Si Meshuggah était un jeu vidéo

Un homme et une femme discutent :

« Où est Antoine ? »

« Comme d’habitude, dans sa chambre, isolé. Depuis ce tragique accident, il n’est plus le même. Il est comme brisé à l’intérieur. »

L’homme entre dans la chambre et dit d’une voix calme :

« Hey buddy, how are we feeling today? »

Dans une pièce plongée dans l’obscurité apparaît un visage. Mon visage, livide, avec des pupilles totalement dilatées, un fin filet de sang coulant du nez, et des flashs de lumière provenant de Thumper joué sur un immense écran se reflètent sur mes lunettes. Le volume de la musique du jeu augmente progressivement. Boom, Boom, BOOM, B-O-O-M.

CUT

Thumper est au jeu vidéo ce que Meshuggah est à la musique : violence, angoisse, catharsis, masochisme mental et dépassement de soi.

Thumper est un jeu « parfait » parce qu’il réussit à créer de la surprise dans un jeu qui semble extrêmement restreint dans son gameplay. C’est à partir du niveau 4 que j’ai compris qu’il s’agissait d’un jeu de rythme, et non pas d’une sorte de shmup sur rail nécessitant de bons réflexes. C’est un jeu de rythme où vous êtes la « batterie » d’un morceau dubstep/IDM/post-math-metal. Une fois que l’on a compris cela (les plus intelligents parmi vous l’auront découvert dès le début), il y a une sorte de déclic et une joie fébrile à essayer de comprendre le rythme. La signature des rythmes est loin d’être évidente, et on s’éloigne rapidement du 4/4 pour se lancer dans du 7/8, par exemple. Pas besoin d’être un expert en musicologie pour l’apprécier, mais il est toutefois important de préciser qu’à partir d’un certain niveau (pour moi le monde 7-7 et 7-8), la courbe d’apprentissage atteint un nouveau seuil qui nécessite à la fois de la mémorisation et de bons réflexes.

Thumper gère cependant bien sa difficulté et récompense les joueurs avec des classements à la manière d’un Devil May Cry ou d’un jeu d’arcade. Pour ma part, je n’ai pas fait mieux que le « C rank » à partir du monde 7. Il n’y a pas de easy mode et terminer le jeu est déjà un acte de bravoure en soi, mais pour les joueurs qui souhaitent aller plus loin, il est possible de lancer le jeu en mode +. Le niveau d’expertise qu’il faut pour obtenir le « S rank » me paraît totalement irréel et « way out of my league ». Un youtubeur peu scrupuleux pourrait facilement faire une vidéo clickbait intitulée « POURQUOI THUMPER EST LE JEU LE PLUS DUR AU MONDE ».

Cela étant dit, je trouverais dommage de résumer Thumper à n’être qu’un « jeu dur ». Les 10 heures passées dessus m’ont réellement transporté ailleurs, dans un état proche de la transe. J’ai perdu la sensibilité dans le pouce droit à force d’appuyer trop fort et trop frénétiquement sur le bouton X de mon contrôleur.

24 heures après, je n’ai toujours pas retrouvé cette sensibilité. Je ne m’inquiète pas, cela va revenir. L’expérience de Thumper, elle, restera.