La Carie
The Quarry est la deuxième grosse production du studio Supermassive Game. Après l’excellent Until Dawn en 2015 qui définira l’identité de leur future production, les développeurs n’ont pas chômé,...
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le 8 août 2022
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Chose exceptionnelle, je réécris entièrement ma critique de The Quarry après avoir refait le jeu à l'occasion de la sortie récente de la VOST, qui était inexplicablement absente à son lancement il y a bientôt deux mois. Pas pour être plus gentil, non. Au contraire. Parce que je l'ai refait, le Supermassive, en tous cas j'ai essayé, mais je n'ai pas tenu deux heures. Ce jeu est une abomination tout droit sortie du septième cercle des enfers, pour laquelle j'ai eu un inexplicable élan de tolérance la première fois en lui collant ce que je réalise aujourd'hui être un bien trop généreux 4/10. Il est temps de réparer cette erreur, non sans remercier les deux personnes m'ayant généreusement liké sur la première version de cette critique.
Petit laïus obligatoire sur ma passion des jeux d'horreur et l'amour inébranlable que je voue à Until Dawn, premier (et seul vrai bon à ce jour) jeu du studio anglais Supermassive. Sortie en 2015, cette exclu PS4 est aujourd'hui encore le prototype de l'excellent film interactif AAA. Chouettes personnages, chouette mise en scène, tension permanente, choix qui comptent et gore par brouettes : après vérification récente, Until Dawn n'a pas pris une ride et continue d'éclater la quasi-totalité de la concurrence dans ce genre très spécifique (à l'exception peut-être des meilleurs Walking Dead de Telltale, mais bon, on ne va pas demander la lune non plus). Pour une raison simple, ou plutôt deux : une vraie maîtrise de la grammaire cinématographique d'une part, et une implémentation intelligente de la dimension interactive d'autre part. Un long shot ininterrompu de sudation, d'effroi et de compassion folle envers une galerie de victimes de slasher classiques mais bien campées, où l'horreur guette dans chaque recoin de cette baraque sombre prise d'assaut par une menace invisible.
Dans The Quarry, l'horreur guette aussi dans chaque recoin de cette baraque sombre prise d'assaut par une menace invisible. Ca tombe bien, les personnages sont les mêmes aussi. A une différence près : ils sont horriblement cons et mal écrits. Pourtant encore une fois incarné par des acteurs tous plus classe les uns que les autres (cette fois-ci : Ted Raimi d'Evil Dead, Lin Shaye d'Insidious, Skyler Gisondo vu chez Paul Thomas Anderson, Grace Zabriskie chez David Lynch... un festival, au sens littéral du terme), l'intégralité du cast de The Quarry n'a à proposer que des remugles de dialogues constipés et aléatoires qui semblent sortis d'un générateur procédural de répliques de nanar. En VF, je tolérais certaines bizarreries en me disant que les traducteurs avaient fait ce qu'ils avaient pu ; eh bien non, car la VO est tout aussi mal lotie. J'imagine que chacun des acteurs a dû se demander ce qu'il foutait là en silence avant de ramasser son chèque tant la moindre ligne de dialogue est vide de sens et de saveur, à l'exception d'une minorité de scènes complètement noyée dans l'océan de médiocrité sur lequel vogue le nouveau Titanic de Supermassive. J'ai l'impression d'avoir râbaché des dizaines de fois tout ce qui n'allait pas dans la caractérisation de notre bande d'animateurs de colo de vacances (spoiler : ce n'est pas qu'une impression), et j'arrive à court de venin. Tout ce que je suis capable de dire, désormais, c'est qu'aucun adulte sensé ne confierait le moindre gosse à ce collectif d'attardés mentaux incapables de faire la différence entre un ours et un loup, qui amputent un membre parce que ça picote dans le bras ou qui enroulent leur pote sorti de l'eau glacée dans une couverture en lui laissant ses fringues. Je n'en pouvais plus, lors de mon deuxième run, de les revoir commettre les mêmes conneries et débiter les mêmes aphorismes stupides (dont celui, involontairement culte, d'affirmer "c'est sans doute normal" (sic) à la vue d'une créature mi-homme, mi-loup).
Je n'en pouvais plus, non plus, d'essayer de les faire dévier de leur bêtise. Contrairement à Until Dawn et de façon plus proche des jeux de la Dark Pictures Anthology, The Quarry nous impose à chaque minute un choix systématiquement illusoire, où l'input du joueur n'a aucune importance. Invariablement la structure sera la suivante : un seul choix est prévu pour faire avancer l'histoire, et si le joueur sélectionne l'autre, le jeu l'ignorera pour un prétexte aléatoire (un personnage va juste refuser, ou accepter mais faire le contraire, ou une cinématique arrive qui brise l'utilité du choix et fait repartir l'histoire sur des enjeux complètement différents). Ce système a un nom assez simple, ça s'appelle de l'arnaque. Même les jeux Quantic Dream n'osent pas aller aussi loin dans la fainéantise. Alors, tout innocent que j'étais, lors de mon premier run, je m'étais armé de compassion et m'étais dit que les choix illusoires permettaient aux développeurs de garder une meilleure maîtrise sur le déroulé de l'histoire... c'est, en réalité, complètement faux : même en se facilitant la tâche au maximum, en fakant le plus possible le moindre potentiel embranchement lié à une action du joueur (aller ici plutôt que là, dire ceci plutôt que cela, faire ci plutôt que faire ça...), les scénaristes ont été royalement infoutus d'écrire une histoire cohérente. Déjà que la mise en scène se chie dessus à chaque minute, avec des faux raccords, des enchaînements illogiques, des ellipses très courtes qui puent la tristesse du cinematic artist en panne d'inspiration. Déjà que techniquement, l'enchaînement des séquences est pété au dernier degré en quasi-permanence (j'écris une thèse à sujet, publication prochaine chez Plon). Mais ça. Faire croire à du choix, l'interdire en dernier recours, et réussir quand même à se foirer sur l'écriture. On est à un niveau de foutage de gueule olympique. Je ne suis pas resté aussi indifférent, pour ne pas dire méchamment hilare, à une oeuvre de fiction depuis de longues années. Même Detroit Become Human, en comparaison, m'a plus emporté dans son histoire malgré son enfilade de clichés. Même Sharknado 4, en fait, m'a paru plus cohérent et articulé dans son récit.
Rapidement, pour conclure l'attention déjà bien trop longue que j'ai doublement porté à cet ersatz de film interactif : il n'y a pas d'horreur (j'ai essayé de nombreuses mises à mort, l'écrasante majorité se déroule hors champ ou est mise en scène comme une mort de personnage de TPS lambda) ; le traditionnel psychopompe cher aux jeux Supermassive, ici incarné par la pourtant géniale Grace Zabriskie, n'a à nous proposer qu'une poignée de ces fameuses prémonitions copyrightées aux conditions totalement cryptiques et se voit greffé pour la première fois au récit avec la maladresse d'un élève d'école primaire ; les personnages sont cons ; c'est mal écrit ; les décors sont affreux (plongés dans une pénombre excessive pour masquer la pauvreté des textures et le vide de la plupart des intérieurs) ; il y a des séquences de flash-back inutiles car on connaît leur issue et cela tue toute tension ; les personnages sont cons ; c'est mal écrit ; il y a une tonne de Mac Guffin (ces objets mystérieux censés avoir une utilité plus tard dans le récit) mais ils ne serviront jamais à rien et finiront oubliés à jamais sitôt la séquence de leur présentation terminée ; c'est chiant comme la pluie ; j'ai veilli de 3 ans rien qu'en me retapant les 2 premières heures de jeu qui sont pourtant les meilleures ; je ne sais pas ; je ne sais plus ; je n'en peux plus ; je suis perdu.
J'ai bon espoir qu'un jour, on saura ce qu'il s'est passé chez Supermassive, si tous les talents d'Until Dawn sont partis élever des chèvres en Patagonie ou s'ils ont été enfermés dans la cave par leur PDG, enchaînés à leur PC et nourris avec des boulette de viande avariée trois fois par semaine. Si j'étais les flics, j'irais quand même y faire un tour, dans leurs locaux de Guildford. Ces derniers temps, il s'est passé pas mal de trucs chelous au Royaume-Uni.
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Créée
le 11 août 2022
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