Lorsque l'on entend parler de Link's Awakening, nombreuses sont les qualités évoquées. Le gameplay, le sentiment de progression, les graphismes (pour l'époque) ou encore ses musiques.. Mais aucune des choses citées précédemment ne sont la raison de cette critique ou de mon appréciation du jeu.
Certes, le gameplay est simple mais efficace, la difficulté bien dosée et le sentiment de progression à travers l'acquisition des différents objets est réussie, mais la qualité qui m'a le plus marqué dans cet opus est son histoire.
Link, suite à un naufrage, atteri sur l'île Cocolint et devra pour s'échapper réunir 8 instruments afin de réveiller le mystérieux "Poisson-rêve" et rentrer chez lui.
Une histoire à priori très simple et qui, semble t-il, sert juste de prétexte pour pouvoir dérouler le gameplay et ses mécaniques de jeu ainsi que, il faut le reconnaître, quelques fastidieux donjons..
Cette histoire de Poisson-rêve est néanmoins un leurre, car au réveil de ce dernier toute l'île et ses habitants disparaîtront purement et simplement. Et c'est LÀ que l'histoire démontre toute son intelligence et sa profondeur.
Mon interprétation en est la suivante :
Link's Awakening est le premier épisode de la série des The Legend of Zelda dans lequel Zelda, justement, n'est PAS présente. Pas plus que le royaume d'Hyrule ne fait parti du décor.
On se retrouve donc sur l'île Cocolint, petit paradis rural où vivent quelques sympathiques habitants et parmi eux la gentille Marine, jeune femme simple (dans toute la noblesse que peut revêtir le terme) au coeur pur et aimant chanter pour autrui, y compris pour les animaux; laquelle dénote complètement de l'inexpressive et hautaine Zelda.
À travers quelques simples interactions comme la fameuse ballade du Poisson-rêve ou une cinématique dans laquelle elle nous explique, en observant des mouettes voler au loin, qu'elle aimerait devenir l'une d'elle pour pouvoir explorer le monde et vérifier son intuition selon laquelle il existe, peut-être, quelque chose au delà de la vaste mer qui entoure l'île.. Marine devient rapidement un personnage attachant et démontre également qu'il n'y a pas besoin de grands développements psychologiques ou d'exposition scénaristique dense pour donner de la profondeur à un personnage ou le rendre inouabliable.
Cette notion là a un intérêt tout particulier dans ma critique car Cocolint paraissant être un endroit "en dehors du temps" (et donc, de la licence Zelda), il y a un aspect onirique qui s'en dégage et m'amène à expliquer en quoi je pense que Link's Awakening est probablement le jeu qui casse le quatrième mur avec le plus de subtilité et d'intelligence (exercice extrêmement difficile lorsqu'il n'est pas couvert par de l'humour !) que j'ai pu voir dans le monde du jeu-vidéo.
Toute la quête de Link repose sur la collecte des huits instruments afin de s'échapper de l'île et de pouvoir continuer son périple initial, lequel le ramènera à sa quête originelle qui est de sauver la princesse Zelda (les premiers mots de Link à son réveil étant d'ailleurs de confondre Marine avec cette dernière), en somme.. terminer l'aventure de Cocolint signifie qu'il doive avancer et passer à autre chose, cette île n'étant qu'un apparté dans sa vie et subtilement aussi dans la nôtre.
Je vois surtout dans cette histoire de Poisson-rêve une métaphore du rapport entre le joueur et le jeu lui-même.
On se réveille à Cocolint et on en apprécie tous les recoins, on récolte des rubis en fauchant des herbes, on joue au mini-jeu de la pince, on se promène, on tue des monstres, on récolte des quarts de coeur, on écoute Marine chanter... Les heures passent et l'on finit par être, comme dans tout bon jeu vidéo, dans une petite bulle onirique de laquelle il faudra sortir une fois le jeu terminé.. Mais, lorsque la ballade du Poisson-rêve survient, il faut que le dormeur se réveille et en sortant de sa torpeur tout un monde s'évanouit.
Le Poisson-rêve EST le joueur, car l'éveiller est la toute dernière chose à faire et signe la fin du jeu et avec elle la fin de l'île Cocolint et de tous ses habitants.. Chaque rubis ramassé, chaque monstre abattu, chaque flèche tirée, chaque pot soulevé puis cassé, chaque coeur perdu, chaque mur explosé, chaque coup d'épée ou rayon laser dévié, chaque boss vaincu, chaque fée capturée dans un bocal puis relâchée, chaque note de musique sortie de la bouche de la douce Marine.. Toutes ces choses, une fois le jeu terminé et la console éteinte, s'en vont vers notre oubli pour ne devenir qu'un lointain rêve dans lequel nous avions vécu une énième aventure vidéoludique.
C'est pourquoi, humblement, Marine, petit amas de pixel onirique, nous demande de n'oublier ni sa ballade, ni elle.
Alors, quand vous aurez un peu de temps, n'oubliez pas de chantonner la ballade du poisson-rêve. :)