[Interview menée par mail en anglais le 24 septembre 2015.]
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- Comment en êtes-vous venus à travailler sur The Cat and the Coup ? Avez-vous toujours voulu participer à un projet interactif de ce genre ?
À l'époque, en 2007, je voulais faire un "jeu de guerre" qui ne soit pas comme les autres. Il y a des tas d'exemples historiques de jeux à thématiques militaires qui sont sortis alors même que les États-Unis étaient en guerre, en Irak et en Afghanistan.
Des politiciens évoquaient aussi la possibilité d'attaquer l'Iran, et c'est d'ailleurs encore le cas aujourd'hui. Du coup, je voulais créer un projet qui faisait la lumière sur une méthode de conflit qui n'appartient pas nécessairement qu'au passé - l'orchestration de coups d'État par l'agence centrale américaine du renseignement, la CIA.
- Le gameplay du jeu n'est pas un gadget ; il fonctionne de manière organique avec la narration. Le game design a-t-il été compliqué à concevoir ? Qu'est-ce qui vous a poussé à créer de telle mécaniques ?
Je voulais que les mécaniques ne permettent qu'un contrôle indirect. Dans le rôle d'un chat en apparence inoffensif, le joueur manipule en réalité l'environnement de Mossadegh pour l'amener à prendre de mauvaises décisions. C'est exactement la façon dont la CIA mène ses opérations.
Le game design n'a pas été évident à faire car l'histoire, les mécaniques et les visuels du jeu sont interdépendants. Chaque changement dans une dimension du projet avait forcément des répercussions dans les autres.
- Les visuels originaux du jeu sont un mélange de miniatures persanes et de collages pythonesques. Comment avez-vous fini avec ce parti-pris graphique ?
Le directeur artistique qui est aussi le co-créateur, Kurosh ValaNejad, a directement pris pour référence les miniatures persanes, un style issu d'une période allant à peu près du XIIIème au XVIème siècle.
Les notions de perspective contemporaines comme la profondeur y étaient absentes ; à la place, on trouve une manière entièrement propre de représenter l'espace. Il trouvait que ça serait une belle touche pour un jeu 2D. Et il y aussi bien sûr le fait que l'Iran et la Perse, c'est concrètement la même chose.
Vers le milieu du développement, des gens ont commencé à faire la comparaison avec les Monty Python, et on a pris ça comme un grand compliment.
- Le jeu ne se contente pas de lister des faits historiques ; il prend aussi une position critique face à l'impérialisme occidental. Pensez-vous que les jeux vidéo soient capable de produire un impact politique ?
Les jeux ont une tendance naturelle à toucher les sens des responsabilités du joueur, à le faire se sentir coupable de ses actions. Si celles-ci se trouvent être celles de la CIA pilotant un coup d'État, alors le joueur se retrouve dans une position où il ne peut pas vraiment se sentir étranger à leurs conséquences.
- Estimez-vous que les jeux documentaires ont une qualité propre qui les distingue des documentaires traditionnels ? Selon vous, existe-t-il des choses que seule l'interactivité puisse vraiment communiquer ?
Les jeux sont des dispositifs d'apprentissage. Le joueur doit s'investir et chercher à apprendre, par exemple, sur quel bouton il faut appuyer pour ouvrir une porte ; sinon, il ne peut pas progresser, et l'expérience ne peut alors pas se poursuivre. Du coup, les jeux peuvent pousser la chose plus loin ; c'est un format génial pour explorer de vastes sujets.
- Que pensez vous de la ligne qui est souvent tracée entre "serious games" et "jeux traditionnels" ? Considérez-vous The Cat and the Coup comme un serious game ?
Les étiquettes sont un moyen efficace d’amorcer la discussion, et le terme "serious game" remplit bien cette fonction. Mais ce qu'il importe véritablement d'envisager dans un projet, c'est sa finalité et son propos.