Lettre à Ellie
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Par
le 26 août 2014
130 j'aime
41
Jeu de Naughty Dog, Neil Druckmann, Bruce Straley, Gustavo Santaolalla, Troy Baker, Ashley Johnson, Annie Wersching et Sony Interactive Entertainment (2013 • PlayStation 3)
Après une intro convenue mais bien mise en scène pour installer son histoire de fin du monde, The Last of Us nous embarque dans une aventure où le héros Joel doit escorter une ado, Ellie, à travers l'Amérique. On rencontrera sur le chemin des ennemis humains et des espèces de zombies.
Dans les premières heures chaque fois qu'il y a des humains, ils sont de dos. Il faudrait foncer dans le tas pour se faire repérer. Même par strangulation, un ennemi un mètre devant (de dos) n'entend rien. Ils sont sourds et ne voient pas sur les côtés. Un autre passage humain se limite à attendre le script pour passer discrètement. C'est faible.
Heureusement après ça devient plus intéressant. Les rondes sont moins faciles à déjouer, et on remarque qu'on meurt assez vite. Joel est lourd à manier, et lorsqu'il prend une balle il est déséquilibré. Les ennemis ne nous laissent pas le temps de viser juste et de tirer. Alors on rushe et ça gaspille des balles. Bien vu !
Mais en dehors d'une perception ennemie limitée, on fait vite face aux limites du système. Si j'étrangle un soldat je ne peux pas lui prendre son équipement. Son casque, son fusil, rien. Mon personnage en aurait pourtant besoin. Même s'il peut tirer indéfiniment, l'ennemi ne laissera que deux munitions derrière lui.
De même, le jeu affiche une volonté de réalisme, on voit même l'équipement qu'on porte. Mais on possède un véritable arsenal caché dans le sac à dos magique.
Le jeu propose un système finalement assez bête, qui ne va pas au bout de son idée. Si je ne peux pas porter un fusil ET une carabine, je garde lequel ? Voilà un choix. Mais ici on peut garder les deux, avec une manipulation chiante pour switcher.
Alors tous les efforts de scénarisation et d'interprétation tombent un peu à l'eau. Chaque fois que je joue ça n'a pas beaucoup de sens que je puisse ramasser des briques et passer à côté d'équipement autrement plus indispensable pour Joel, pour finalement le posséder plus tard QUAND le jeu a décidé, bien au chaud dans mon sac magique.
Même chose côté décor. Ils sont joliment composés, mais trop souvent étriqués. Dans un jeu couloir on peut opter pour des murs invisibles qui nous font rebrousser chemin. C'est peu élégant mais ça permet d'avoir des décors visuellement vraisemblables.
The Last Of Us opte pour l'autre option qui consiste à bloquer tous les passages. On a parfois droit à de beaux panoramas, et graphiquement c'est coloré. Mais les décors cloisonnés de partout sont invraisemblables. Je n'ai pas l'impression que les personnages avancent dans une aventure.
Je ne les sens pas traverser l'Amérique du Nord, où tout est vaste et espacé. Fin du monde ou non, tu ne peux pas cloisonner l'Amérique avec des entassements de véhicules, des grilles sorties de nulle part, alors que le chemin d'un niveau à l'autre se fait en entrant dans un autobus scolaire.
Ça donne un parcours alambiqué pas crédible du tout. Et à cause de cela régulièrement les niveaux ne sont pas très lisibles. Si bien que pour trouver la sortie, je finissais souvent par éliminer tous les ennemis afin de chercher sans stress inutile, même si j'avais réussi au préalable à ne pas me faire repérer. Un moment je trouve une porte avec cadenas. Je tue tout le monde parce que péter le cadenas ça va faire du bruit. Puis j'essaye de briser le cadenas avec une brique. Je tire dessus. Rien. J'ai donc gaspillé des ressources pour rien. Et la solution ? Une icône triangle peu visible apparaît en hauteur. Terriblement moins évident que de péter un cadenas.
Dans le même ordre d'idée les attaques surprises sont artificielles. Moi je me laisse mourir comme ça plus de surprise. Un moment on sait qu'il y a un zombie, mais il sera indétectable car le jeu a décidé qu'il va nous sauter au cou. C'est de l'anti-jeu et du jump-scare bas de gamme.
Quant aux énigmes environnementales, elles se résument à pousser des caisses pour monter dessus, et utiliser des planches pour faire des passerelles. C'était déjà pas enthousiasmant du temps de Tomb Raider sur Playstation 1. On soulève aussi des portes de garage à répétition, une spécialité de l'époque Playstation 3.
Le jeu alterne entre zones infestées et zones calmes, sauf qu'on n'est jamais sûr si la zone est vraiment calme, ce qui nous laisse sous tension avec une prudence de (presque) tous les instants. C'est bien pensé. On n'avance clairement pas vite, et ce n'est jamais motivant de fouiller les niveaux en quête de ressources. Cet escalier est bloqué ? C'est un soulagement de ne pas monter à l'étage et risquer de crever.
Ce rythme qui fonctionne pour l'aspect ludique est totalement contre-productif pour l'histoire. Puisque le jeu opte pour une approche réaliste, bah leur "mission" est tout bonnement impossible. Ce n'est même pas suicidaire. C'est seulement idiot. Traverser l'Amérique avec des ennemis tous les 100 mètres, c'est ridicule. Ils ne peuvent tout simplement pas y arriver.
The Last Of Us a pour lui une histoire qui sied en fait très mal au système de jeu proposé, tout comme le côté réaliste des graphismes ne vient pas en aide à ce shooter type 10 contre 1.
Pour conclure, The Last of Us semble élaboré avec bien peu d'inspiration. On reprend un système de banal shooter mariné dans le light RPG, avec de la grosse violence sale pas forcément nécessaire.
Ça donne un titre plutôt séduisant graphiquement, mais assez creux sur sa partie ludique, très moutonnier. Naughty Dogs a bien respecté le cahier des charges, soit par soumission aux lois du marché, soit par incapacité à proposer un système hors des sentiers battus.
Pour la narration on vole à gauche et à droite dans les oeuvres post-apocalyptiques du moment, sorte de cocktail entre The Walking Dead, La Route, etc., avec le même genre de thématiques. Les emprunts sont faits sans grande subtilité. C'est du recopiage. Ce n'est pas désagréable à suivre, mais on est assez loin du chef d'oeuvre. Ou même d'un titre marquant par une tonalité nouvelle, un angle de vue inattendu.
Dans un genre approchant, j'ai beaucoup plus aimé la proposition ludique de State of Decay, qui a vraiment su traduire le thème de zombie en jeu vidéo.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 10 jeux qui ont fait du mal à l'industrie (liste commentée)
Créée
le 30 nov. 2024
Critique lue 5 fois
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