Plombier, médecin, arbitre, footballeur, médaillé olympique, pilote, pugiliste, premier-ministre et parfois même héros de jeu vidéo : il faut se rendre à l'évidence, le petit gars Mario™ est partout. Employé modèle, il colmate fuites et fissures chez son employeur depuis des années. Certains lui reprochent - sans avoir tort - d'accaparer toute l'attention de ses supérieurs. C'est simple : ils ne savent plus s'en passer. Parfois l'observateur avisé se surprend même à penser… qu'il est décidément devenu tellement omniprésent que l'on aurait tôt fait de considérer la compagnie de Kyoto incapable de se renouveler. Mais, autant l'admettre, quand on possède le copyright exclusif de la roue; pourquoi se fatiguer à la réinventer?!
C'est pourtant la tâche confiée aux architectes actuels de la série : tenter à tout prix d'éviter de lasser tout en livrant un produit similaire à la formule de manière à ne pas choquer ses acheteurs habituels. L'équation est aisée à résoudre. Mario™ + Nouveaux Costumes + Une Soixantaine de Nouveaux Niveaux = Profit. Pas besoin d'être un artiste conceptuel pour piger le modus operandi. Ici, l'on produit en série. C'est d'ailleurs la force du Mario™, il est endurant. Tel l'athlète de plein droit qu'il est devenu aux derniers Jeux Olympiques™ il sait conserver l'allure rondouillarde qui a fait de lui le phénix des hôtes de ses bois. Robuste tel Achille Talon il étale sa force tranquille d'une aventure à l'autre promettant des nuits de folie aux fans échevelés qui requièrent ses services. Là où l'homme aux moustaches luisantes est entré sous un nom d'emprunt; il ressort poisseux mais glorieux tel l'étalon local qui a rassuré ses investisseurs lors d'un congrès des plus suants. Tel est l'apanage d'un vrai intellectuel : il sait tolérer, parfois, le travail manuel.
Mais à force de se limiter à une performance répétée l'aficionado de la salopette risque gros : la lassitude de son public autrefois transi. Dans cet épisode-ci Mario™ décide de revisiter le monde presque isométrique inventé il y à quelques années de cela pour tenter de vanter les valeurs tridimensionnelles de la 3DS. Sur une console de salon. Dépourvue de l'artifice susnommé. Allez comprendre. Ils devaient avoir désespérément besoin d'une troisième déclinaison pour pouvoir justifier leur exploitation annuelle de la licence. Ce qui nous donne ce jeu dont le postérieur - pourtant bien rebondi et vaguement HD - est fermement implanté précisément entre deux tabourets au design épuré. Vu de trois quarts, il est bizarre. Vu de derrière, il est à terre. Vu de côté; ouais ça peut aller. Quel que soit l'angle : il semble inconfortable. Et cela même galbé par un déguisement de chat en lycra.
Il est cependant indéniable que l'ensemble - oreilles comprises - garde les qualités traditionnelles de la série. C'est fluide, jouable, et parfois même esthétique pour peu que l'on aime ce style mièvre un peu aseptisé qui caractérise les nouvelles productions 3D de Nintendo. Le GamePad ramène ses "atouts" : l'on peut souffler sur certains blocs pour les faire s'élever, en toucher d'autres. Certaines séquences insistent pour utiliser le gyroscope afin de diriger la caméra. On est bien obligés d'acquiescer. Face à tant de froide efficacité dans le domaine du jeu coloré l'esprit cynique ne peut qu'applaudir l'effort capitaliste ainsi écoulé au plus candide des publics. Ce n'est ni une réinvention de la série, ni même une vraie évolution, juste un produit de plus réalisé en visant de très solides niveaux de qualité. Une réussite de la technique moderne de clonage industriel qui assure les gains financiers de Nintendo tout en étouffant par l'effort requis l'émergence de toute nouvelle création iconique susceptible d'alléger la charge de leur meilleur employé. Ce n'est certes pas un chef-d'œuvre mais les fans adoreront tandis que d'autres se demanderont si quand c'est trop; c'est pas Mario™.