Rejouer à des vieux succès des années 2000 n'est pas sans risque.
Un peu comme retrouver un(e) ex avec la(le)quel(le) on a partagé des chose intenses et avec qui on espère raviver un feu passionnel... souvent, ça ne passe plus. Nos yeux découvrent sous un jour nouveau des travers que l'émerveillement de jadis cachait avec brio. Le fantasme a muté. La sensation de rejouer au passé juste pour raviver la flamme d'une nostalgie laisse un arrière goût amer... car l'expérience semble parfois vaine de finalité et nous amène inéluctablement vers une désillusion.
Pourtant... même en sachant celà, j'ai relancé The Witcher en 2019.
Et là... miracle... la magie est toujours là.
The Witcher 1 marque d'abord par son atmosphère et cette effarante immersion dans la peau d'un rebut de la société. JAMAIS la Dark Fantasy n'a aussi bien été retranscrite dans un jeux vidéo. C'est un jeu dans lequel vous incarnez un paria. Une raclure. Un SDF dans un environnement aussi accueillant qu'une fosse remplie de rats.
En vous promenant dans les ruelles insalubres de Wyzima, vous voyez les passants changer de trottoir à votre approche (sauf les prostituées). Les grand-mères (dont les dents sont presque toutes parties) vous hurlent "OISEAU DE MAUVAIS AUGURES !!!" avec toute la sénilité (ou la raison ?) qui va avec. Trouver un refuge pour la nuit va souvent s'avérer aussi périlleux qu'une baston contre un golem (oui oui... je parle de la proprio de Shani, le pire adversaire que Geralt affrontera dans ce jeu !). Et surtout, cette impression d'accomplir les besognes les plus infâmes de cette société : une des missions annexes consistera par exemple à buter des chiens errants (totalement inoffensifs) pour le compte d'un fossoyeur qui en récupère le suif pour ses cadavres. Bref... vous êtes une raclure dans un monde de raclures.
The Witcher 1 marque après par son gameplay jeu-de-roliste qui prend au contre-pied toutes vos attentes d'un jeu du genre.
Oubliez les trésors avec les armures étincelante +3 ou les épées +10 contre les dragons : ici, le loot en terme d'arme est quasi-inexistant. Vous changerez (trés) grand max 4 fois d'armes. Oubliez les haches, oubliez les arcs... tout le jeu se fera principalement avec les deux glaives argent/acier que vous renouvellerez 3 à 4 fois dans tout le jeu. Un truc assez ouf c'est l'inventaire... qui tient EN UNE FENÊTRE (pas d'onglets à la con ou d'ascenseur à faire défiler). C'est suffisamment rare aujourd'hui de voir un inventaire dans lequel on est pas paumé... surtout dans un JDR (oui oui... TES, Elden Ring, Fallout, Baldurs Gate 3.... c'est de vous que je parle).
Oubliez aussi les objets qui augmentent votre vitalité de 100 PV ou qui augmentent votre CA comme un D&D classique...
Ici, vous allez devoir penser ALCHIMIE. Tel Panoramix notre druide (certaines rencontres vous feront forcément penser au druide d'Asterix) vous allez devoir cueillir des baies, cueillir des feuilles de cigües... mais pas seulement !!! Vous aller devoir aussi l'APPRENDRE (en lisant des bouquins que vous devrez parfois acheter !). Accomplir vos missions de Sorceleurs auront souvent certains frais monétaires inattendus (par exemple vous ne pourrez prélever certains ingrédients de certains monstres sans avoir lu, auparavant, un bouquin vous expliquant comment les prélever... et vous devrez pour celà acheter ce bouquin auprès d'un antiquaire ou alors le trouver dans un fond de tiroir complètement cloaqué dans une cave déserte). L'idée est géniale et donne à l'argent une importance de premier ordre dans ce jeu.
Certaines quêtes ne pourront s'accomplir sans débourser une certaine somme d'argent... d'où cette géniale impression d'être sur la paille pendant le premier tiers du jeu.
Vous allez devoir penser ESCRIME en sachant slalomer entre vos deux épées (argent pour les monstres, acier pour les hommes/elfes et autres chiens galeux) avec les trois type de combat (puissant, rapide, groupe) en fonction du nombre ou de la corpulence de votre adversaire... en gros 6 styles avec lesquelles vous allez devoir savoir switcher... sachant que certains groupes d'ennemis (composés d'hommes et de monstres, tous de corpulensces différentes) vous imposeront de drôles de jongleries entre les armes et style. Et dans ce système de combat, pas question de spamer vos clic sur la souris comme un taré... non non... il faudra faire vos clic au compte goutte et au bon moment... sinon, fini l'enchaînement surpuissant.
Et enfin il vous faudra penser MAGIE... rien de bien nouveau là dessus. Un sors de repoussement, un sort de feu, un sort de persuasion, un sort de piège/immobilisation et un sort de bouclier.
Et chaque niveau vous permettra d'améliorer la puissance de ces domaines de magie, de ces domaines d'escrime et d'alchimie.
Non non, vous n'êtes pas un Jedi. Ou alors... vous en avez les pouvoirs mais pas la moralité.
Et ce qu'il y a de cool dans The Witcher 1... c'est que les trois domaines sont techniquement intéressants et viables sur le long terme du jeu. A mon premier run, par exemple, je n'ai absolument rien amélioré en sortilège... j'ai tout mis en combat... et le build n'est pas bloquant (contrairement aux suites qui vous feront passer certains mauvais quart d'heure si vous avez commis la bêtise de délaisser certaines compétences au lieu d'autres).
Bref Witcher 1 a un gameplay que je trouve étonnamment équilibré. Pourtant raide dans les déplacement (votre premier combat dans ce jeu est tellement dépaysant que vous vous demandez en quoi le jeu consiste)... avec l'expérience et les heures de jeu, on acquiert des automatismes qui apporteront une richesse inattendue à la personnalité du jeu.
Car voilà : Witcher 1 est un jeu plein de personnalité. Très loin des standards habituels (même de l'époque de 2007), Geralt de Riv donne à l'aventure un cynisme et un humour totalement inespéré dans un monde aussi désespérant que l'univers de Andrzej Sapkowski (auteur des romans).
C'est un jeu visuellement beau (les palettes de couleur et les skin de personnages avec leurs trognes de pestiférés ont, 13 ans plus tard, un certain cachet), magnifiquement écrits (le scénario est au poil et met en scène des personnages comme Yaevinn ou Raymond le Détective qui vous émerveilleront en terme de profondeur) et particulièrement long (les actes du jeu sont assez long en plus de proposer leur propre atmosphère... comme un bon livre).
Parfois... le charme du jeu me rappelle les vieux feuilletons TV faible budget des années 90 (genre Xenia la Guerrière, les nouvelles aventures de Robin des Bois ou encore les Highlander avec Adrian Paul)... le jeu a fait de la vétusté des moyens ou des environnement une qualité artistique toute singulière... et il a mis le paquet sur l'histoire et l'écriture des dialogue, rendant l'aventure encore plus passionnante.
Sans oublier cet sublime impression d’attraper une intrigue en cours de route.
Je vois souvent ce jeu comme le grand successeur à Baldurs Gate 2 en tant que Jeu de Rôle narratif et je déplore souvent que les suites n'aient jamais su égaler le gameplay de ce premier opus.