Habituellement, dans un jeu d’exploration, quand on fait face à une série de portes fermées à clé et qu’on en trouve finalement une qui est ouverte, on éprouve une certaine satisfaction. Dans Silent Hill 2, c’est l’angoisse qui monte lorsqu’une porte s’ouvre : que va-t-il nous tomber dessus ? Sur quelle scène horrible et pathétique allons-nous tomber ?
Pourtant, Silent Hill 2 n’est pas un jeu à jump scares, mais un jeu d’atmosphère horrifique. Le jeu peut faire peur, mais il fait pire : il vous terrorise et vous paralyse.
Silent Hill 2, c’est aussi l’esthétique de la descente, au sens propre comme au figuré. On descend dans le parc dans la première scène, puis plus tard dans la société historique de Silent Hill et dans la prison de Toluca. Ensuite, on enchaîne une série de "leap of faith" à travers différents trous (scènes absolument terrifiantes). On comprend finalement que cette chute est aussi psychologique et mentale. L’environnement et la santé mentale du protagoniste se dégradent progressivement.
Le jeu est vraiment malaisant, notamment en raison d’un décalage constant entre les dialogues naïfs et l’horreur environnante. Une espèce de candeur totalement inappropriée. Parfait exemple avec Laura, où le monde de l’enfance se heurte à la violence psychiatrique et carcérale. Le jeu reflète (à juste titre) une société qui cherche à cacher le malheur dans des lieux clos et isolés.
Même au niveau de son gameplay, Silent Hill 2 crée un malaise chez le joueur. Il faut vaincre ses peurs pour avancer dans ces dédales lugubres tout en résolvant des énigmes avec un esprit logique. J’ai eu l’impression que mes deux hémisphères cérébraux entraient constamment en collision. Par exemple, on doit fouiller un vieux siphon de douche pour récupérer des cheveux. Le jeu cumule les expériences dégoûtantes et traumatisantes : le moisi, la rouille, le tout sur une bande-son de sirènes d’urgence, de personnages qui vomissent, de bruits de pas lointains, de pleurs et de cris.
Le level design est remarquable : comme dans Silent Hill 1, on navigue d’une réalité à une autre (mais qu’est-ce que la "réalité" dans Silent Hill ?). J’avoue que j’aurais peut-être aimé davantage de zones ouvertes et pas seulement des corridors claustrophobiques. À croire que le genre horrifique nécessite la promiscuité et le sentiment d’étouffement. Sans trop en dévoiler, la scène où l’on sort du labyrinthe pour se retrouver au bord du lac est particulièrement exceptionnelle, car elle défie toute rationalité. Pendant plusieurs heures, le personnage n’a fait que descendre de plus en plus profondément dans la terre, et soudainement, on se retrouve à la surface. C’est très fort. Un peu comme l’ascenseur du moulin dans Dark Souls 2 qui mène à un château entouré de lave, mais en mieux.
Attention toutefois, il faut prendre sur soi pour continuer cette aventure franchement dérangeante. Il n’y a pas de safe-zone dans ce jeu, que du malaise. Ce n’est donc pas fait pour tout le monde et, personnellement, je sens que j’atteins une certaine limite (oui, les longues maladies douloureuses m’angoissent particulièrement). Pourtant, chaque plan du jeu possède des qualités filmiques indéniables. On ressent immédiatement l’ambiance. Graphiquement, il n’y a rien à redire pour un jeu qui date de 2001. Ayant joué pratiquement qu’en night time avec très peu de lumière sur un écran CRT, je peux vous dire que j’ai été estomaqué par la qualité visuelle du jeu. À cela s’ajoute une ambiance sonore un peu moins oppressante que dans le premier opus. J’ai particulièrement apprécié les morceaux plus trip-hop qui créent une atmosphère presque chaleureuse, un des rares moments où ma nuque s'est détendue.
Silent Hill 2 est un chef-d’œuvre évident, car il crée une véritable sensation d’horreur et de malaise. Ce n’est pas un jeu d’action ou d’énigmes compétitif, car le souci des développeurs était ailleurs : créer des ambiances uniques et développer une histoire complexe que l’on découvre principalement au contact de cet environnement. Les cut-scenes posent parfois plus de questions qu’elles n’en résolvent, et c’est à nous de relier les points. C’est typiquement le genre d’immersion que seul le jeu vidéo peut permettre.