Pour un vieux joueur comme moi, retrouver un jeu Rare qui a tant fait rêver à l’époque de la Nintendo 64, une console de coeur, apparaissait comme délicat, avec la peur d’être déçu. Un ami ayant pris le jeu m’a mis le sabre sous le cou et l’univers de la piraterie étant alléchant, je me suis jeté à l’eau, sous l’oeil goguenard de cet ami. Nous sommes devenus des pirates.
Il faut être honnête, les débuts furent difficiles. J’ai d’abord pris en grippe Sea of Thieves. Naviguer demande un peu de doigté et il y a de nombreux paramètres à prendre en compte dans le jeu. Le joueur était alors jeté à l’eau sans bouée, avant quelques mises à jour postérieures plus accessibles. Lors de ma première partie en solitaire, je n’ai pas compris pourquoi j’avais coulé après avoir accosté près d’une charmante île. Ce n’est plus le cas maintenant. Je sais que c’est soit de ma faute, soit celle des autres joueurs. Ce qui ne m’empêchera pas de pester contre la perte de mon beau navire.
Le jeu permet de jouer seul, et il est tout à fait possible de s’en sortir, même si on sera alors une cible privilégiée pour tous les excités du canon, assez nombreux sur les serveurs. De plus, c’est faire une croix sur certaines possibilités de Sea of Thieves. Deux est un bon minimum, et plus, jusqu’à 4, c’est un régal. Selon le nombre de personnes qui embarque, il faudra choisir un type de bateau, avec ses avantages et contraintes. Un galion demande de la manutention et donc de l’organisation, mais offre plus de voiles et de canons et donc une vitesse accrue et une potentielle plus grande puissance de feu. Jouer entre amis offre la meilleure configuration, il est absolument jouissif de collaborer sur le navire, de s’entraider pendant les combats mais aussi de s’engueuler à cause d’erreurs, d'incompréhensions ou autres raisons parfois peu importantes. Les bévues des uns ne seront pas passés sous silence. Pour ma part, je l’avoue, j’ai la curieuse manie de tomber du pont pour arriver à la mer. Probablement un problème de coordination moteur avec ma jambe en bois. D’autres n’ont pas le compas dans l’oeil. Quelques récifs auront égratigné la peinture de la coque.
J’ai tellement de bons moments en mémoire sur ce jeu. J’ai ainsi demandé à mes braves compagnons d’infortune quel était pour eux leur meilleur souvenir, vous les trouverez (mal) cachés sur cette page, sans carte au trésor.
Il est cependant possible de jouer avec des inconnus. Sur internet des groupes existent pour se retrouver.
Souvenir du "Capitaine au Retard légendaire"
« Que retenir de toutes ces soirées passées entre amis à arpenter les mers de Sea Of Thieves... Après plus de 1600 milles marins et le statut de pirate légendaire, si je devais retenir une histoire ça serait celle ci, je m’en vais vous la conter. Tout commença à l’auberge de Duke ou avec mes acolytes nous nous lancions dans la quête du Shore Of Gold, à la recherche d’abord du totem aux quatre coins des mers puis jusqu’à cette mystérieuse île, où les énigmes nous amenaient de tombeau en tombeau, d’est et ouest, du nord au sud... Une fois en possession des quatre médaillons il nous fallait encore savoir où les placer pour obtenir la dernière qui nous mènerait au Shore Of Gold... Une fois cette dernière obtenue après de longue recherche nous étions enfin en possession de cette clé qui nous ouvrait les portes du trésor, mais pareil où pouvait bien être l’entrée... Que de souvenirs de quêtes, de rencontres, de combats épiques, de folles soirées entre amis, ce jeu nous offre l’aventure que l’on veut bien écrire "
Le principe de Sea of Thieves est d’une simplicité qui vire à la faiblesse. D’une île à l’autre, il faudra aller déterrer des coffres en s’aidant de cartes, combattre des capitaines squelettes ou amener des marchandises d’un point à l’autre. Quelques événements spéciaux et autres mises à jour ponctuelles tenteront de gommer la répétitivité première du jeu. L’ajout des fables en 2019, des histoires scénarisées et bien mises en scènes, avec de nombreuses énigmes et combats haletants a été une belle surprise. La nouvelle livraison de 2021 en incluant Jack Sparrow pour un crossover évident et réussi a monté le pavillon encore plus haut.
Sans forcément parler d’allers-retours, il faudra tout de même toujours se rendre régulièrement à des avant-postes éparpillés sur la carte. Ne serait-ce que pour récupérer la monnaie de ses efforts, vendre les coffres et autres butins, qui permettront d’améliorer une jauge d’avancement auprès des grands clans : les chercheurs d’ors, les chasseurs de têtes et les marchands de base, auxquels ont été ajoutés de nouveaux depuis. L’argent récolté permet aussi de s’acheter de nouveaux équipements et accessoires visuels. Le jeu a depuis proposé d’autres missions et évènements, mais cette partie demeure, et avec elle un ennui qui peut vite apparaître si on décide de se lancer dans la satisfaction de ces clans, trop mécanique.
Attention, le jeu mise donc sur les ressources à obtenir. Et celles-ci se perdent facilement. C’est la vie d’un pirate, avec ses hauts et ses bas. De mauvaises manœuvres peuvent couler un bateau. Les récifs sont traîtres, les vents parfois fourbes et les tempêtes agitent les ponts. Une confrontation avec une menace extérieure telle qu’un kraken peut tout nous faire perdre. Le vaisseau coule avec nos biens, et il ne reste plus qu’à apparaître sur une autre île. Quand la cale est pleine la tension est grande. Mais les pires ennemis, ce sont les autres pirates. Si différentes mises à jour ont permis d’atténuer les affrontements, notamment en intégrant un système d’alliances, la tentation est toujours grande pour un autre pirate de nous couler que ce soit pour récupérer nos marchandises, pour ne pas partager les bonnes choses d’une île ou pour le plaisir sadique de la chasse à l’homme.
Si les affrontements à l’épée et aux armes à feu (rustiques) sont un peu hasardeux, manœuvrer avec ses voiles pour avoir le meilleur angle aux canons est assez jouissif. Certains boulets de canon ont des effets spéciaux qui peuvent faire des ravages. Les combats sont parfois acharnés, entre les caps à prendre au mieux, les voiles à régler, les canons à charger pour ensuite viser les imprudents, les trous dans la coque à boucher et écoper l’eau par dessus bord. La goutte de sueur est là, puis le rictus de satisfaction la bataille gagnée. Ou le regard désabusé de celui qui a tout perdu après avoir coulé. Avec parfois de grands cris plaintifs ou enragés devant l’injustice d’une confrontation.
Souvenirs du « Commando pirate »
« Mes meilleurs moments, ce seraient tous les abordages en mode commando, propulsés par canon sur leurs ponts ou près de leurs échelles, ou bien arrivant à la nage discrètement par en dessous. Pour mieux les prendre par surprise, créer la panique et faire un massacre dans leurs rangs. »
Tout n’est pas que violence, il est possible de rejoindre des alliances auprès de ceux qui se signalent à proximité. Attention, un pirate est fourbe et traître, il a le retournement de veste facile s’il peut trouver un meilleur avantage. Mais cela permet aussi de s’unir pour des menaces trop difficiles et de se partager un butin précieux. Enfin, différentes options de sociabilisation sont présentes, et boire une chope de rhum au son de l’accordéon joué par un inconnu est assez plaisant. Le jeu regorge de petits détails qui font plaisir à voir.
Enfin, Sea of thieves mise sur les capacités du joueur, et c’est appréciable. Tout le monde joue sur un pied d’égalité. C’est l’expérience qui permet d’apprivoiser le jeu et ses paramètres. Tout le monde a les mêmes facultés, les armes font tous les mêmes dégâts, les canons aussi. L’argent ne sert qu’à afficher sa réussite, en choisissant par exemple la plus belle jambe de bois. Le jeu de Rare encourage l’expérimentation, mais aussi l’apprentissage par la déculottée à coups de crochets. Il faut s’accrocher pour devenir un bon pirate. L’apprentissage se fait à la dure, à la fessée.
Si le jeu pouvait sembler répétitif à sa sortie, ce sentiment s’est estompé avec l’arrivée de nouvelles îles, de nouvelles possibilités et de nouvelles missions. Les flots se sont vus compléter d’autres menaces, telles que des vaisseaux fantômes, des mégalodons aux dents pointus et autres krakens aux tentacules collantes. Le suivi du jeu est appréciable, chaque mois étant l’occasion de voir arriver des ajouts comme des événements qui permettent de varier l’expérience. Mais aussi des nouveautés plus déplaisantes, comme des familiers qu’il faudra acheter avec de la monnaie cette fois réelle, le jeu étant payant (mais inclus dans l’abonnement Gamepass sur PC et Xbox). Le jeu se rapproche maintenant un peu plus du jeu-service, avec des systèmes de progression copiés sur d’autres grands jeux. Maintenant chaque action répétée et accomplie offre des récompenses à la longue, plus juteuses en y mettant le prix. La beauté de l’épure du gameplay sans contreparties d’auparavant me manque parfois.
Souvenir de « Barberousse »
« Tu te rappelles quand on a coulé un dernier bateau avec un abordage de folie en sautant direct et en abandonnant notre galion pour finir en beauté ? On les a kill en 1 coups c’était furtif et parfait ben c'est ça mon meilleur souvenir. »
Il reste malgré tout encore d’autres points un peu gênants, tels que ces combats sur les terres ou sur les ponts qui manquent de précision, surtout pour le joueur console. Le joueur PC lui avec le combo clavier-souris est un petit oiseau qui bondit et sautille sans gêne, bien difficile à attraper. Heureusement le jeu permet de choisir des serveurs qu’entre joueurs console.
Sea of Thieves est magnifique, il est une belle claque visuelle, aux couleurs incroyables, qui magnifie et romance les expéditions maritimes. Le jeu offre des cieux incroyables, des mers vivantes. Mais il lui manque aussi un peu plus de contexte pour donner un peu plus de sens à cet univers visuel très réussi. En allant chercher des coffres ou en livrant des caisses de rhum, il manque un certain souffle de l’aventure, une petite justification, heureusement atténuée en s'attaquant aux fables. Le manque de PNJs autres que ceux utiles rend l’espace un peu vain, un peu artificiel. Et il faudrait renouveler l’offre d’ennemis, principalement composés de squelettes de différents types sur les îles.
Il ne faut pas l’oublier, le but du jeu, ce qu’il propose, c’est au joueur d’en prendre possession, d’accepter de n’être qu’un pirate parmi d’autres, de faire son itinéraire au mieux et de s’enrichir en veillant jalousement sur ses richesses. Sea of Thieves est aussi un régal à jouer sur les flots, une progression constante, il y a toujours un os à ronger qui nous est proposé. A plusieurs, les meilleures parties sont des véritables aventures, faites d’exploits à la dernière minute et de cruelles déceptions, vécues fébrilement casques et micros bien vissés sur le crâne. C’est le jeu Rare que les grincheux attendaient, ambitieux et avec une vraie proposition, quitte à bousculer les joueurs, surtout maintenant qu’il a été bien enrichi et continue de l’être.
Et ce plaisir, il est aussi visuel. Le jeu est magnifique, il y a une justesse incroyable, le côté cartoon n’est pas un cache misère, mais nous immerge confortablement dans son univers pirate coloré, jamais malsain, à peine inquiétant pour de rire. La météo permet des effets époustouflants tandis l’eau est incroyablement bien rendue, accueillante ou menaçante, bref, vivante. Naviguer sur Sea of Thieves est un régal pour les yeux. On peut être pirate et s’offrir un peu de contemplation devant ses paysages magnifiques crées par Rare, un soubresaut pour une compagnie qui n'avait plus rien fait de marquant depuis de longues années. Avec Sea of Thieves, le retour du Roi Rare n'est pas encore acté, en dehors du suivi régulier et réussi du jeu la compagnie n'a rien fait depuis. Mais le studio offre un jeu magnifique et une ode à l'aventure maritime réussie à qui il ne lui manque que l’odeur de l’iode et les coups de soleil.
Et mon souvenir le plus marquant ?
« Le mien ce serait cette traversée peu orthodoxe d’une île en bateau. Nous nous en rapprochions beaucoup trop vite, il était trop tard pour changer de direction. Mon collègue à la barre serre les dents et les fesses, et à toute vitesse nous traversons l’île, heureusement peu large et assez plate, mais tout de même. Le bateau se cambre, j’entends la cale se fissurer mais nous passons, grâce à l’élan et à ce petit brin de folie. »