The Outer Worlds est un shooter passable avec une excellente technique, une direction artistique variable, et une écriture médiocre.


Imaginez un parc d'attractions, orienté autour de la critique du capitalisme et de ses dérives, où les acteurs vous débitent caricatures et autodérision à tour de bras, et où les principaux antagonistes, génériques, sont moins écrits que la chair à canon d'un Borderlands, et ne sont là que pour vous servir de cible. Où les systèmes en place vous font penser que vous allez vraiment pouvoir façonner un spécialiste, favoriser des factions, approcher des missions sous différents angles, avant de vous rendre compte qu'aucun de ces éléments n'est réellement utilisé. Où l'arc narratif peine à décoller et ne crée aucun enjeu, faute d'opposer un antagoniste crédible, nuancé, développé, comme l'ont pu l'être Richard Grey, Darth Traya, ou même la Légion de César.


The Outer Worlds est manifestement arrivé pour combler un vide dans le calendrier. La checklist est validée, mais le budget limité se ressent à tous les niveaux. Les jauges de réputation sont là, mais elles ne servent à rien : elles n'ont aucun impact, à part faire varier les prix et débloquer de l'équipement dans les distributeurs. Aucune porte ne se ferme vraiment, et on se retrouve à bosser pour un peu tout le monde, sans une once de réactivité de la part des PNJs. Les dialogues à branches sont là eux aussi, mais les choix proposés sont beaucoup plus binaires qu'à l'accoutumée, et de toutes façons, vous passerez une grande partie du temps à buter la faune locale ou des pillards anonymes. Pas question ici d'aller parlementer pour libérer des esclaves, de négocier une trève, ici on attaque à vue et seule une poignée de situations vous permettra d'éviter la baston avec un beau parler. Et c'est d'ailleurs de toutes façons la solution la plus simple : le monde dégueule de loot, et une fois qu'on a compris comment fonctionne l'équipement et qu'on l'améliore comme un goret (pas de limites), même le niveau de difficulté le plus élevé ne représente plus un obstacle majeur. Toutes les compétences ont une utilisation en combat, même les compétences de dialogue, et vous avez même de quoi réinitialiser vos points dans votre vaisseau...


Pour les quelques choix que vous ferez, et qui ne consisteront pas à sortir un flingue, vous aurez une petite tape sur l'épaule si ce que vous tentez de faire n'est pas le choix le plus moral envisagé par le narrative designer. La question n'est pas tant de vouloir à tout prix incarner un salaud, mais de savoir que l'on en a la possibilité, tout en agissant autrement. Au lieu de ça, les missions sont construites de façon simlpliste, avec en général deux "mauvaises" solutions et une alternative, un compromis à découvrir, permettant de tirer un profit raisonnable tout en n'offusquant personne, qui sera placé sur le chemin critique et qui ne vous demandera pas de réelle recherche, de réelle créativité.


Parfois, la mise en scène est très réussie. Elle vous fait croire que quelque chose de nouveau est en train de se construire. Je me souviens d'un avant-poste vide, jonché de cadavres, avec des portes éventrées et des corps dévorés, où seule une machine, follement dénuée de conscience, brisait le silence en écrasant inlassablement le corps d'un animal qui l'empêchait de reprendre son travail. Sans forcément vouloir plonger dans une expérience horrifique, je pense qu'il y avait là l'occasion de tenter un truc, au moins de la même trempe que l'atmosphère oppressante de la station de Peragus (même si j'ai l'impression d'être le seul à l'avoir aimée). Mais j'ai sorti les flingues, comme d'habitude. Encore que, j'ai oublié de dire qu'il y a aussi de l'infiltration, mais en dehors du fait qu'elle est beaucoup moins cassée que celle des Elder Scrolls (c'est dur de faire pire), elle n'a rien de novateur ou d'ambitueux, c'est le même modèle utilisé depuis une vingtaine d'années.


Le scénario manque cruellement d'intérêt et d'enjeu. Pourquoi aurais-je envie de sauver ces mondes remplis d'aliénés tous plus nuls les uns que les autres ? A la limite, les deux seuls groupes qui valent la peine d'être sauvés s'en sortent déjà plutôt bien. Cerise sur le gâteau, une mission secondaire nous met sur la piste d'un plan de guérison plus général de la colonie, annihilant tout intérêt pour la mission principale avant même que celle-ci ne se termine. J'espérais vraiment qu'à un certain point, le twist arrive et redistribue les cartes, mais rien n'y fut. L'influence néfaste du Board est palpable, mais il n'y a personne de valable pour incarner cette menace, et la jauge de "mauvaise" réputation se remplit inutilement.


Certains compagnons ont une histoire sympa à raconter, d'autres sont totalement transparents et creux, et les interactions entre membres d'équipage sont présentes, mais anecdotiques. Ils passent leur temps à évoquer des anecdotes ou des films fictifs, et personnellement, ce qui est rentré par une oreille est ressorti par l'autre.


S'il y a vraiment un point sur lequel brille le titre, par contre, c'est bien sur ses qualités techniques. Même si l'on est pas face à un monde ouvert gigantesque, le tout est fluide, réactif, et très agréable à regarder. La direction artistique est un peu plus... discutable, dans le sens où elle combine de l'originalité, de très belles réalisations, des illustrations inspirées d'affiche de propagande réussies, mais qu'on a déjà vu partout (même si Fallout était pionnier dans le genre, la tendance s'est banalisée avec Bioshock), et parfois, un mélange de genres immonde qui mélange boue, méthane, couleurs criardes et art déco.


Je n'ai pas grand chose à reprocher à la bande son, au contraire, mais en la réécoutant, je ne fais aucun lien émotionnel. J'ai juste le vague souvenir d'avoir buté tous les bandits d'une planète plutôt jolie, d'avoir vadrouillé de petites zones en petites zones dans mon vaisseau tout vide et un peu laid, et d'avoir vidé une planète très moche de tous ses insectes, avant d'enchaîner les gunfights dans des couloirs. Les combats sont corrects. Le système de ralenti fonctionne très bien, avec la distorsion sonore qui l'accompagne. Il fonctionnerait même bien mieux que le VATS de Bethesda, si pour le coup, les compétences des compagnons ne déclenchaient pas une animation de quelques secondes et un changement de caméra (et si accessoirement, ils ne plaçaient pas ces derniers en première ligne).


The Outer Worlds devait certainement exister pour faire un bras d'honneur à Fallout 76. Pour prouver qu'Obsidian est capable de produire sa propre base tech et design, de jouer dans la cour des grands, et très certainement d'être capable de produire du contenu de qualité, avec du temps et des ressources.


Mais je ne vois pas de raison d'encenser le titre lui-même. J'avoue que le trailer à base de coolitude et de musique pop m'avait mis sur mes gardes (c'est la signature des jeux pourris pour moi). Ce n'était pas non plus une torture complète, mais je suis sûr que le verdict aurait été différent si les habitants d'Halcyon m'avaient donné une raison d'en avoir quelque chose à foutre*.


D'ici la fin de l'année, tout le monde aura malheureusement oublié cet épisode. C'est sans doute même déjà fait.


J'en suis même venu à me demander s'il y avait une seconde lecture, si ce scientifique fou était Chris Avellone (je sais pas, un air de famille...), le game designer et écrivain parti en solo, chercheant à décongeler des développeurs "purs", tandis que le board représenterait Zenimax, et les colons, le joueur moyen, empoisonné lentement par la bouffe locale que seraient les productions de merde.

Makks
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le 26 avr. 2020

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