Le jeu vidéo indépendant se constitue aujourd'hui comme une véritable source frénétique de petites productions plus ou moins audacieuses et ce depuis la fin des années 2000. La conséquence est une surabondance de titres qui cherchent à se hisser plus aux que les autres en proposant un concept, une idée, un visuel, ou à jouer sur la corde sensible des gamers (ça c'est nous). La nostalgie est une arme contondante, elle frappe de plein fouet et amène souvent émois et enchantements. Elle est souvent malheureusement usée à mauvais escient pour mieux attirer les potentiels acheteurs. Il faut se méfier, se méfier des jolis pixels, des musiques 8-bits et des titres qui surfent sur le succès d'un titre antérieur. (vous savez tout ces clones pourris de Super Meat Boy ?). The Messenger fait toutefois parti de ces rares jeux qui réemploient adroitement cette fibre nostalgique.


Le jeu sort de chez Sabotage Studio, premier titre de ces développeurs franchement talentueux dont j'ai déjà hâte de voir les prochaines productions. La force de The Messenger est de réutiliser le modèle Ninja Gaiden/ Shinobi pour en tirer à la fois une reconsidération des poncifs rétro du style et ainsi mieux surprendre le joueur, qui peut-être ne venait dès lors que pour ressentir les frissons expérimentées autrefois aux commandes d'un ninja acrobate. Plus qu'une inspiration, le jeu sait tirer parti de ce modèle, du side -scrolling, et d'un game-design très adroit pour donner plus de légèreté et d'accessibilité à une formule vieillotte (parce que Ninja Gaiden et shinobi, globalement, c'est hardcore et pas forcément très populaire). Notre héros, avatar, se manie parfaitement bien et l'utilisation intelligente des ennemis, de leurs projectiles et de l'environnement est faite pour mieux ressentir une sensation de maitrise progressive du jeu. ça se fait naturellement par l'ajout de nouveaux challenges et capacités au fur et à mesure de l'aventure ressemblant de loin au modèle d'un vieux Castlevania.


En l'état cela aurait pu être un bel hommage maitrisé, teintée d'une narration pas trop agressive et très amusante (les dialogues sont savoureux et bourrés de références) avec des environnements très classiques mais efficaces (on change pas une équipe qui gagne : Forêt, caverne, marécage, environnement de lave, puis de glace et les ruines anciennes... Vous voyez le tableau !). L'ensemble se joue et se suit avec beaucoup d'amour et d'humour jusqu'au "plot twist" du jeu :


L'idée surprenante derrière ce titre qui vaut tout les saluts du monde est de mettre en place un système de jeu totalement différent arrivé au milieu de l'aventure. On passe de l'action plateformer en side-scrolling à un Metroidvania teinté d'une nouvelle idée de gamedesign très audacieuse : utiliser un saut dans le temps pour modifier le level-design. ça se fait aussi bien de manière auditive que visuel (on passe du 8-bit au 16-bit). C'est très intelligent mais c'est globalement mal fait. ça donne une sensation de fait à la vite en demandant parfois beaucoup d'aller-retours pour rien d'autant que l'on doit ré-explorer des pans entiers de niveaux déjà parcourus pour accéder à de nouvelles zones. Et ne parlons pas des phases en shmup posées là histoire de dire "regardez ! on a mis du shoot pour vous faire plaisir ! c'est bien non ? Non. C'est moisi. Sans parler de certains éléments Metroidvaniesques mal gérés (nouveaux pouvoirs inadéquats, utilisation de la carte (particulièrement laide) très bof...)


Ce plot twist, ainsi, impliquant changement d'ambiance et de game-design est donc très surprenant. C'est une idée intelligente et qui surprend en bien au départ mais qui montre si vite ses limites, allongeant inutilement l'aventure avec des phases de jeux inappropriés et mal fichues. Un jeu qui au lieu de prolonger, d'améliorer, de marquer l'essai avec ce qu'il proposait initialement décide d'un coup de devenir un pot-pourri de pleins de choses sans toutefois maitriser les errances de game-design qu'il souhaite emprunter. Parce que, roulement de tambour, ce n'est pas adapté au gameplay d'un jeu à la Shinobi. Le jeu parvenait déjà à s'en affranchir brillamment dès le départ avec en prime , un peu d'humour ! Ce qui aurait être l'un de mes coups de cœur de 2018 s'est malheureusement employé à rester un jeu "juste" réussi, audacieux mais se perdant en cours de route. Dommage !

Bohr
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le 19 avr. 2020

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