Je parlais à un homme hier, il voulait se suicider. C'était un inconnu, c'était par téléphone, l'appel à duré un peu moins d'une heure. Durant ce laps de temps, je l'ai écouté, j'ai fait de mon mieux pour lui faire comprendre qu'il n'était ni seul, ni incompris. J'ai fait de mon mieux pour ne pas me montrer brusque ni intrusif, j'ai essayé de l'orienter doucement vers la réflexion, à reconsidérer, à valoriser la vie.
Tout ce que je lui disais, il le tournait en une raison de plus de se tuer.
Et durant ces cinquante longues minutes pleines de panique et d'angoisse que j'ai tenté de cacher, pleines de réflexivité et d'un brin de résignation... Durant cet appel rythmé par de longs silences réguliers, la deuxième saison de The Walking Dead par Telltale m'est venue en tête.
Pouvons nous déterminer nos critères de goût ? Est ce que les chefs d'œuvre s'imposent à nous où il y a t-il une construction active de notre part ? The Walking Dead : Saison 2 me hante, ça me poursuit dans mon quotidien. Le coup de feu final, littéral et figuré, m'a mis dans un état que je n'avais jamais connu, hors de moi. Un traumatisme fictif, donc stupide ?
Je ne cesse de revenir sur la totalité des événements. J'y réfléchis, je médite, je les décortique. J'y trouve tellement de poids, une puissance émotionnelle, réflexive et symbolique c'est plus fort que moi, plus fort que quoi que je puisse traduire dans ce texte.
Cette deuxième saison de The Walking Dead est une suite parfaite, la suite d'un des plus gros impacts émotifs que l'industrie nous aie donné. Sans être l'esclave de la Saison 1, elle tient compte des horreurs vécues. Toi joueur, tu sentiras cette ombre planer constamment, celle des fantômes du passé. Toute l'intrigue se construit autour, mais c'est des non-dits qui ne daignent se montrer que furtivement.
Comme toutes les douleurs de ce monde, en fait : elles nous dominent mais on en parle pas, il faut juste continuer à avancer.
Clementine grandit, elle s'humanise dans toute sa force, sa faiblesse. Le joueur l'accompagne, la forge, il témoigne de son rapport à cet univers atroce, le rôle qu'elle y joue et comment il l'affecte.
Clementine, qui aura passé toute cette saison à se responsabiliser, à se construire en leader fiable (l'héritage de Lee), sera finalement ramenée à ce qu'elle est : une gamine. L'impuissance, que personne ne nous écoute, rien ne m'a fait plus mal, et dans ce désespoir, j'ai décidé d'agir. Pour le meilleur et pour le pire.
Finalement, j'en reviens à ce suicidaire que j'ai écouté. Ça m'a ramené, encore et encore, à cette deuxième saison de The Walking Dead. Tout ce que je pouvais lui dire, des raisons de vivres, lui importait peu, il le retournait contre moi. Une déraison de vivre. C'est curieux que, dans ce monde qui peut être si merveilleux, on cherche à mourir, alors que dans un monde si atroce, on cherche à survivre. Pourquoi, après tout ? A quoi se rattache-t-on ?
Même dans ce moment, magnifique (merci Telltale), où un groupe disjoint se réunit autour d'un feu de camp, celui où un semblant de réconfort semble apparaître, une amertume pèse. Tu comprends que toute amitié, tout bonheur, porte en lui la noirceur du lendemain. Les rires et les histoires sont vite rattrapés par les horreurs passées et futures. On est juste bloqués, sans nulle part vers où se tourner, sans pouvoir se rattacher à quoi que ce soit.
Un moment beau et triste comme ça, j'y pense encore.
Je me dis que peut être que c'est ça, finalement la marque des grands. C'est arriver à nous inspirer, à comprendre ce que l'on vit, même dans les situations les plus drastiques par lesquelles on passe.