C’est différent. C’est une toute autre saveur.
Avec ce deuxième opus, The Last of Us 2 s’oriente dans une direction unique. Un premier regard pourrait faire croire que nous sommes en terrain familier. D’abord, le gameplay ressemble beaucoup à celui du précédent opus, rajoutant une dose de « réalisme » et hélas un brin de rigidité. Toujours des passages assez frustrants, où le « bestiaire » s’est agrémenté de zombies coureurs assez ardus à tuer en sus des habituels rôdeurs, claqueurs et colosses. Les graphismes sont d’une beauté époustouflante, même si de nombreux passages (nécessaires) dans des lieux sombres empêchaient parfois d’en profiter. Le travail sur la mise en scène demeure toujours aussi soutenu, portées par des comédiens de doublage investis.
Mais si The Last of Us est devenu une œuvre culte du jeu vidéo, c’était surtout grâce à son scénario et à sa narration. Il se construisait comme un « road-movie » dont l’objectif était tout défini, même si le voyage comme la destination s’avèrent jalonnées de drame… et de sang. Décrit ainsi, The Last of Us 2 suit une route similaire, pourtant le but comme les thématiques diffèrent. Il est difficile d’aborder le jeu sans spoiler…
Après deux heures de jeu, Joël est brutalement assassiné face à une Ellie impuissante, et dont le désir ardent de se venger ne s’éteindra jamais durant le déroulement du jeu.
Cet opus se construit donc sur deux histoires dont les ramifications se développeront au sein du déroulement. D’un côté, Ellie, sombrant peu à peu, méconnaissable héroïne qui marchera sur de nombreux cadavres au sein de son périple. De l’autre, Abby, dont la bonté si peu évidente se révèlera au fur et à mesure. Présenter deux opposés avant de l’amener vers l’obscurité pour l’une, et vers la lumière pour l’autre, constitue une prise de risque que je salue. Certains choix d’écriture laissent à désirer, surtout lorsqu’il s’agit de « trouver des astuces » pour rallonger la durée de vie, prétextes pour dégommer du zombie quitte à mettre le « scénario en pause ». Aucune du duo de protagonistes, chacune l’antagoniste de l’autre, n’est toute blanche ou noire, aussi me suis-je surpris à ressentir de l’empathie pour elle en dépit de mon désaccord envers beaucoup de leurs actes.
The Last of Us 2 s’efforce d’agrandir l’univers au travers la confrontation entre deux factions, les Wolfs (auquel appartient Abby) et les Scars, basé sur une forme de « fanatisme religieux » envers une prophétesse déjà morte. Mais c’est surtout au travers des relations entre personnages que les deux protagonistes se développeront. La romance entre Ellie et Dina est particulièrement touchante tandis que Lev est un compagnon attachant à Abby. Je déplore cependant une volonté de « choquer » un peu trop présente, inscrit directement dans le traitement de certains personnages secondaires.
Autant les morts de Nora, Owen et Mel sont bien amenées, et nuancées dans le propos, autant celles de Manny et de Yara paraissent avoir été placées au hasard, juste pour choquer au détriment de l’émotion. Quant à Jesse, pourquoi diable un personnage si cool n’a-t-il pas droit à un véritable hommage.
C’est là que je me suis aperçu que, encore davantage que le premier, les zombies ne sont qu’une toile de fond implantés pour raconter l’histoire désirée. Le récit laisse peu de moments de répit au joueur, seulement pour l’immerger davantage lorsque surviendront les scènes tragiques. Entre flash-backs émotionnels et affrontements sanglants, nous sommes plongés dans une histoire d’une noirceur terrible, où peinent à germer quelconques lueurs d’espoir… Difficile de se sentir à l’aise dans un tel milieu, mais c’est aussi ce qui fait le charme du jeu vidéo, où notre interaction est un outil supplémentaire.
Et après une vingtaine d’heures à alterner nos deux protagonistes, à les voir s’engouffrer dans un cycle de violence, à explorer les tréfonds de leur âme, le jeu s’achève sur une note froide. Sur une morale que l’on pourrait qualifier d’évidente, et pourtant nécessaire.
En essayant de venger Joël, Ellie s’est perdue. Massacrer les amis d’Abby ne l’a pas aidée, et elle a plus perdu qu’elle n’a gagné… C’est ce qu’elle réalise au moment où elle affronte une Abby déjà en piteux état après des mois de détention… Elle avait besoin de faire son deuil, et s’est oubliée dans ce voyage. Elle avait une compagne aimante, un enfant à élever, mais au moment de revenir chez elle, elle n’a plus que sa guitare…
The Last of Us 2 n’est pas le premier jeu à traiter de la vengeance, et malgré quelques égarements, il le fait avec brio. Une expérience touchante et mélancolique, mais aussi glaçante.