Disclaimer : cet article parle d'une mod list pour Skyrim SE - Anniversary Edition, nommée Nolvus Ascension. Pour ma critique sur le jeu original, voir ici.
12 ans ont passé depuis la première sortie de Skyrim. A l'époque, le jeu était à la fois une joie et un crève-cœur pour les "vieux" fans de Bethesda. Une joie, parce que c'était quand même vachement mieux qu'Oblivion, que ce soit en termes de diversité (d'action, de paysages) ou de game design (avec un gros remaniement du level scaling d'Oblivion qui avait tant fait scandale). Un crève-cœur aussi, car Skyrim prononçait en même temps le divorce entre Bethesda et la formule du RPG single-character mise en place sur Morrowind, qui avait réussi à joindre à la prouesse technique une conception très pointue, pas sans hoquets certes, mais indéniablement plus profonde et exigeante que la majorité de la concurrence de l'époque. Les fans de Morrowind, dont je fais partie, n'ont jamais vraiment fait le deuil de cette vision très spécifique du RPG, qui combinait haut niveau de difficulté, grande liberté d'action et (très) gros boulot scénaristique ; et n'ont vu en Skyrim qu'un jeu tellement casualisé et permissif qu'il a rapidement fini par perdre toute saveur malgré d'indéniables qualités.
Du coup, on s'est rabattu sur les mods. Il y en a eu des centaines, des milliers, souvent rassemblés sous la curatelle de listes maintenues non moins bénévolement, s'occupant ici de ravaler le gameplay, là d'en adoucir les angles en s'accompagnant d'une refonte visuelle. Wildlander, Phoenix Flavour, Path of the Dovahkiin... la communauté de modders de Skyrim, probablement la plus florissante de tous les jeux vidéo de l'histoire, permet la customisation à la carte de son expérience Skyrim avec des listes variées, dont beaucoup sont très intéressantes à découvrir y compris pour quelqu'un qui n'a pas spécialement aimé le jeu vanilla. Mais était-on allé aussi loin que Nolvus Ascension, l'une des dernières listes en date qui cumule la bagatelle de 2160 mods ? La réponse est non. Au point d'éclipser, finalement, presque toutes les mod lists qui ont pu sortir par le passé, tant celle-ci se révèle complète et intelligente.
Avant de passer en revue les principaux éléments qui font de Nolvus Ascension un rêve éveillé pour un large éventail de publics (dont celui, auquel j'appartiens, des barbus du RPG 3D qui aiment leurs expériences sévères, mais justes), il faut déjà évacuer l'éléphant au milieu de la pièce : cette liste est un monstre de gourmandise technique, réservée malheureusement aux PC les plus puissants. Ceci est dû à trois choses : le nombre de mods à charger simultanément d'une part, la taille de certains packs ensuite, le ravalement des graphismes en 4K enfin. En pratique, Nolvus Ascension demande donc un PC disposant de 32 Go de RAM, d'un processeur performant, d'un GPU rapide avec idéalement 16 Go de VRAM, et de 500 Go d'espace libre sur SSD. Il existe des astuces pour essayer quand même si on n'a pas le matos, mais c'est à ses risques et périls. Et c'est raide dans tous les cas : avec mon binôme 5800X/3090, même en ayant baissé certaines options, il m'arrive de voir les performances plonger sous les 40 FPS dans les extérieurs où la vue porte loin. Il faut également noter que cette mod list requiert obligatoirement la version Steam de Skyrim Special Edition, son DLC Anniversary et un abonnement premium à Nexusmods pour pouvoir télécharger le package complet sans devoir faire 2000 clics. D'un point de vue pratique cependant, Nolvus s'installe avec beaucoup de simplicité : un "wizard" automatisé s'occupe de tout, il n'y a se laisser guider et répondre aux questions toujours très bien posées, notamment en ce qui concerne les options graphiques les plus poussées ou l'utilisation (ou non) de certains mods susceptibles de changer radicalement la la façon de jouer.
Ceci étant dit, parlons déjà de l'aspect "'superficiel" de Nolvus Ascension : ses graphismes. Le jeu est d'une beauté inconcevable. Et la conversion en 4K de l'intégralité des textures du jeu, si elle donne un résultat impressionnant, est loin d'être la seule responsable de ce festin visuel. Les effets de particule appliqués à la neige (on peut quasiment compter les flocons et en constater le relief à même le sol), le bump mapping très subtil et élégant du pavage des routes, la netteté stupéfiante du moindre branchage ou du plus petit mur sont un véritable régal pour les yeux, que vient compléter un ENB très réaliste qui sublime les lumières à tout instant du jour ou de la nuit, que ce soit en extérieur (avec notamment des levers et couchers de soleil d'une beauté étourdissante) ou en intérieur (avec des sources de lumière tamisées, chaudes et doucement mouvantes qui tissent des ambiances à se damner, que ce soit en ville ou dans les donjons). La curation de mods visuels proposée par Nolvus est à ce point ambitieuse et pertinente qu'il est impossible de noter le plus petit détail qui ferait tache, le plus modeste élément qui trahirait un éparpillement des sources ou un éloignement du support original. Pour l'anecdote, j'ai fait Nolvus Ascension en alternance avec un run sur Cyberpunk 2077 avec tous les réglages à fond (y compris ray et path tracing), et ce dernier faisait presque pitié en comparaison. Ce n'est plus du jeu vidéo : c'est de l'hypnose, à l'échelle d'un monde ouvert gigantesque.
Ce point évacué, j'avais en réalité voulu tester Nolvus pour sa curation de mods systémiques, censés enrichir ou corriger le côté casual du gameplay vanilla, assez ennuyeux pour un joueur expérimenté. Et c'est finalement ici que j'ai été le plus séduit. Avec sa montagne de contenus et donc de récompenses additionnelles, le jeu justifie déjà de passer sa partie en mode de difficulté Légendaire, ce fameux réglage éclaté au sol dans la version Vanilla : dans Nolvus, c'est alors dur, mais enfin juste, et on progresse à petits pas, de façon très progressive mais très gratifiante, en s'aidant d'une infinité de nouveaux outils permettant d'outrepasser une "hobo phase" initiale devenue réellement stimulante (les panneaux de petites annonces dans les villes qui permettent de se faire ses premières piécettes, la possibilité d'alpaguer n'importe qui pour lui demander du secours en fonction de son talent dans l'arbre de discours ou lui proposer son aide pour générer une quête à la complexité variable, les compétences additionnelles et leurs arbres de perks inédits, la montagne de donjons neufs ou révisés s'accompagnant de leur propre loot...). En intégrant les mods de roleplay classiques comme Skyrim Unbound (qui permet de zapper le prologue et de choisir ses conditions de départ dans le détail, jusqu'à décider des conditions d'activation de la quête principale) ou Sunhelm (une sorte de mode survie raisonnablement contraignant venant écraser celui du jeu vanilla), Nolvus ouvre également bien plus grand la porte à l'idée de "rôle" que celle qui était esquissée dans le jeu de base : on est invité à s'y créer un personnage de toutes pièces, avec son lieu de début, son équipement, jusqu'à sa religion qui, si on décide librement de s'y adonner, demandera de jouer dans le respect des croyances de l'un des divins du lore des Elder Scrolls, avec règles spécifiques, prières régulières à effectuer et augmentation progressive de l'affinité avec sa divinité ouvrant l'accès à des bonus spéciaux. Tout cela est à la fois maladivement détaillé et agréablement discret, dans la mesure où chaque nouvelle mécanique se voit expliquée très brièvement en début de partie en insistant sur le fait que le joueur est le seul maître à bord ; ces mécaniques complémentaires sont toujours pensées comme facultatives, et on a tout loisir d'envoyer balader les éléments qui nous ennuient pour éventuellement s'y intéresser bien plus tard dans la partie (ou même jamais).
Nolvus est également brillant dans sa manière de lier roleplay et contenu, en enrichissant considérablement, voire en ajoutant, des "carrières" à la manières des guildes du jeu de base. Celle de mage par exemple, associée à l'académie de Fordhiver, se voit agrémentée d'un arbre de compétences d'apprenti tout neuf, ainsi que d'une pluie de quêtes venant enrichir l'arc trop rapide du jeu original. On peut également embrasser une carrière de chasseur, de magnat du commerce ou de l'immobilier, de maire (on est invité si on le souhaite à reconstruire une ville), d'archéologue ou d'érudit à la recherche d'artefacts historiques (qu'on pourra trouver, ou miner, voire restaurer à la main, puis exposer dans plusieurs musées), de vagabond, d'"enfant de dragon" pouvant désormais passer une vie d'ascète parmi les grises-barbes pour perfectionner sa maîtrise des cris, ou plus simplement de grosbill obsédé par des gains toujours plus grands, à qui le jeu offre désormais mille et une manière de gagner de l'argent et d'en dépenser. Chaque orientation se voit associée à des tweaks ou nouveautés sympathiques, qui vont donc des quêtes supplémentaires (en nombre virtuellement infini, tantôt générées procéduralement, tantôt très écrites et flanquées de leurs propres donjons exclusifs) aux arbres de compétences inédits, en passant par une quantité de loot et d'objets plus ou moins cachés que le jeu nous encourage à équiper, vendre, démanteler, améliorer ou même exposer, chez soi ou dans des musées. En ajoutant à ces modificateurs les changements opérés à l'intégration de la quête principale, qui peut être conservée telle quelle, retardée ou annulée, on se retrouve à jongler avec une infinité de possibilités en permanence, mais ceci, toujours, dans le plus grand calme : le jeu ne nous harcèle jamais, son rythme est même finalement encore plus contemplatif qu'avant dans la majesté accrue de ses visuels mais aussi de ses ambiances sonores. En suivant désormais le rythme lent des saisons qui passent, depuis les printemps où l'herbe verdoie jusqu'aux hivers rudes où la neige prend le dessus et les températures glaciales nous demandent de nous vêtir chaudement (chaque vêtement et armure a, grâce à Sunhelm, un coefficient de chaleur à comparer à la météo), Nolvus nous encourage autant à fouiner partout qu'à prendre le temps de la promenade et de la contemplation. La puissance atmosphérique du jeu et sa diversité sont à ce point sidérantes qu'il serait même criminel de vouloir aller trop vite en besogne, tant chaque lieu éblouit par sa poésie, tant chaque ville (ancienne ou neuve) frappe par sa vie grouillante et son architecture épousant parfaitement les lieux, tant chaque donjon envoûte par sa chape de mystère invitant à une exploration prudente.
Pour les "vieux" qui préfèrent une expérience plus traditionnelle, Nolvus se révèle également tout-à-fait à la hauteur, et même davantage. A ce titre, l'un des plaisirs majeurs de cette liste réside dans la réfaction complète d'un grand nombre de donjons et caveaux du jeu, particulièrement ceux liés aux quêtes importantes, devenus franchement labyrinthiques, bourrés de zones secondaires, culs-de-sac et autres raccourcis tarabiscotés dans la plus pure tradition du dungeon crawling à l'ancienne. On y a désormais un peu l'impression de jouer à du Legend of Grimrock en 3D libre. Les mods apportent par ailleurs une diversité supplémentaire, et progressive, d'ennemis : au fil de nos montées en puissance, on va commencer à croiser un bestiaire inédit qui renouvelle agréablement le cheptel de base, et qui, à haut niveau de difficulté, va représenter un défi stimulant. Il est à noter que les moddeurs ont ici bien retenu la leçon d'Oblivion et respectent la vision, pas trop dégueu, du Skyrim vanilla, en levant le pied sur le level scaling tout en lui entrouvrant quand même un peu la porte quand nécessaire ; juste de quoi se maintenir éveillé au bout de trente, cinquante, quatre-vingt heures, en enrichissant par paliers discrets les affrontements ou lieux clés de nouvelles créatures hostiles, qui s'insèrent harmonieusement dans le lore et les mécaniques du jeu. Le système de combat, enfin, répond à ces nouveaux enjeux en intégrant désormais de nombreux combos, des "stances", une toute nouvelle intégration de la caméra et des animations en vue à la troisième personne (devenue, pour le coup, praticable voire impressionnante au plus fort des combats), des techniques propres à certaines armes (parfois toutes neuves) qui se voient équitablement répercutées sur les PNJ amis comme ennemis, devenus désormais capables, selon leur équipement, de lâcher des combos énervés qui peuvent être très marrants à regarder sans fondamentalement bouleverser l'équilibrage des affrontements. En prenant en compte leur toute nouvelle modélisation (les personnages sont désormais, rendez-vous compte : beaux), il est devenu plus agréable, plus amusant, et aussi plus utile, d'emmener un compagnon avec soi, même si, malheureusement, leur pathfinding est toujours une source d'emmerdements notoire.
Il y a douze ans donc, Skyrim était un générateur d'histoires un peu simples, où l'on accédait rapidement à une forme de toute-puissance sans grand enjeu dramatique ni mécanique. C'est ce que Nolvus corrige, en invitant le joueur à se façonner une progression sur le long cours, patiemment et calmement. Il faut dire et redire à quel point ses tweaks, ses récompenses supplémentaires, ses invitations multiples à toutes les formes de roleplay que peut offrir le genre, son contenu gargantuesque mais uniformément qualitatif, invitent à désormais jouer sa partie dans le mode de difficulté maximal : la moindre balade y a désormais un sens, le plus petit donjon devient une mine de dangers mortels et de trésors à s'en rendre riche, la quête la plus anodine délivre à sa résolution un sentiment d'accomplissement héroïque. Parler aux Grises-Barbes est désormais un privilège ; devenir jarl, une forme d'aboutissement primitif qui marque autant le début de l'histoire que la première lumière au bout du tunnel de ce qui est désormais l'une des meilleures "hobo phase" de l'histoire du RPG. Et cela donne aussi un générateur d'histoires, mais désormais infiniment plus puissant, épique et cohérent. Je démarre ma partie comme apprenti magicien sautant du chariot à Blancherive ; sans le sou, devant rallier Fordhiver, je n'ai d'autre choix que d'enchaîner quelques petits boulots de livraison me faisant courir la campagne (et fuir les premiers loups). Vaguement moins pauvre, je loue un chariot pour l'académie ; là-bas, les premières leçons se révèlent rudes, et je n'ai d'autre choix que de repartir sur les routes pour me constituer un personnage un peu moins nul. Un donjon visité sur demande d'un prêtre, quelques urnes pillées en toute discrétion, et me voilà prêt à acheter mes premiers sorts. Etant arrivé en hiver, j'ai la chance d'avoir un lit dans le dortoir des mages pour m'abriter des nuits glaciales, d'où je repars chaque matin, explorant chaque fois plus avant la montagne enneigée autour de l'académie. Un coursier vient parfois me voir au rythme de la modeste montée de ma réputation, me transmettant des demandes d'aide venant des quatre coins du pays, d'abord de pauvres quidams en détresse, puis de notables, de jarls. J'en choisis certaines, me fais dérouiller, essaye ailleurs. A l'arrivée du printemps, dans le ciel, les premiers dragons commencent à apparaître. Je frappe toujours aux portes, je livre quelques paquets, je m'enfonce dans des grottes humides. Les premiers ennemis tombent sous ma magie naissante après, tout de même, une bonne dizaine heures de pratique. Je fuis souvent, je dors beaucoup. Petit-à-petit, des possibilités se créent. Des quêtes compliquées commencent à devenir envisageables. On m'informe que je peux désormais voyager dans des contrées lointaines, situées hors de Bordeciel : les extensions officielles sont évidemment de retour, mais de nombreux mondes autonomes s'ajoutent à la fête, à l'image du grand classique Forgotten City ou de très ambitieuses extensions non-officielles, dont l'une d'elles nous offre par exemple de visiter Cyrodil en traversant la frontière qui était fermée dans le jeu original (et de redécouvrir le monde d'Oblivion sous un nouveau jour). Dans le Skyrim vanilla, on devenait thane en un temps record, presque à peine le prologue terminé ; dans Nolvus en mode Légendaire, il m'a fallu 30 heures de persévérance aussi acharnée que stimulante avant d'avoir droit à ma petite maison à Blancherive, où j'ai pu commencer à entreposer mes trouvailles. On commence alors à me réclamer ici, là-bas ; un jarl demande à me voir, un maître de guilde m'ouvre ses portes. C'est toujours moi qui choisis où je vais, au risque de me tromper. L'argent que j'amasse progressivement me permet de m'entraîner auprès de maîtres. Le cap des cinquante heures de jeu marque le vrai démarrage de la quête principale. Je l'oublierais presque, trop occupé à contempler, comme chaque matin, l'aurore depuis le sanctuaire de Julianos.
Aussi : on peut se faire une waifu.