This guy sure is a dick... tator.
Nombreux sont les joueurs a avoir eu une "big boner" à l'annonce de ce Third Person Shooter et pour cause, les noms aussitôt associés au projet vendaient du rêve : Mikami (Resident Evil), Suda51 (No More Heroes) et Yamaoka (Silent Hill)... autant de talentueux bonshommes réputés pour des raisons très différentes et mis en avant d'emblée par le marketing.
Le jeu vidéo veut se la jouer auteur, et ma foi, on reconnait la patte de chacun des participants sus-cités tout au long du jeu. Mikami pour la finition, Suda51 pour l'écriture ainsi que les partis-pris déjantés dans le level design et Yamaoka pour la bande son (très reconnaissable) et quelques bruitages tout droits sortis de Silent Hill (les menus !).
On en oublierait presque que ce ne sont ni Mikami, ni Suda qui ont officié au poste de "Director" et que c'est Grasshopper Manufacture qui a développé le jeu, un studio qui nous a habitué à une finition parfois clairement en demi-teinte. Première grosse surprise, le jeu est franchement propre et je n'ai souffert d'aucun bug du début à la fin de l'aventure (ce qui n'était pas le cas pour les No More Heroes qui m'ont fait rager au moins à une reprise, chacun). Visuellement, le jeu est plus riche que ce que laissait transparaître les vidéos. La colorimétrie ne varie pas énormément d'un tableau à l'autre (hormis certains passages de shoot en 2D qui tranchent avec l'obscurité ambiante), mais passé le premier acte certaines salles complètement anodines vont faire l'objet d'un travail purement graphique afin de mettre en place une ambiance qui mêle glauque et absurde potache de façon très convaincante. Les dialogues sont à ce titre vraiment savoureux bien que la traduction française (sous-titre) ne leur rend vraiment pas honneur et fait tomber toutes les vannes à plat (sans exception). Si vous ne maîtrisez pas un minimum l'anglais, l'humour va en prendre un sacré coup, c'est indéniable. Signalons toutefois que le jeu fait référence quasi-systématiquement à un humour profondément machiste et sexuellement explicite.
Mesdames vous êtes prévenues.
Le game design a pour vocation de donner du relief à deux aspects : action et survival horror. Et de ce que j'ai pu faire, c'est le TPS qui se rapproche le plus des mécanismes de survival sur cette génération de console, largement devant un certain Resident Evil 5 qui a bifurqué coop. Garcia, le main character, est très mobile. Il peut esquiver, se déplacer en tirant (ouf), faire un demi-tour rapide... bref, niveau maniabilité c'est propre et du coup parfois assez exigeant. Vous devriez ressentir le "frisson survival" assez souvent (à base de j'évite le coup au dernier moment), plus même que dans Deadly Premonition qui mettait à disposition du joueur une feature excellente mais un peu trop ubber (se rendre "invisible" aux yeux des ennemis à peu près quand on le désirait). Dans le level design ça se traduit par pas mal de situations de contre la montre dans des environnements assez clos qui exigeront une bonne concentration du joueur afin qu'il puisse déterminer quelle arme utiliser, quelle cible privilégier (interrupteur ou ennemi) et quel itinéraire emprunter. Garcia va en effet régulièrement se trouver pris au piège dans un espace maléfique toxique dont il va falloir se dépêtrer en shootant un (ou plusieurs) interrupteur planqué dans le décors. Là où ça devient intéressant, c'est que certaines interactions ne sont possibles que dans cet espace toxique... il arrivera donc que vous ayez à provoquer volontairement des situations de contre la montre dans le but d'activer des mécanismes. Ne vous attendez toutefois pas à résoudre des énigmes, il s'agit en tout et pour tout d'identifier l'arme et l'environnement appropriés à l'actionnement d'un interrupteur puis de faire preuve de sang froid pour le viser tout en gérant les ennemis qui vous assaillent. Aussi, je conseille le niveau de difficulté "hard" d'entrée de jeu sous peine de perdre la "saveur survival" (le jeu m'a paru très bien dosé en "hard", je n'ai pas essayé en "medium"), je regrette toutefois que le stock de boissons (objets de soins) que le personnage peut porter ne soit pas limité puisqu'en l'état, un petit spam "Diablo 2" et ça repart.
Les "big boss", sont dans l'ensemble plutôt décevant de mon point de vue, contrairement aux nombreuses rencontres plus dynamiques que l'on fait tout au long du jeu (à l'exception de George alias "Harmonica Demon" qui m'éclate !). Les affrontements sont classiquement tous composés en de multiples phases qui, soit augmentent la cadence du cycle d'action du boss, soit rajoutent un nouveau type d'attaque à mesure que le combat avance. Le background concernant les boss est développé dans ce que l'on pourrait considérer comme une parodie des interventions de Drebin au sujet des Beauty & The Beast dans Metal Gear Solid 4, sous forme d'une histoire raconté par un narrateur donc.
Je termine mon petit tour d'horizon sur une donnée essentielle du survival horror : l'ambiance.
A ce niveau là, je trouve que l'on est franchement gâté. J'ai déjà parlé de la direction artistique réussie concernant les décors (après on peut toujours chipoter en pointant du doigt deux maisons copier/coller) je vais donc parler du son et de l'écriture.
Toutes les compositions du jeu transpirent la patte de Yamaoka, c'est indéniable. On reconnait une utilisation des instruments très proche de ce que l'on a vu dans les Silent Hill, avec des compositions très planantes et rythmiques durant les phases d'exploration (Silent Hill : Shattered Memories), des montées de tensions à base de percussions industrielles savamment dosées... le fanboy que je suis n'a pas été trompé, d'autant que Mary Elysabeth McGlynn prête une nouvelle fois sa voix le temps de deux compositions (si je ne m'abuse).
L'habillage audiovisuel est parfaitement loufoque, avec des interrupteurs en forme de trophées de chasse, de visages ou de poches de sang qui parasitent constamment l'environnement en ruminant, pleurant, rigolant ou glougloutant ! Le bestiaire est très correct (une dizaine de créatures petites et grosses sans compter les boss) et certaines combinaisons de monstres peuvent clairement faire monter la pression. Johnson, le pote démon de Garcia qui se métamorphose en flingue, a un rôle comparable au bouquin (pardon, je voulais dire Grimoire Weiss) dans Nier : à savoir une fonction narrative et directe de gameplay. Les interventions de Paula, la dulcinée à sauver (Mario style), sont souvent hystériques et gavés de références à Evil Dead (cabine in the wood !). Bref, je suis touché au plus profond de ma sensibilité de fanboy (survival horror, Yamaoka, Suda, Evil Dead, Nier... ça commence à faire beaucoup).
Pour ceux qui ont les mêmes références et apprécient les jeux Grasshopper, c'est du pain damné.
P.S. "Durée de vie" puisque c'est un paramètre important pour beaucoup de joueurs : ma sauvegarde affiche 8h20 en Hard pour atteindre le générique. Je n'ai pas la sensation d'avoir rush.
P.S.2. En "bonus, le main theme du jeu en live à la Japan Expo filmé par moi même le 01/07/2011 :
http://www.youtube.com/watch?v=_s6M_J_xE7I&feature=player_embedded