The Witcher
7.3
The Witcher

Jeu de CD Projekt et Atari, Inc. (2007PC)

Des bruits au moulin ? Satanés fantômes !

Dans le petit monde moribond du jeu de rôles occidental, dominé par Bioware sur cette période, on ne s'attendait probablement pas à voir débarquer de parfaits inconnus, et on s'attendait probablement encore moins à ce que leur premier projet soit une réussite.

Si, aujourd'hui, le titre n'est plus aussi impressionnant qu'à sa sortie d'un point de vue technique, il faut toutefois se rappeler que celui-ci est sorti un mois avant Mass Effect (et sept mois avant que ce dernier ne soit porté sur Windows) et que, dans l'ensemble, le jeu de rôles a toujours eu un train de retard sur les autres genres, notamment à cause de la complexité et des temps de développement à rallonge induits par ce genre de projets. Pourtant, The Witcher a représenté un petit bond en avant, avec une qualité d'ensemble impressionnante, et masquant avec efficacité les coins anguleux de l'Aurora Engine. Le ton est d'ailleurs donné avec un superbe plan de Kaer Morhen, dès la première cutscene.

Mais ce n'est pas tant pour la technique que The Witcher a marqué les esprits. C'est avant tout pour son univers sordide et cynique, son intrigue torturée, et ses choix moraux en niveaux de gris.

Nous y incarnions Geralt, un chasseur de monstres balafré et désinvolte, amnésique, mais pas muet. Après un court prologue présentant la confrérie des sorceleurs et une petite échauffourée revigorante avec Triss – dont le look « pute-acier » constitue l'une des rares traces de mauvais goût au sein de la direction artistique – notre loup solitaire au caractère bien trempé se retrouvait seul à arpenter les faubourgs de Wyzima, l'occasion pour nous d'approfondir le système de combats, de découvrir le système de commerce et d'artisanat, ainsi que des loisirs un peu plus exotiques. Citons notamment le poker aux dés, et la cour des dames, où chaque conquête était récompensée par une carte à collectionner. On ne peut pas dire que la chose fût très subtile, mais au moins, les scènes occasionnelles accompagnant ces plans cul avaient le mérite d'être drôles.

Le système de combats semblait ancré dans un monde régi par des règles et des lancers de dés, aspirant presque timidement à se rapprocher d'un jeu d'action, ne sachant pas trop quelle cause embrasser pour de bon. Le résultat était simple à prendre en main, avec un système de postures et de sorts, permettant de s'adapter au type d'adversaire rencontré. Le système d'expérience permettant de faire progresser notre avatar était plutôt bien ficelé, permettant de débloquer de nouvelles manières de mettre nos ennemis en pièces.
Néanmoins, si les combats étaient dynamiques et entraînants, ils avaient surtout tendance à être un peu trop faciles, tolérant un manque certain de stratégie et de réactivité (notamment grâce à la posture « de groupe », permettant de découper en petits morceaux un groupe d'assaillants sans que ceux-ci ne puissent réagir et parer) jusque durant certains bossfights. Cela dit, considérant la bouillie mollassonne des deux premiers Kotor, CD Projekt s'en est très bien sorti en dynamisant ses bastons.

C'est en arrivant au début du second chapitre, à l'intérieur des murs de Wyzima, que les premières conséquences de nos choix passés nous arrivèrent à la figure, bloquant irrémédiablement des portes à cause de personnages disparus, de quêtes impossibles à terminer… des conséquences frustrantes, qui donnaient pourtant tout leur sel à ce genre de décisions. Cette inconnue sur le long terme, combinée avec le flou moral très présent dans The Witcher, fait à mon avis partie des ingrédients essentiels à l'écriture de choix moraux dignes de ce nom.

Le second chapitre était également l'occasion de s'immerger dans le quartier puant, miséreux et crasseux du Temple de Wyzima, accueilli par une bande son parfaitement adéquate, lourde et étouffante. Je réalise que je n'ai pas encore parlé des quêtes, qui m'avaient déjà convaincu jussqu'ici, avec une multitude de quêtes annexes, sans relation directe avec le fil principal de l'aventure, mais donnant une profondeur terrible aux différents personnages. C'est pourtant bien le second chapitre qui m'aura le plus marqué, avec une superbe enquête aux nombreux embranchements et rebondissements.
La suite m'a beaucoup moins marqué et j'ai finalement décroché à partir du troisième chapitre, pour recommencer une partie un ou deux ans plus tard et la terminer d'une traite. Il faut dire que je jouais à la première version, qui mettait malheureusement à genoux les machines moyenne gamme de l'époque et qui accusait des temps de chargement diaboliquement longs (imaginez passer une bonne minute d'attente pour entrer dans une maison ; maintenant, imaginez-vous arriver dans un nouveau quartier avec une trentaine de bâtiments à fouiller en long et en large).
Le rythme de l'histoire a dû avoir sa part de responsabilité, mais, encore une fois, à la décharge de CD Projekt, un bon jeu de rôles est difficile à rythmer, d'autant plus que ces derniers n'avaient pas appliqué la formule magique que Bioware a appliqué pendant près d'une décennie pour rythmer ses jeux (à savoir « Va aux points A, B et C, complète leurs missions respectives, et reviens pour faire progresser l'histoire »).

La direction artistique, quant à elle, était sublime, même si la qualité de modélisation des personnages était particulièrement variable, parfois même caricaturale. Je pense notamment aux marchands, invariablement obèses au point de menacer d'exploser leurs vêtements. S'il y avait beaucoup d'archétypes, on pouvait au moins s'estimer heureux de trouver une certaine diversité.

Que reprocher, finalement, à The Witcher ? Probablement son prologue assez risible, la qualité d'écriture du dernier tiers de l'aventure, et ses doublages, pas tout à fait catastrophiques (il y a eu largement pire), mais qui représentent malgré tout un bon exemple de ce dont l'industrie est capable.

The Witcher était une lueur d'espoir de voir réapparaître le jeu de rôles occidental. Si au final, l'expérience n'est pas comparable à ce qu'on aurait pu attendre d'un CRPG signé Black Isle, ce coup d'essai reste amplement réussi, et encore aujourd'hui appréciable, grâce à un univers rafraîchissant et une aventure plus orientée action.

Créée

le 13 sept. 2014

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Makks

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