Le tant attendu The Last Of Us part II, ou TLOU2 pour les intimes, dernier né du studio Naughty Dogs est enfin arrivé, et on peut dire qu'il a fait beaucoup de bruit.
TLOU2, est un jeu d'aventure/survie avec un soupçon d'horreur qui fait suite à un premier opus sorti en 2013. Nous y incarnions Joel, un cinquantenaire bourru, accompagné par la force des choses, par une jeune adolescente Ellie, à laquelle il finissait par s'attacher, faisant ainsi le choix de s'ouvrir à nouveau au monde. Cette franchise, se déroule dans un monde post-apocalyptique, dans lequel les humains ont été infectés par un champignon qui les transforme en une sorte de zombie.
C'est quatre ans après le premier jeu, que l'aventure commencer, et nous incarnons cette fois-ci, Ellie qui est devenue une vaillante jeune femme et qui va être confrontée à une nouvelle péripétie.
Afin de critiquer cet oeuvre, je vais essayer de minimiser au maximum les spoils, les mettant en masqué le cas échéant, mais je vais forcément un peu parler de la structure du jeu et de son découpage.
Un gameplay enrichi mais parfois frustrant
Abordons tout d'abord le gameplay, qui dans ses bases est très proche du premier opus, à savoir un jeu de shoot à la troisième personne avec une composante d'infiltration et du craft.
On est ici sur une formule enrichie, les rencontres se déroulent toujours en "arène" avec possibilité de s'accroupir et maintenant de ramper pour se cacher de ses ennemis. Des hautes herbes font également leur apparition pour permettre au joueur de se camoufler. Si dans l'ensemble le level design est plutôt bien pensé et adapté, les capacités de détections des ennemis ne semblent pas toujours cohérentes. Certains ennemis en hauteur peuvent vous percevoir à travers les murs et l'on peut littéralement être vu par un trou de souris. Si on ajoute à cela, que le studio a fait le choix une nouvelle fois le choix de ne pas afficher d'indicateurs de détection, l'infiltration peut rapidement devenir une frustration (Fort heureusement, les indicateurs de détection sont activables dans les options, encore faut-il en avoir connaissance). En l'état, avec les options par défaut, le seul indicateur dont on dispose est un son qui nous indique que quelqu'un nous voit, sans que l'on sache d'où cela vient, ce qui me semble plutôt être à l'encontre des bonnes pratiques du jeu d'infiltration.
Il faut également préciser, que l'éventail de possibilités pour abattre ses ennemis discrètement a été étoffé, et l'on dispose de silencieux à usage limité, en plus de l'arc. De nouveaux ennemis font également leurs apparitions: les chiens qui seront capables de pister votre odeur, vous obligeant ainsi à bouger de votre planque.
En ce qui concerne les combats, nous avons affaire à des gun fights plutôt classiques, où il s'agit de se mettre avant tout à couvert et de tirer sur les ennemis. Ces derniers essaieront bien entendus de nous contourner, et cela peut finir en combat de mêlée. Sur ce point, le système a été enrichi et ajoute une esquive plutôt bienvenue (bien que parfois un peu approximative) qui permet de dynamiser les combats et nous permettre d'économiser quelques points de vie. Globalement, cet aspect du jeu fonctionne, même si l'on a parfois tendance à retrouver certains défauts d'Uncharted, à savoir des ennemis qui semblent pouvoir nous abattre avec précision d'un peu trop loin.
Enfin, dernier élément de gameplay, le craft qui justifie l'aspect survie du titre. Dans TLOU2, comme dans le premier, le joueur peut crafter des objets à la volée, que se soit kit de soins, surin, bombe artisanale, molotov et j'en passe. En résulte, qu'il est important d'utiliser ses objets et ses munitions avec parcimonie, ce qui justifie également d'utiliser l'infiltration au maximum, ce qui est d'autant plus dommageable lorsque elle ne semble pas assez polie comme mentionnée plus haut.
Qui dit craft, dit ressources, et vous serez amené à fouiller chaque tiroir, armoire ou casier ou autre compartiment que vous trouverez sur votre route. C'était déjà pour moi, l'un des défauts du premier opus, non pas que la récolte en elle même soit une mauvaise idée, mais le level design très fermé du jeu fait que vous serez constamment en train de fouiller chaque niveau de manière très artificielle et mécanique tranchant fortement avec l'aspect cinématique du titre.
Je passe rapidement sur l'aspect arbre de compétences et amélioration d'armes qui sont en fait très anecdotiques car ils ne modifieront pas fondamentalement votre façon de jouer, et semblent presque d'avantage décoratifs qu'autre chose.
Finalement, si le gameplay de TLOU2 est plutôt efficace, je ne l'ai jamais vraiment trouvé grisant, la faute également à un level design très linéaire, et souvent bien trop étiré pour son propre bien.
Un level design très linéaire qui peine par moment à nous tenir en haleine
TLOU2 fait le choix (ou plutôt le non-choix) de ne pas remanier sa formule, et propose le même level design que son aîné: un enchaînement d'arènes, puzzle niveau adibou et phases de loot, le tout dans des environnements très fermés.
On est également ici sur une formule enrichie, à savoir que les niveaux ont un peu plus de verticalité et que les puzzles sont un peu plus variés que les échelles et des caisses à pousser, et si le jeu avait été plus court cela n'aurait probablement pas été gênant plus que cela, mais ce n'est pas le cas, et plus on avance dans l'aventure, et plus les niveaux semblent s'étirer longueur jusqu'à devenir franchement ennuyeux et à nous faire pester contre le prochain combat qui se dessine.
Un autre aspect du titre vient également accentuer la lassitude: le manque de variété des lieux où se situent l'action. Si le jeu a certes la bonne idée de varier les décors intérieurs en nous proposant beaucoup de choses différentes, ces derniers sont souvent cantonnés à des phases de repos plus que de gameplay.
De plus, l’action se déroule principalement en un seul endroit, à savoir Seattle avec ses environnements urbains grisâtres finissent par devenir lassants et répétitifs sur le long terme. Finalement, c'est en arrivant à l'épilogue qu'on se rend compte que le jeu aurait gagner à nous montrer d'autres choses et à nous dépayser d'avantage.
Il faut toutefois souligner que TLOU2 s'essaie également sur le terrain d'ambiances plus horrifiques en intérieur et que cela fonctionne très bien, ces portions font clairement partie des meilleurs moments que le jeu à offrir.
Il reste un dernier point à souligner qui est la narration environnementale qui n'est franchement pas à la hauteur ce que l'on pourrait attendre. On retrouve bel et bien ci et là des vestiges de scène que l'on peut reconstituer mentalement mais elles sont presque quasi systématiquement accompagnées d'une note papier bien collée en évidence pour vous raconter l'histoire de la scène, agrémenté par votre personnage qui s'exclamera "Oh fuck, this is insane", alors que lui même a vécu et infligéles pires horreurs cinq minutes plus tôt. Mais le plus gros soucis, c'est surtout la quantité de ces notes qui rendent la démarche complètement artificielle, il n'est pas rare de ramasser au moins une vingtaine (oui une vingtaines!) de notes par chapitre...
Globalement, le sentiment qui me reste, est que TLOU2, au niveau de son level design, me semble être d'un autre temps, avec un découpage très scolaire là où d'autres essaient de proposer un peu plus d'ingéniosité. Ce n'est pas mauvais, mais pas très excitant et un peu décevant. De plus, ce level design très dirigiste, au coeur de la formule Naughty Dog depuis plus de 10 ans, ne me semble pas très pertinent vis à vis du récit qu'on essaie de nous raconter et des fameux dilemnes moraux vendus au dos de la boîte de jeu.
Un game design qui rentre en conflit avec les objectifs annoncés en ne tirant pas partie du médium
TLOU2 est un jeu qui nous fait la promesse que l'on va être mis face à des conflits moraux, que l'on va être mis mal à l'aise.
Loin d'être révolutionnaire, cette promesse est déjà la crédo d'autres jeux tels que The Walkind Dead ou encore Detroit Become Human. De manière générale, de nombreux studios se sont cassés la tête pour essayer de trouver une formule qui fonctionne et qui viennent chambouler le joueur. La constante est presque toujours la même, il faut fournir des choix au joueur et lui en faire vivre les conséquences, en le mettant face à un choix cornélien, en lui faisant vivre des conséquences inattendues, en gros en faisant en sorte que le joueur se sente impliqué émotionnellement et vive ses choix (que ceux-ci soient une illusion ou pas d'ailleurs). Sachant cela, quand TLOU2 arrive avec ses gros sabots en nous vendant qu'il s'aventure ce terrain là notre attention est piquée et c'est malheureusement là que le bât blesse.
Si la formule, très dirigiste de Naugthy Dog, me semble parfaitement appropriée à un Uncharted voire au premier TLOU, elle est en complète contradiction avec la proposition de TLOU2. Il n'est laissé aucune latitude au joueur, et aucun des choix opérés par le personnage principal ne sera influençable, on assiste juste impuissant aux scènes les unes après les autres. Timide essai de nous impliquer, nous demander d'appuyer sur carré pour déclencher une cutscene meurtrière...Alors quand vient un arc entier, pour essayer de nous faire regretter nos actes, cela ne prend pas, d'autant plus qu'en cet arc est inséré au chausse pied et coupe complètement l'aventure débutée jusque là. Le pire étant que cet aspect du jeu aurait été largement dispensable, il y avait déjà assez à boire et à manger,
la quête de vengeance et d'auto-destruction d'Ellie se suffisait à elle-même, les éléments découverts pendant la traque nous montrait déjà qu'Abby était elle aussi humaine, la scène du meurtre de Mel suffisait déjà à nous montrer que tout cela était allé trop loin
mais il n'est pas qu'un ajout sommaire, il est une volonté qui vient radicalement influencer la structure du jeu jusqu'à en ébranler l'édifice.
Une structure boursouflée qui vient amoindrir l'impact du récit
Le second plus gros problème, à mon sens, de TLOU2, est qu'il ne semble pas réussir à prendre de décisions sur ce qu'il veut raconter, non seulement, il nous raconte par moment des choses dispensables, mais pire il nous raconte des choses, qui principalement par leur agencement dans la continuité du récit, viennent, soit complètement casser le rythme, soit complètement annuler leurs effets potentiels si elles avaient été raconté à un autre moment.
On prendra par exemple certains flashbacks qui s'étirent en longueur en nous proposant une interactivité digne du futuroscope ( aller d'atelier en atelier en appuyant sur triangle) ou d'autre qui sont cruciaux pour comprendre les motivations des personnages et qui auraient pu être moteur de l'intrigue mais qui arrivent une fois l'action déroulée, nous privant complètement d'empathie pour un personnage et annulant totalement les émotions qui auraient dû découler de telle ou telle scène.
Le flashback de fin est selon moi, un échec total car il est fondateur pour comprendre le comportement d'Ellie pendant la vingtaine d'heures qui constituent le jeu... En résulte, que l'on doit suivre ce personnage et son irrationalité sans jamais que nous soient délivrées les clefs pour le comprendre.
De même, l'ordre dans lesquels se déroulent certains actes vient également amoindrir le récit et mettra la patience du joueur à rude épreuve.
Si l'arc d'Abby n'est pas désintéressant pour autant, son insertion au sein de celui d'Ellie n'est pas le bienvenu, car non seulement il coupe une confrontation qui est sensée être un point d'orgue du récit mais en plus il est très redondant, car la plupart des éléments qu'il apporte sont déjà en possession du joueur. Il aurait pu être plus pertinent, selon moi, de le garder pour après la fin du jeu, comme une sorte de bonus débloqué une fois la fin atteinte. Le joueur qui aurait alors eu soif de découvrir la trajectoire d'Abby, aurait alors eu satisfaction.
En l'état, l'un des autres gros soucis de cet opus, est qu'il prend trop le joueur pour acquis et qu'il se fermera en grande partie à vous si vous n'êtes pas un fan de la première heure.
La pari de TLOU2 repose ici en grande partie sur le fait qu'il part du principe que le joueur va réagir comme Ellie à la mort de Joel, ce qui suppose deux choses: que vous ayez joué au premier et que vous ayez un affect vis à vis de Joel, que personnellement j'ai toujours trouvé détestable. Si on a alors envie de se venger comme Ellie, être obligé d'incarner d'Abby a probablement une autre teneur, même si je ne suis pas convaincu que cela soit pertinent pour le coup d'en faire une partie aussi longue et surtout qui apporte si peu à l'intrigue principale
En fin de compte, il est fort dommage de constater un tel manque de raffinement du récit, qui aurait mérité d'être écourté pour se concentrer sur l'essentiel, d'autant que la galerie de personnages présentée est intéressante et change des standards habituels.
Des personnages intéressants qui viennent chambouler les codes du AAA
Globalement les personnages sont tous de prime abord intéressants et nous donne envie d'en savoir plus sur eux, que se soit Ellie en jeune adulte, Dina, Jesse, Joel et bien entendu la mystérieuse Abby.
TLOU2 parvient à développer des relations plutôt crédibles entre les personnages et on finit par s'attacher à eux et à craindre qu'ils ne leur arrive quelque chose, de ce point de vue là c'est vraiment une réussite.
C'est malheureusement beaucoup moins vrai pour l'arc Abby, car malheureusement on connait déjà la fin mot de l'histoire, même si son triangle amoureux avec Owen et Mel est plutôt bien écrit, sa relation avec Lev et Yara semblent beaucoup plus artificielle.
Le casting est varié et nous fait incarner et côtoyer des archétypes de personnage que l'on n'a pas l'habitude de voir dans une production de cette envergure et cela est un pari plutôt audacieux et une prise de position qui je l'espère en encouragera d'autres à sortir des personnages clichés, revus et qui ne contribuent pas à notre enrichissement personnel.
Le personnage d'Abby qui s'éloigne des stéréotypes féminins est perturbant au premier abord mais est bienvenu et je me suis surpris à avoir d'avantage d'empathie pour elle que pour Ellie dont les motivations sont dévoilées bien trop tard.
Néanmoins, je reste tout de même un peu plus perplexe quant au traitement psychologique de certains personnage, car si tous sont exposés au même degré de violence, certains y semblent étrangement immunisés tout en nous étant présentés comme très humains, ce qui ne m'a pas semblé très crédible.
Si la réaction d'Ellie semble disproportionnée sans toutes les clefs pour la comprendre, Abby, elle au contraire, semble s'accommoder de la violence un peu trop facilement. Il sera rapidement évoqué quelques cauchemars, mais je reste persuadé que tuer un homme de sang froid, vivre manifestement dans une haine dévorante depuis quatre ans, ne peut pas laisser indemne et sa rédemption m'a paru bien artificielle, là où je m'attendais à ce qu'on l'a retrouve aussi dévastée qu'Ellie, confirmant ainsi le propos du jeu, que cette haine animant les deux jeunes femmes, ne contribuaient qu'à alimenter leur auto-destruction.
L'ensemble de ces personnages est donc plutôt réussi et sublimé par une technique maîtrisée, comme Uncharted 4 avait déjà pu nous le prouver auparavant.
Une technique maîtrisée
Comme à son habitude, ND nous fournit du grand spectacle avec une modélisation de personnage réaliste et un rendu graphique qui pousse clairement la ps4 dans ses derniers retranchements. Le jeu tourne plutôt bien, à 30 FPS, sans baisse de fluidité et le tout avec un uniquement chargement en début de partie, ce qui permet beaucoup de confort surtout lorsque l'on décide de recharger un checkpoint.
Le jeu a également la bonne idée de proposer énormément d'options d'accessibilité pour permettre aux personnes malentendantes ou malvoyantes de profiter de l'expérience, ce qui est un engagement qui mérite d'être souligné et espérons-le, fera des émules dans l'industrie, ce qui sera probablement le cas vu la tendance actuelle.
Conclusion
En conclusion, TLOU2 est un jeu très/trop classique dans ses mécaniques et son level design, et qui semble avoir du mal à définir ce qu’il veut transmettre. Il se prend en effet les pieds dans le tapis à plusieurs reprise à vouloir multiplier les essais pour surprendre le joueur et à essayer d'être subversif. En résulte une histoire boursouflée, qui peine à délivrer des intentions claires et qui tombent souvent dans l’artificialité et la surenchère pour essayer de provoquer une réaction émotionnelle.
Cette suite semble également faire cas d’école, qu’un récit seul ne suffit à délivrer une expérience de jeux vidéo cohérente, si les moyens, à savoir le game design, ne sont pas mis à contribution pour impliquer le joueur : on ne peut pas promettre des dilemmes moraux d’un côté et ne pas offrir de choix à celui qui tient la manette de l’autre.
Le plus décevant reste que, selon moi, en agençant certains éléments du récit autrement, et en le raffinant il est tout à fait possible de délivrer une expérience beaucoup plus réussie de l’ensemble.
La quête de vengeance autodestructrice d’Ellie, tout simplement, sans plus de fioritures.
Malheureusement TLOU2 restera cette somme de parties inférieure à l’ensemble des parties qui le constituent.