Le Zelda qu’à l’époque tout le monde attendait (Et c’est bien là tout le souci...)

Finalement tout est dit dans le titre de cette critique.


Alors j’ai conscience qu’affirmer cela peut paraître assez contradictoire. Après tout, les attentes pour une licence telle que « The Legend of Zelda » sont tellement fortes qu'on devrait applaudir des deux mains le fait que ce « Twilight Princess » ait su, à son époque, répondre aux attentes !


Seulement voilà, je pense qu'en acceptant qu'un épisode de la saga Zelda soit exactement ce qu'on attendait de lui, on passe à côté de ce qui a fait - et fait encore aujourd'hui - la puissance de la saga : c'est cette capacité qu'a chaque nouvel opus de se poser en tournant, voire en révolution, soit par rapport à la saga elle-même, soit carrément par rapport au monde du jeu vidéo en son entier.


Découvrir un Zelda, pour moi c’est plus que partir à l’aventure d’Hyrule. Après tout, ce monde on le connaît bien et on est désormais rompu à cette intrigue pour le moins dépouillée de preux chevalier partant à la rescousse de la princesse en danger. Pour moi, découvrir un Zelda c’est surtout partir à l’aventure d’un nouveau type de gameplay ; d’une nouvelle philosophie de jeu ; d'un nouvel univers d'expériences inédites. Or, de ce côté là, « Twilight Princess » fait vraiment grise mine. Et le pire, c'est qu'il a carrément été pensé comme cela…


Je me souviendrai toujours de ce trailer sorti pour le lancement du GameCube à l’E3. On y voyait une version liftée du Link d’ « Ocarina of Time » lutter contre Ganon. C’était un appât technique qui n’avait rien à voir avec ce qu’allait être par la suite le Zelda du Gamecube : le fameux « Wind Waker ». Seulement ce trailer là avait nourri beaucoup de fantasmes et nombreux furent ceux qui s'étaient sentis spoliés par l'aventure maritime alors proposée. Ainsi, ce fut presque dans une logique de réparation que Nintendo semble s'être résolu à sortir trois ans plus tard ce « Twilight Princess » : un épisode ouvertement pensé comme une sorte d'« Ocarina of Time » réajusté en fonction de son époque.
Un épisode terriblement conformiste, aux antipodes de la démarche des précédents opus...


Alors après est-ce que ça en fait pour autant un mauvais Zelda ?
Bah non, c'est vrai.
Ça reste du Nintendo. C’est efficace. Et ça peut même se prévaloir d'exprimer une certaine singularité.
Le visuel tourné autour de lumières crépusculaires est très élégant pour de la Wii.
De même, la structure d’ « Ocarina of Time » a été reprise et ajustée. Les leçons du passé ont été retenues. Un bel effort notamment a été fait pour habiller l’intrigue entre les donjons (mention spéciale d’ailleurs pour la manière avec laquelle le jeu amène le donjon des « Pics Blancs ». Très bien intégrée à l’intrigue. Franchement bravo…)
L’écriture est moins décousue. L’univers général craint moins d’opérer une tournure plus ambivalente, moins enfantine. On assume même quelques esthétiques malaisantes, un peu dans la lignée de « Majora’s Mask »…
Bref, sur le papier, le travail est propre et sérieux, et je comprends parfaitement qu’on puisse se retrouver dans ce jeu. D’ailleurs, bon-an-mal-an, je l’ai parcouru sans trop de déplaisir, d’où ma note de 6/10 qui est, somme toute, une note positive…


« Mais alors il est où le problème ? » me diriez-vous.
En quoi est-ce un si gros souci de jouer la carte du classicisme si c'est pour en jouer aussi bien ? Je fais le blasé ou quoi ?
Peut-être…
Mais pas totalement non plus !
Car l’avantage que j'ai eu à écrire cette critique avec douze ans de recul (2006 - 2018) c'est que j'ai pu confronter mon ressenti longuement mûri aux épisodes qui ont suivi. Or moi, quand j’observe comment ont été accueillis (bien différemment) les deux successeurs de ce « Twilight Princess », j’ai nommé « Skyward Sword » en 2011 et « Breath of the Wild » en 2018, je trouve que ça dit quand-même pas mal de choses sur les traces laissées sur la saga par ce « Twilight Princess ».


Rappelons-nous ce qui se disait au sujet de « Skyward Sword » !
On disait qu’il était un jeu qui montrait les limites de la saga. Que celle-ci commençait à tourner en rond.
Par contre, qu'a-t-on dit au sujet de « Breath of the Wild » ? Qu’il a su renouer avec les grands titres de la franchise et cela justement parce qu’il avait su la dépoussiérer et la réinventer…
Moi quand je prends ces deux seules informations en considération j’ai tendance à dire : « CQFD ».
Zelda est une saga mythique quand elle se réinvente en permanence.
Or, pour moi, ce « Twilight Princess » est le point de départ de la lassitude.


Sur le coup, tout le monde a été content parce qu’il a eu ce qu’il a voulu. Mais après, comme un spectateur qui en a marre de se bouffer dix fois le même « Avengers », la répétition a vite fini par gonfler.
Or, je suis désolé, mais dans la chaîne de la répétition, tous les maillons comptent, y compris le premier épisode qui se contente de copier sans innover.
Et ce premier maillon, avant « Skyward Sword », c’était « Twilight Princess ».


Alors ça peut sembler vide d’argument que d’annoncer les choses ainsi. Mais dans les faits, c’est ce que j’ai ressenti en jouant à ce jeu, déjà en 2006.
Un bon Zelda certes, sur lequel j'ai d'ailleurs passé une cinquantaine d'heures et que j'ai fini non sans un certain plaisir.
Mais un épisode qui ne m'a laissé aucune marque, avec extrêmement peu de souvenirs. Un épisode que je n'ai d'ailleurs jamais eu envie de me refaire... Jusqu'à ce que la curiosité me reprenne subitement en 2020.


Bah oui, c'est qu'avec le temps j'ai voulu savoir.
Il fallait que je sache si finalement je n'avais pas été un peu trop cruel avec un jeu qui, bien que fort conventionnel pour l'époque, n'en reste pas moins un ouvrage disposant de solides atouts.
Je me suis relancé dans une nouvelle épopée - d'une cinquantaine d'heures également - et cette expérience fut pour moi des plus intéressantes car elle est venue me confirmer tout le problème qu'il y a pour un jeu à se montrer trop conventionnel.


Alors certes je retirerais comme satisfaction de cette nouvelle session de 2020 les habiles constructions que constituent les donjons. Ils sont particulièrement réussis et variés dans cet épisode (avec néanmoins un gros bémol sur le Palais du Crépuscule et le Château d'Hyrule qui manquent tous deux cruellement d'intelligence et de renouvellement). De même, je confirmerais aussi cette idée d'un opus exigeant artistiquement et globalement réussi.


Néanmoins, m'ait très vite revenu aussi cette impression de revivre sans cesse le même parcours, avec les mêmes univers dans les mêmes lieux. La forêt d'abord, la montagne de la mort ensuite et puis le domaine zora enfin... Déjà qu'en 2006 je trouvais que ça faisait bien trop décalqué sur « Ocarina of Time », mais alors autant dire qu'après avoir joué à « Skyward Sword », l'effet n'en est que davantage saisissant.


D'ailleurs, puisqu'on parle de « Skyward Sword », il y a aussi au niveau du gameplay à la Wiimote que cette nouvelle partie de « Twilight Princess » est parvenue à réveiller en moi de bien mauvais souvenirs. Parce que bon, quand il s'agit de faire semblant de jouer au tennis avec les copains, le motion gaming c'est drôle. Par contre quand il s'agit de se plonger dans un gameplay riche et complexe, c'est très vite limité. Entre le joystick du Nunshuk qui est parfois capricieux et la Wiimote qui peine à être reconnue sur l'écran, ça transforme certaines phases délicates en petits moments de purge vraiment irritants. Ce n'est pas du niveau de pénibilité de « Skyward Sword » car « Twilight Princess » sollicite beaucoup moins le motion gaming, mais ça pèse quand même dans le plaisir relatif qu'on prend à jouer.


Mais surtout, ce qui m'a surpris au cours de ma dernière partie c'est la dimension assez mécaniste que prend trop souvent le jeu. Et si la sensation ne dérange pas dans les donjons car la dimension de puzzle labyrinthique de ces phases s'y prête parfaitement, j'ai par contre été beaucoup plus gêné par tous ces moments qui ne semblaient là que pour rallonger la sauce : téléportations d'objets anecdotiques, gameplay en loup au fond très pauvre et parfois clairement de trop (notamment lors de ces moments où on peut / doit switcher toutes les dix secondes...) et surtout ces collectibles que j'ai trouvés un peu trop nombreux et pour le coup bien trop accessoires (les fragments de coeur ça passe encore, mais les âmes de spectre et les insectes beaucoup moins...)


Tout ça au fond a fini par me ramener à cette même conclusion qu'en 2006 et 2018 : certes c'est un épisode efficace et bien ficelé, mais finalement peu marquant et presque fade...


Alors oui, pas de quoi fustiger ce titre, il est vrai (d'ailleurs je ne le fustige pas tant que ça car je lui mets un gentil 6/10), mais moi ça me déprime de considérer un Zelda comme un simple produit d’usine. « Oui c’est bien ficelé, c’est vrai. Maintenant, next. »
D’ailleurs – et c’est tout le paradoxe – je garde beaucoup plus de bons souvenirs de « Skyward Sword » alors que c’est un épisode techniquement, narrativement et architecturalement beaucoup plus discutable et contestable que de ce « Twilight Princess ». Parce que moi je préfère encore un épisode qui tente quelques trucs quitte à les foirer qu’un épisode qui n’échoue sur rien parce qu’il n’a rien tenté.


Alors après c'est vrai : les fans de l’époque auront été contents. Peut-être quelques rétro-gamers s’y retrouveront. Mais pour moi, le crépuscule de ce « Twilight Princess » s’est vite transformé en nuit sans lune…

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le 26 août 2018

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