Pendant que tout le monde se branle sur Starfield, à une époque où les Open Worlds étaient bien mieux foutus, se dressait Sacred 2 Fallen Angel.
La prophétie s'intitule ainsi, "à force de faire des mondes de plus en plus grands, on finit par se perdre soi-même." Surtout qu'on peut les faire éternels sans qu'on le soit.
Il n'y a rien de plus vrai quand on voit les joueurs sur Starfield, marcher pendant des heures pour voir à quel point le monde est large, cela me rappelle exactement cette expérience que j'ai eu quand j'ai joué à Trackmania sur xbox one : je franchis les limites du niveau, je fonce à toutes bringues sur le terrain qui lentement devient de plus en plus flou et les textures incertaines, je tombe dans un fossé immense, je perds le Soleil de vue pour ne voir qu'un neant s'ouvrir à moi. Un énorme vide noir et là, la voiture tombe éternellement, pour toujours, encore et encore. Et au-dessus, le compteur affiche des kilomètres qui n'en finissent pas.
Cela me rappelle aussi Grow Up. Dans ce jeu, j'ai joué avec la gravité de la planète et la vélocité de la traction terrestre, j'ai envoyé mon petit robot dans l'éther et à chaque révolution, je me trouvais encore plus loin de la planète. Progressivement, la planète est devenue un ballon, puis une bille, enfin, un point. Bientôt, j'étais loin de tout et je ne pouvais plus rien faire.
Bien sûr, je ne saurais jamais à quel point mon personnage aurait pu aller, le jeu a planté. Et il y a une raison à cela, peut-être qu'on devrait arrêter de faire des mondes immenses. A quoi bon ? Je pose la question, à quoi bon ?
Pour ressentir la substance d'un univers ?
Je dis non. Quand je jouais à Just Cause 2, je me sentais pas réellement dans un pays, j'étais juste dans un long couloir de bases à détruire et je n'en voyais pas le bout. Pour la peine, je ressens plus la Hollande dans le jeu Brother in Arms, Hell's Highway et pourtant, mon personnage est coincé dans un couloir. J'ai adoré ce moment où je me suis éloigné un peu des conflits, pour contempler une grange illuminée par un réverbère, il pleuvait, il faisait sombre, et bon sang, j'avais l'impression d'être au début de la fin du monde. Il n'y avait personne et pourtant, je me sentais pris dans quelque chose et en même temps, libre de mes mouvements. J'explorais un jeu.
Qu'y a t-il à explorer dans la galaxie vide de Grow Up ? Et dans la dictature de Just Cause 2 ? Et dans le néant de Trackmania ? Mais rien, bon sang. Rien du tout.
Je veux bien admettre que dans Just Cause 2, je ressentais quelques moments privilégiés avec moi-même, quelques passages comme dans le désert ou sur les îles, où je me reposais deux secondes pour voir autour de moi le paysage, et me dire que je suis bien loin de chez moi. J'ai ressenti cela dans ASS Creed Origins aussi. C'était profondément déprimant.
Honnêtement, le mélange des deux procure un effet euphorique. On est dans un autre monde où on peut faire ce qu'on veut, grand et vaste, mais avec des limites, une histoire, un sens à tout ça.
Il est alors intéressant de porter son attention sur deux points... Il faut donner l'illusion de la vastitude et en même temps donner un sens à tout ça. Comme ma critique qui se perd dans les méandres de mes pensées que je n'arrive pas à suivre de manière cohérente. C'est comme quand j'ai écrit mon mémoire de master, quelle purge, je me perdais tout le temps dans ce que je disais. C'était un putain de désert, celui de l'Arizona de U-Turn, à force d'analyser ce film en long et en travers, je ne savais plus ce que je faisais.
Le dernier plan du film... C'est un hélicoptère qui s'envole de la scène de crime pour survoler les environs avec un dézoom, et petit à petit, on s'éloigne de tout, on n'arrive plus à savoir ce qu'il y a par terre, où est Bobby Cooper, où est la voiture rouge, où est la carrière ? On tourne en rond, on finit par perdre de vue une route, une ville, c'est juste le désert qui tourne sur lui-même.
Où est mon mémoire de master, je crois que je l'ai paumé.
Le monde continue de tourner sur lui-même, Sacred 2 continue de tourner sur la surface d'un CD.
On se trouve dans le désert de Bengaresh. Il y a des tas d'ennemis, on finit par les tuer et se retrouver tout seuls. Il n'y a réellement personne dans le coin. On finit par attendre que quelqu'un se ramène pour nous prévenir qu'il faudrait continuer l'histoire principale car on nous attend quelque part, on est pris dans la grande trame de la guerre du bien contre le mal.... Mais en fait, personne ne vient... On est seuls.
J'ai envie de continuer à vagabonder dans le désert car un jour, j'atteindrai la plage. Ou peut-être une oasis.