J’ai toujours adoré les productions estampillées Bethesda. De l’indétrônable « The Elder Scroll III : Morrowind » avec sa liberté folle ainsi que son univers si riche, onirique et pourtant si cohérent en passant par ses suites « Oblivion » et « Skyrim » qui ont chacune permis à mon âme de joueur d’errer dans des contrées fantastiques pendant des centaines d’heures. Même la reprise de la licence « Fallout » m’a permis de vagabonder dans des terres apocalyptiques sur des bandes-son formidables des années 40-50 tout en m'investissant dans la création de zones sécurisées et vivantes pour mes collons. Par ailleurs les plus petits titres se sont pas en restes : Le furieux reboot de « Doom » et sa B.O explosive ; Le jouissif « Dishonored » avec son gameplay d’infiltration et son style steam-punk ; L’original « Ghostwire: Tokyo » et ses déambulations nocturnes dans un quartier de Shibuya désert et où la vie s’est arrêté brusquement.
Toutes ces œuvres ont un point commun : Une Immersion envoutante.
Starfield n’incarne pas cette immersion.
Qu’est-ce qui fait qu’un titre est immersif ? Difficile de donner une explication simple et concrète mais selon moi elle se matérialise autour de trois aspects :
Dans tous les titres Bethesda, j'ai cru à l'univers. A commencer par les personnages non joueurs (PNJ) qui peuplent le monde dans les "Elder Scroll" et qui dès le 4ème épisode, Oblivion, prennent en autonomie. Ils ont leurs rythmes de vie, vont travailler le jour, parfois profiter de la taverne le soir puis rejoindre leur foyer la nuit. Les marchands ferment boutique ; la population va dormir ; votre mari/femme vous accueille chaleureusement quand vous rentrez. Mieux, ils interagissent entre eux. Des gamins qui courent dans les rues vont interpeller des PNJS ou réagir à certaines de vos actions ; Deux habitants vont s’inquiéter de la disparition étrange d’un proche sans pour autant vous supplier de résoudre le problème ; Un marchand va discuter de ses produits avec un client. Ce monde existe sans vous.
Dans Starfield les PNJs attendent. Ou plutôt vous attente. Les protagonistes importants sont derrière leur bureaux, les marchants derrière leur comptoir, certains citoyens déambulent sans but ou se regroupent pour se regarder comme des idiots. Ils n’ont pas de vie. A plusieurs reprises je me suis surpris à déconnecter de mon expérience en jeu pour me dire : « Où habite ce marchant (New Atlantis) ? » ; « Pourquoi cet idiot fixe-t-il cette boite sans raison toute sa vie (Néon) » ? « Est-ce que ce médecin va rester éternellement adossé contre ce mur ? (Station spatiale quelconque) » ? A aucun moment je ne me suis senti pleinement immergé. Comme si l’écart entre l’écran et moi était palpable.
Dans toutes ces jeux il suffit d’écouter les dialogues entre les habitants ; de lire des livres dispersés dans les bibliothèques ou dans les donjons ; d'admirer des vestiges et points d'intérêts lointains ou quelques minuscules éléments de level-design pour comprendre qu’il y a eu une Histoire avant vous. Des batailles ont eu lieux, des drames se sont joués ; des catastrophes sont survenues. Le monde a vécu avant l'arrivée du joueur. Il vivra bien après.
Dans Starfield, on ne se sait pas grand-chose sur le Monde. Seulement qu’après bientôt dix générations successives les descendants des terriens gardent curieusement des accents de leurs langue d’origine. Ou plutôt de la langue de leur ancêtre. Un détail probablement mais particulièrement perturbant. De surcroit, dans un univers ou la mixité semble de mise, on constate que les morphologies sont très semblables … (On comprend bien que le moteur physique vieillissant ne permet pas d’envisager des extravagances comme des tailles de personnages). Au delà de quelques objets de l’ancien monde Starfield ne propose qu'un univers space-opéra générique qui sent la poussière d'un cahier des charges. Pas de violence exacerbée, pas de de nudité, pas de controverse visible.
- Le dépaysement (et sa musique).
Dans « Fallout » nous avions un monde dévasté où chaque bâtiment apportait la promesse de découverte d’un ancien monde et chaque ville celle d’une reconstruction chaotique ; Dans les "Elder Scroll" chaque donjon ou grotte était synonyme d’aventure et de découverte car on ne se savait pas quel secret s’y cachait ni quel « population » y avait élu domicile. Par ailleurs, ces deux titres, certains points d’intérêts ne figuraient même pas sur la carte et récompensaient simplement la curiosité du joueur.
Dans Starfield une fois cliqué sur la destination recherchée on débarque sur une planète générique. On ne passe même plus par la case vaisseau puisqu’il n’est pas personnalisable en son intérieur et que notre équipage ne provoque aucune envie de voyage. Tout comme les citoyens ils sont là pour occuper l’espace et attendre nos interactions.
Par-dessus tout, tous les titres évoqués étaient bercés de mélodies que j’écoute très souvent. Des compositeurs de génies que sont Jeremy Soul ou Inon Zur qui savent retranscrire les ressentis via des musiques orchestrales mémorables.
Dans Starfield, mis à part la mélodie principale du titre, rien ne me vient à l’esprit.
Pourtant ...
... Je n’ai pas passé un mauvais moment. J’ai joué à un divertissement qui a contenté ma soif de loot ; qui m’a parfois émerveillé à la découverte de villes à l’architecture unique ou d’une planète à l’atmosphère originale ; qui a su sur certaines séries de quêtes me captiver pour quelques heures. Au total, nous sommes face à un titre qui a su m’embarquer pendant des dizaines d’heures. Seulement, là où les titres de Bethesda occupent habituellement une place dans mon esprit rêveur en journée Starfield n’occupe que mon temps d’écran. C'est propre mais terriblement lisse.
Besthesda est désormais au jeu vidéo ce que Disney est au cinéma.
Après les échecs successifs (critiques, non commerciaux) de leurs dernières sorties "Fallout 76" ;"RedFall" et désormais "Starfield". Je suis de plus en plus pessimiste quant à l'avenir de "The Elder Scroll VI". Il y a encore quelques années, j'aurais hypothéqué mon appartement et vendu un rein pour précommander une copie collector et la recevoir entre mes mains le jour de sa publication. Ce n'est plus le cas.