Il y a énormément de musiques de jeux vidéo qui me sont restées en tête. Etrangement, la musique de l'écran titre de Sim City sur Super Nintendo m'a beaucoup marqué, alors qu'il est rare qu'un jeu de gestion vous marque pour ses thèmes musicaux. Je revois encore les lettres s'élever sur le fond noir, puis la ville progressivement apparaître, plongée dans la nuit. Avec un faux air de Streets of Rage, il faut l'avouer. J'entends la musique, les petits effets sonores, je revois l'éditeur de cartes (en fait, je prenais toujours la même : la première) et je revois la tête toute ronde pleine de cheveux verts de Mr Wright, étrange personnage dont j'ai déjà parlé dans un précédent article. J'ai dû jouer des heures et des heures à ce Sim City, qui fut mon premier jeu de gestion. Et probablement l'une de mes plus grosses claques dans ma vie de joueur. Oui, ça doit paraître étrange pour beaucoup, mais pour moi, c'était vraiment le cas.
Il faut dire que le concept d'un jeu de gestion comme Sim City l'éloigne diamétralement de tous les autres jeux auxquels je jouais (n'en déplaise à l'excellent Super Mario World, mon doudou vidéoludique). C'était mon premier bac-à-sable, où je pouvais faire exactement tout ce que je voulais, et où je devais prendre des décisions importantes. Je sauvais la vie d'une Princesse dans les autres jeux ? Là, je pouvais en contrôler des centaines, des milliers, des centaines de milliers ! Le pouvoir. La possibilité de changer les choses et de transformer le monde comme je le voulais. Oui, j'adorais voir les bâtiments pousser au gré des saisons qui défilaient, recevoir les fameuses subventions, vérifier ma popularité dans les sondages et m'entendre dire par Mr Wright que j'étais un maire apprécié, adulé, adoré. Oui, avec Sim City, je faisais le bien.
Mais mon but secret, c'était bien sûr d'atteindre le rang ultime de Mégalopole, que je n'ai bien sûr jamais réussi à atteindre. Ce n'est pas faute d'avoir équilibré à la perfection les zones résidentielles, commerciales et industrielles, ni d'avoir créé un réseau ferroviaire idéal, ni même d'avoir utilisé l'astuce permettant de gagner un maximum de dollars donnée par Cyril Drevet dans Televisator 2. J'ai fait tout ça, mais je n'y suis pas parvenu. J'ai même détruit tous les hôpitaux et toutes les écoles lorsque je n'avais plus de place dans une de mes villes, mais c'était une très mauvaise idée. Je n'y arrivais jamais, et pourtant je suivais tout le temps à la lettre la stratégie donut que nous conseille le manuel, ou plutôt devrais-je dire le "guide d'urbanisation du Dr Wright". Ce petit livre de 88 pages, c'était ma Bible. Je le lisais et le relisais encore et encore, fasciné par l'approche sérieuse du jeu. Oui, on peut aimer sauter sur des tortues et jeter des boules de feu, mais on peut aussi mettre en place des stratégies d'urbanisation. Et si on aime la série Mario, on aimera la possibilité d'envoyer Bowser détruire la ville, ou encore de construire une statue à l'effigie du plombier. Oui, c'est la récompense obtenue lorsque l'on franchit le cap des 500 000 habitants. Chose que je n'ai donc jamais vue, mais je me console grâce à des vidéos prouvant que l'exploit est bien possible.
Il y avait un véritable pouvoir de fascination dans Sim City, comme dans tous les jeux de gestion. C'est typiquement le genre de jeu qui me fait rester des heures et des heures derrière mon écran, pour peser le poids de chaque choix. Faire des choix et en observer les conséquences à long terme : une perspective incroyable pour moi à l'époque, qui a nourri ma passion pour la gestion que j'ai pu assouvir un peu plus tard avec des titres mythiques comme Theme Park, Theme Hospital, Roller Coaster Tycoon, Zoo Tycoon et bien sûr toute la saga Sim City jusqu'à l'excellent Sim City 4, point culminant du genre, chef-d'oeuvre vidéoludique. Plus récemment, on a bien sûr eu droit à City Life et Cities XL (devenu Cities XL 2011 après l'échec cuisant du mode en ligne), deux titres made in France assez sympathiques mais ne pouvant pas rivaliser avec le génie de Maxis. Génie qui porte un nom : Will Wright. La catastrophe appelée Sim City Sociétés (développé par Tilted Mill) nous rappelle quant à elle que pour maîtriser le genre, il faut bien plus qu'un nom sur une pochette de jeu.
Mais revenons à notre bonne vieille Super Nintendo. Au-delà de ses mécaniques fantastiques, le petit Sim City de la SNES était doté d'une réalisation assez agréable, aux teintes assez douces en comparaison des couleurs criardes de son ancêtre sorti sur PC quelques années auparavant. D'ailleurs, étonnamment, la maniabilité n'était pas si inconfortable, même si l'on devait déplacer le pointeur à l'aide de la croix directionnelle. Des années plus tard, Sim City continue d'exercer son étrange pouvoir de fascination sur moi, alors qu'il n'est jamais question d'émotion. Et pourtant, ma relation avec ce jeu est profondément affective. Peut-être est-ce ça, la marque d'un grand jeu ? Rester sobre, simple, ne pas prendre vos sentiments en otage et vous proposer pourtant un plaisir immense. Du pur gameplay.