Très bien écrit avec une satire très drôle du capitalisme. Un worldbuilding simple, coloré et très sympathique. Des personnages avec du potentiel. Un gameplay fluide et bien huilé. Et pourtant... toutes ces choses ne concordent pas pour créer un tout qui vaut plus que la somme de ses éléments.


Le scénario : on est projeté dans le monde avec pour but de sauver les autres membres de notre vaisseau en cryosommeil. Ou pas. Ca aurait pu être intéressant si 1) on avait un aperçu de sa famille ou amis à sauver 2) on avait un aperçu de possibilité de jeu après qu'ils soient réveillés, plutôt qu'une fin comme on s'en doute 3) on voulait sauver qui que ce soit dans cet univers pour des raisons affectives. Malheureusement le jeu se repose un peu trop sur son worldbuilding déjanté et néglige des éléments narratifs clefs qui devraient pousser la motivation principale du joueur.


Les personnages : Ils suscitent autant d'empathie que l'on pourrait avoir pour un collègue de bureau qu'on croise une fois par semaine à la cantine. Si certaines de leurs trames personnelles peuvent être intéressantes (Max qui réalise que sa religion est bidon, ADA qui explore ses sentiments de machine vis-à-vis du feu Capitaine Hawthorne), d'autres sont assez usantes (Parvati qui veut sortir avec la mécano du mégavaisseau et qui n'arrête pas de déblatérer dessus, Félix qui n'a rien à faire de sa vie alors décide d'être rebelle contre tout et devient désillusionné quand il se rend compte que même ses copains sont pourris, la plus vieille histoire du monde).
Ces personnages ont des aspirations et un vécu - mais ils semblent être à la fois tout le monde et personne, des rouages enfermés dans des clichés qui rejoignent l'équipage parce qu'ils sont désoeuvrés plutôt que par contrainte ou par affection, ce qui rend leur présence futile. Ils révèlent au joueur leurs passifs en pavé de texte bien narrés, à la première interrogation ou presque.


Pour un jeu qui s'appelle "Outer Worlds", le monde semble petit, chaque planète se résume a un ou deux lieux, très similaires d'aspect, avec quelques points clefs. Décor foisonnant qui n'est pas pour déplaire, mais un peu fatigant. On s'attend à une pluralité narrative, mais le jeu est rigoureusement binaire, même s'il faut choisir entre gris et gris plutôt que noir et blanc.


Spontanément, je compare ce jeu à KOTOR, le OG. Je passe sous silence Mass Effect, imbu de lui-même et ronflant, et Fall Out, trop sale et solitaire. La première chose que fait KOTOR après le tutoriel c'est de mettre le joueur dans une position où il doit gagner la confiance de Carth, qui le suit mais refuse de se confier et le force presque à accomplir la mission principale pour servir ses propres intérêts politiques. Pour Carth, le joueur est un soldat de très bas étage et il est son supérieur hiérarchique, donc il n'a pas à lui donner plus d'informations que strictement nécessaire. A l'horizon de cette première mission, retrouver Bastila, qu'on a hâte de découvrir puisque Carth est si préoccupé, mais aussi parce qu'il ne la porte pas dans son coeur. Une fois qu'on l'aura retrouvée, on sait pourtant que le jeu ne fait que commencer - Bastila semble nous prendre de haut, son rôle est si important qu'elle peut à elle seule changer le cours d'une guerre interstellaire - lui parler seulement semble à ses yeux une perte précieuse de son temps. Le jeu fait bien comprendre au joueur qu'il n'est qu'un infime rouage dans l'univers de quelqu'un d'autre, et d'ailleurs on ne lui demande son avis ni sur la guerre ni sur sa volonté de sauver le monde - tous les personnages l'instrumentalisent juqu'à ce que le joueur inverse la dynamique de pouvoir.


Comparez maintenant au savant fou qui annonce d'emblée au début du jeu qu'il faut sauver des gens endormis sur un vaisseau, ce qui revient à sauver le monde, annonçant la ligne de mire du jeu en entier. Parvati nous rejoint parce qu'elle était dans le coin, puis fini par vouloir rester car il n'y a rien à faire dans sa petite ville pourrie. Pareil pour Félix, mais aussi pour Ellie. Max seul semble être motivé par quelque chose de plus grand que lui-même et son tempéramment colérique promet d'être intéressant, malheureusement pour lui il est assez moche et manque de charme pour qu'on lui pardonne d'être visqueux et infecte.


En somme un peu raté, mais je tenterais bien Outer Worlds 2 s'ils ont appris de leurs erreurs.

Diaboloque
5
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le 12 déc. 2021

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Diaboloque

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