Je me souviens qu’à l’époque, j’avais longtemps hésité avant de m’y risquer à ce « Skyrim ». Certes, les critiques étaient dithyrambiques, mais d’un autre côté ce jeu avait l’air d’être un vrai vortex à temps libre. L’un des pires prédateurs chronophages qui soit. Finalement j’ai franchi le cap en 2013 et… effectivement j’y ai perdu plus de cent cinquante heures de ma vie. Et en plus je ne l’ai même pas fini ! Bref, « Skyrim » a certes été un jeu suffisamment efficace pour me prendre et me tenir accroché, mais il a aussi été et surtout un jeu long. Très loooooooong. Clairement beaucoup trop long.
C’est ce qui est d’ailleurs intéressant avec ce « Skyrim ». Pour moi il illustre grandement tout le problème des jeux « triple A » de sa génération. Il s’agit sans cesse de pousser les curseurs plus loin, jusqu’à l’absurde. Pourtant c’est dommage parce que, globalement, ce jeu avait su poser de belles promesses lors de ses premières heures de jeu, des promesses qu’il a trop souvent noyé dans les gouffres de l’interminabilité…
Pour moi, la grosse force de jeu, c’est très vite devenu sa structure ludonarrative. Pourtant c’est vrai qu’à la base tout ce jeu repose sur une structure plutôt classique : le monde est certes « ouvert » mais il se parcourt au travers de missions qui trouvent toutes leurs points de déclenchement dans des zones facilement identifiables, puis leur zone de résolution en des points annoncés par la suite. C’est simple, c’est vrai. Mais c’est pour le coup une base suffisamment efficace et souple (on peut quitter la mission à tout moment sans aboutir à un échec) pour ensuite enrichir le concept. Or pour moi cet enrichissement, il repose clairement sur deux aspects.
D’abord il repose sur cette promesse qui est rapidement faite que nos actions et nos choix vont considérablement influencer les équilibres du monde que nous visitons. Soutenir le camp des Impériaux ou le camp des Sombrages. Opter pour un développement de notre personnage qui soit davantage orienté vers la magie, le chant des bardes, ou l’habilité des voleurs. Se comporter comme un juste ou comme un scélérat. Autant de choix qu’on nous pose assez rapidement dans le jeu. Autant de choix dont on comprendra de plus progressivement quel en sera l’impact au fur et à mesure que l’on avancera dans le jeu. Pour moi c’est vraiment un point fondamental d’un monde ouvert. Je veux sentir l’influence de mon action sur le monde que je parcours. C’est ce que les jeux Ubi et Rockstar négligent trop souvent. « Skyrim » lui, pose cette promesse. Rien de tel pour stimuler mon investissement.
Mais au-delà de cette promesse d’interaction, l’autre enrichissement fondamental de ce « Skyrim » c’est la liberté qu’il donne dans notre manière de mener notre histoire. Là encore, la comparaison avec les jeux Ubi et Rockstar de l’époque se fait clairement à l’avantage du titre de Bethesda. Là où les concurrents fragmentent leur cheminement en missions très dirigistes et finalement assez linéaires dans la narration qu’elles génèrent, « Skyrim », lui, laisse beaucoup de marge de manœuvre. Pour le coup il n’y a vraiment pas d’ordre ni de priorité. Et mieux encore, il n’y a pas vraiment d’indication sur ce qu’il convient de faire ni dans quel ordre le faire. On peut très bien tenter une mission et se rendre compte qu’elle est d’une difficulté à roter du sang. Je peux persévérer et dans ce cas là je serai récompensé. Mais je peux aussi abandonner et me dire que c’est là le genre de mission à faire plus tard, une fois qu’on sera bien upgradé. Cette liberté qui laisse la place au risque pris, à l’incertitude, au questionnement de l’initiative, indéniablement je trouve ça excitant. D’autant plus excitant que je me suis très souvent retrouvé à mener toute une flopée de missions simplement pour en résoudre une plus simple que j’avais déclenché en tout début de partie. Il y a quelque chose de besogneux et de gratifiant là-dedans. Et comme le jeu est techniquement sublime (chapeau d’ailleurs pour la somptueuse musique de Jéremy Soule), et que cela s’accompagne d’un remarquable travail sur l’atmosphère nordique, je n’ai pu qu’être happé par tant de qualités déployées. Et ça, c’est clairement quelque chose que je ne peux pas retirer à ce jeu, et c’est ce qui explique que sa note reste globalement flatteuse. 7/10, pour moi, c’est la marque des jeux qui m’ont laissé un très bon souvenir…
Mais bon… Derrière toutes ces qualités qui expliquent le grand succès qu’a connu ce « Skyrim », il y a aussi plein d’autres choses que je trouve beaucoup moins flatteuses et qui expliquent, me concernant, le nombre assez important de réserves que j’ai à l’égard de ce jeu. Je disais notamment tout à l’heure qu’il était trop long. Mais à dire vrai, un jeu n’est trop long que s’il peine à entretenir l’intérêt qu’on lui porte. Or, le vrai premier gros souci de ce « Skyrim » c’est ça. Il y a des centaines de donjons sur la map, ces donjons sont immenses, tous plus ou moins construits de la même manière, avec les mêmes monstres dedans. Il ne faut vraiment pas attendre longtemps pour trouver ça répétitif. Et si j’ai très vite rechigné à me lancer dans certains d’entre eux, ce n’était pas parce que je les trouvais trop durs, c’était juste parce que je badais d’avance d’avoir à y passer des heures entières – souvent pour pas grand-chose en échange – alors que j’avais plein d’autres trucs à faire. C’est d’ailleurs ça qui m’a fait arrêter la pratique de « Skyrim ». Le donjon de trop. Trop long. Trop répétitif. Le truc qui m’a fait soudainement prendre conscience que j’étais en train de consacrer beaucoup trop de temps de ma vie à quelque chose qui au fond ne m’apportait plus rien… Lâcher un jeu non pas parce que tu l’as fini mais parce qu’il te gonfle, c’est quand même pas top comme expérience.
L’autre énorme problème, c’est cette idée de « level scaling », c’est-à-dire cette idée qui consiste à ajuster le niveau des ennemis présents dans un donjon en fonction du niveau que nous avons atteint en temps que personnage. Cette idée là, elle est venue totalement flinguer la logique d’une exploration libre et hasardeuse, nécessitant de notre part d’opérer des paris. A quoi ça sert que je travaille à augmenter mon niveau si la difficulté augmente de pair ? Dans un jeu au gameplay aussi sommaire, ça conduit forcément à une forme de stagnation et donc à une répétition. Absurde…
Et puisque je viens d’aborder à l’instant la question du gameplay, autant creuser la chose tout de suite pendant qu’on y est. Là aussi, sur ce niveau là, je trouve que ça ne vole vraiment pas haut. Les mouvements de notre personnage sont trop lents pour rendre une défense au bouclier vraiment intéressante. De même, les coups rapides souffrent souvent d’une dynamique physique qui peine à comptabiliser tous les coups infligés. Combien de fois j’ai foutu un coup de lame dans le vent alors que j’étais au corps à corps ! Au final, la seule stratégie qui vaille vraiment dans ce jeu, c’est la bourrinitude primaire. Pas ce que je préfère. Pas le genre de pratique qui nous permette aussi de développer à la longue une vraie habilité au combat. De même, il y a un vrai problème de gestion des niveaux par rapport à l’usage des armes. Je veux bien qu’au départ il n’est pas pertinent de trop cracker le tir à l’arc, mais là, en début de partie, notre arc c’est juste un nerf quoi ! Alors comment veux-tu que j’upgrade ma compétence « arc » si au début du jeu c’est une arme totalement inefficace ? Ainsi me suis-je retrouvé à passer des heures à liquider des perdrix et des lapins à coups de flèches pour avoir un arc digne de ce nom. Fun ultime quoi…
Et puis le dernier problème pour finir, c’est qu’au final, cette promesse de choix narratifs impactants, elle s’est elle aussi vite évanouie au fur et à mesure que j’avançais dans l’intrigue. Choisir l’Empire ou choisir les Sombrages, cela change finalement très peu les missions et ça n’a de réel impact que sur la fin. Au cours de l’intrigue l’impact est moindre, si ce n’est réduit à néant. Même problème au fond concernant les différentes académies, écoles ou autre guildes. Au final on peut appartenir à tout. Être parfois même reconnu grand maître pour pas grand-chose, et tout cela pour des avantages à la fin qui relèvent du symbolique. Que vous soyez devenu le big boss de l’Académie de magie ne change finalement rien. Le monde est le même. Votre relationnel avec les PNJ aussi. Et au fond, même vos capacités restent finalement les mêmes. Remplissage. Remplissage…
Alors oui, à force de boss usants et pas très malins, de donjons interminables, de combats contre les dragons longs, pénibles et répétitifs, au bout d’un moment j’ai fini par me dire que « Skyrim » c’était un jeu gonflant. Et je pense que, pour le coup, j’ai su m’arrêter à temps. J’ai su m’arrêter avant d’oublier les frissons que j’ai ressenti en voyant pour la première fois une aurore boréale ; avant de perdre le souvenir de cette magie que j’ai perçu face à d’aussi beaux décors et une aussi belle musique ; et surtout avant que ne s’estompe totalement les réels bons moments que j’ai passé à explorer cet univers riche et mystérieux…
Donc oui, « Skyrim » reste pour moi un bon souvenir de jeu. C’est ce qui fait que je ne peux m’empêcher de le classer malgré tout parmi mes meilleures expériences sur PS3. Certes il est trop long, contestable dans son gameplay et dans son narrative design, mais il a aussi ces moments de bravoure et une direction artistique à laquelle il est difficile d’être insensible. Et vu à quel point je retrouve de ce « Skyrim » dans le merveilleux « Breath of the Wild », je ne peux que remercier ce jeu d’avoir existé, ne serait-ce que pour toutes les voies qu’il a permis d’ouvrir. C’est d’ailleurs aussi et souvent à ça qu’on reconnait les grands jeux. Non pas forcément à l’irréprochabilité de leur réalisation, mais bien aux traces qu’ils laissent derrière eux…