En général, un jeu vidéo est une œuvre qui m'interroge.
Avant d'y jouer je me demande : Pourquoi jouer à ce jeu-là spécialement ? Va-t-il me plaire ?
Pendant que j'y joue je me demande : Qu'est ce qu'il me réserve ? Le gameplay va-t-il évoluer ? C'est encore long ?
Quand je le termine je me demande : M'y suis-je amusé ? Est-ce qu'un jour je retournerai dessus ?
Je me pose ce genre de questions à chaque jeu... surtout dans une démarche autocritique de joueur ayant joué à pas mal de jeux vidéos depuis quasi 30 ans.
SIGNALIS est l'un de ces rares jeux pour lequel je ne me suis absolument posé AUCUNE DE CES QUESTIONS.
Non pas parce que j'aurais mis mon cerveau en mode off ou que j'aurais voulu fermer les yeux volontairement sur des aspects discutables de sa structure... non.
Je ne me suis posé aucune de ces questions parce que rien ne m'a fait douter un seul instant de la claque que j'allais me prendre. Et la claque est si rapide, si élégante et si parfaitement exécutée... que me voilà prêt à tendre l'autre joue pour le prochain jeu que Rose-Engine se déciderait à en développer.
Déjà, l'affiche du jeu (un peu comme une première de couverture) me happe complètement. Cette femme brune à la silhouette longiligne dans un costume noir et rouge qu'on jurerait sortie d'un manga de Tsutomu Nihei... J'ACHETE.
C'est un survival à l'ancienne et pixélisé ? ENCORE MIEUX. C'est un genre auquel je n'ai touché que par de récents représentants (Dead Space 1&2 et Alien Isolation). Jamais tenté les Resident Evil 1&2&3 ni les Silent Hill. Donc voilà de quoi un peu parfaire ma culture ludique dans ce domaine.
Bref... ni une ni deux... je lance la chose.
Et là... tout s'emballe.
1/ Le Gameplay:
Le gros du gameplay sera essentiellement basé sur la fuite, l'exploration et... l'inventaire.
J'ai retrouvé dans ce jeu un super concept de game design archaïque et pourtant qui se nourrit de lui-même comme une sorte de serpent qui se mort la queue... et avec un certain brio.
En effet, le survival repose sur cette idée que les ressources disséminées dans les niveaux sont peu nombreuses. (Par ressource, j'entends munition et kit de soin.)
Du coup, pour les économiser, il va falloir fuir et slalomer entre les ennemis qui ne restent jamais éternellement à terre (à moins de les incendier). Slalomer... tout en explorant et en ramassant les objets dans les différentes pièces du complexe.
Et la limitation de l'inventaire (6 objets transportables)... rend la chose délicieusement contraignante et vous fera faire d'assez drôles de parcours pour aller vider vos poches dans votre coffre avant de vous engager dans une véritable mission de récolte d'objet extrêmement risquée.
Bref, vous avez peu donc vous devez ramasser, mais comme vous portez peu vous devez beaucoup vous déplacer, mais comme vous devez beaucoup vous déplacer, vous prendrez beaucoup de risques... donc il vous faudra ramasser.
Peut-être que je résume comme un con le principe de base d'un Survival Horror... mais il me parait qu'en même important de rappeler aux gens ce sur quoi s'articule un tel jeu... car le gameplay de SIGNALIS repose à 75% sur ça.
20% du gameplay reposent ensuite sur les énigmes. Et là encore... Signalis fait le brio de ne pas trop en dire sur la façon dont les résoudre. Elles réussissent avec talent à n'être ni trop hardcore ni trop évidentes. (mention spéciale à l'énigme des cartes de tarot vers la fin du jeu... ABSOLUMENT BRILLANTE)
5% enfin... ce sont les boss (les seuls combats qu'il importe de mener). Et là encore, je les ai trouvé très bien pensé. Non seulement bien designé, ils offrent également des phases de gameplay qui tranchent comme il faut avec les habituelles rencontres du jeu (surtout le 1er et le dernier boss).
Au nombre de 3, je les ai trouvé assez prenants et offraient de vrais moments de rupture au niveau du gameplay comme de l'intrigue.
Tiens... l'intrigue... parlons en...
2/ L'intrigue
SIGNALIS est une œuvre de Science Fiction uchronique.
Un savoureux mélange d'Alien, Du Maître du haut Chateau et de Mulholland Drive.
Alien : pour ce côté noir-futurisme à la technologie nostalgiquement désuette. Tout fait délicieusement années 80-90 : certains objets de quêtes sont des disquettes, d'autres des VHS... l'interface même de votre écran ressemble à une caméra vidéo (retenez bien ça... car ça en dit long sur le véritable personnage que vous incarnez... qui n'est peut-être pas exactement le personnage que vous pilotez).
Maître du haut Château : pour cette uchronie futuriste... où l'Allemagne Nazie et l'Empire du Soleil Levant ont triomphé et conquis les étoiles. Nous n'en incarnons que les androïdes oubliés... envoyés coloniser les lointaines exoplanètes. Une atmosphère lourde et pesante baigne dans ses bureaux désolés... vestiges d'une administrations bureaucratique d'une rigidité hiérarchique à vous en faire suffoquer. Et le grand brio de Signalis ? NE JAMAIS LE DIRE EXPLICITEMENT.
Mulholland Drive : par cette forme onirique que prend le scénario. Elster (votre personnage) est à la recherche d'une femme... sa collègue, son amie, sa compagne, son seul amour dans cet univers glacial. Un objet peut déclencher un rêve, chaque rêve finit par en déclencher un autre... qui se transforme en quête, et chaque objet retrouvé se matérialise dans la réalité... c'est stupéfiant, déroutant et... curieusement... ça trouve comme un sens en y repensant. Et le leitmotiv de tout ceci est une promesse qui lie deux femmes. Une promesse comme seul moteur pour le joueur : nous devons retrouver notre amie pour accomplir une tâche... et... je n'en dirai pas plus.
3/ L'ambiance audio-visuelle
Et toute cette sublime combinaison prend la forme d'un visuel très emprunté de BLAME!, Biomega et des Chevaliers de Sidonia... bref... un visuel trés emprunté du graphisme du grand Tsutomu Nihei (un des meilleurs mangakas que j'ai pu lire). Un amoureux des structures grises et metalliques... où les villes, comme les hommes, finissent par mourir. Et les villes deviennent ainsi pareil à des cadavre en décomposition... et voilà ce que nous somme dans Signalis : un parasite encore vivant dans un cadavre géant en pleine décomposition.
Et la bande-son dans tout ça ? Un écho d'un autre âge. D'une autre époque. D'un monde lointain et oublié. Un monde qui est déjà mort et que plus aucune larme ne saurait encore pleurer... sinon la notre.
La forme archaïque réussit le brio d'être à l'image du fond de son gameplay : rétrograde.
4/ Sur la durée
C'est le dernier point sur lequel je félicite les game designer de SIGNALIS : ce n'est pas un jeu trop long. Comptez 12 à 15h pour terminer ce jeu une première fois.
Et il se termine exactement au bon moment et bien conscient de la nature minimaliste de son gameplay et de sa tendance à paraitre répétitive (car il faut bien admettre que faire des aller-retour au coffre et slalomer entre les ennemis... pendant 20 heures... ça peut devenir longuet).
SIGNALIS se déguste comme un court métrage ou une nouvelle de Science-Fiction brillamment condensée et calibrée. Une petite expérience ludique et sensorielle qui ne vous martellera pas que ce qu'il est est révolutionaire. NON. SIGNALIS ne se veut pas révolutionnaire, ni innovant... mais se veut singulier pour son époque.
Cet aspect du jeu est presque ce qui lui vaut ce petit plus qui rend ce jeu parfait à mes yeux.
Un jeu qui réussi la prouesse de rester modeste sur sa nature et qui nous emporte bien au-delà de ce qu'un jeu AAA de 100 heures pourrait prétendre faire.
(oui oui Elden Ring... c'est de toi que je parle !)
Conclusion :
SIGNALIS est un petit jeu.
SIGNALIS est un grand jeu.
Et le monde est fade après tout ça.