L'invitation à l'exil, DigixArt, 2021


Il est bien cocasse de jouer les fugueurs quand son propre fessier reste bien ancré au fond de son fauteuil ; si bien des jeux font faire de nombreux kilomètres de pixel aux joueurs, peu nous invitent aussi frontalement à prendre la route et à strictement viser la fuite du pays. Les plus critique observateurs feront observer que le jeu vidéo vise même à visser profondément ses adeptes en des mondes synthétiquement confortables sans soucis de l'extérieur. Route 96 vient faire une proposition différente, politise son propos avec assez d'intelligence, fort d'un charme esthétique désuet rappelant les jeux 128 bits et la bande dessinée, muni des moyens modestes qui forcent souvent l'originalité. Comme on chante aux États-Unis, "je ne peux plus attendre d'être sur la route encore".


La première chose qui marque, et qui laisse une emprunte durable après l'expérience, c'est la direction artistique et l'esthétique générale du jeu, tout en légèreté, très agréable. Ce cell-shading haut en couleurs ne peux pas laisser indifférents les anciens joueurs ayant vécu les années 2000.

Toujours dans l'habillage formel, la bande-son du titre se veut éclectique, se montre souvent inattendue, et colle toujours aux ambiances développées. Les passages électro musclés lors des séquences d'actions, ou les ballades pop à la guitare sont efficaces. Le jeu de voix des comédiens est bon.


𝑅𝑜𝑎𝑑 96 est un jeu d'aventure optant pour une mécanique de "point & click" moderne ; on pense aux productions, plus toute récentes aujourd'hui, de Telltale Games, mais en vue subjective. Une certaine liberté est donné au joueur, laissé libre de se déplacer dans de nombreuses séquences. Quelques autres mécaniques de jeu viendront se greffer à ce tronc, de façon anecdotique, mais périodiquement : course-poursuite simplifiée, tir, jeu de rythme, etc. Cela ne dure jamais très longtemps, et c'est très bien ainsi.


Le principe du jeu est de faire traverser à notre personnage, un adolescent, la frontière de son pays totalitaire. Que l'objectif soit rempli ou non, on recommence le voyage avec un nouveau personnage. Au cours de ces voyages, on croisera la route de personnages dont on finira par connaitre la personnalité, l'histoire et les motivations profondes à force de rencontres.


Le cheval de bataille du jeu est le choix d'action et d'attitude donné au joueur pour poursuivre sa quête. Ces choix sont à coupler avec le cadre diégétique de l’œuvre. Nous sommes plongés dans une tyrannie comparables aux républiques socialistes du milieu XXème siècle - contrairement à ce que l'ambiance diffusément américaine suggère- où le gouvernement policier terrorise sa population, et surtout l'empêche de quitter les frontières du paradis communiste, comme aux plus belles heures du rideau de fer et du mur de Berlin. Certaines séquences font froid dans le dos. Les thèmes abordés, la police secrète, la désinformation d'état, les dénonciations, l’endoctrinement d'enfants, et l’expédition des opposants en camp de travail et de rééducation, sont une actualisation pixelisé de l'histoire terrible de ces républiques socialistes.


J'ai lu ici et là que le jeu était une critique de l’Amérique de Trump ; il est définitivement admit qu'en France les plus incultes ont la voix qui porte le plus.


Nous avons le choix écrivais-je de notre comportement. Cette liberté se résume le plus souvent à répondre aux dialogues de trois manières différentes : on peut affirmer son soutient à la révolution, au changement violent ; sinon se montrer plus modéré, et prôner son soutient à l'opposante politicienne (contrôlée ?) du dictateur et ; enfin, on peut assumer une position indifférente, ou plutôt individualiste, en favorisant sa propre évasion.


D'autres séquences proposent un choix plus ancré dans l'action, et par exemple nous permettent de dénoncer ou non un individu recherché, de saboter une enquête policière ou de la faire réussir, de ruiner une mise en scène médiatique propagandique ou de la sublimer, de voter une opération terroriste mortelle, etc.


Tous ces choix, si ils ne font pas grandement varier le récit, à la manière des productions signés Quantic Dream, permettent au joueur d'explorer différents chemins à sa manière, et provoqueront certaines rencontres qui auront autant d'impacts selon la politique tenue au cours de l'aventure.


Quand on a connu le véritable exil, on ne peut qu'être touché par la thématique de 𝑅𝑜𝑎𝑑 96. La mise en scène de la chose, avec assez de nuances (le plus souvent), la réaction des PNJ hostiles particulièrement bien rendu, sont d'une véracité que l'homme du commun ne connaîtra jamais, de ce point de vue du moins.


Une ouverture nuancé que je ne saurai que trop conseiller à mes contemporains, surtout en nos temps troublés en terme de perception du réel.



Le-Ravageoide
6
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le 20 mars 2024

Critique lue 6 fois

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