Tu te souviens de ces séances chiantes en cours ou lorsque tu cherchais un taf qui t’obligeais à lister tes défauts et où, plutôt que de dire que tu es lunatique, obtus ou je ne sais quoi d’autre, dans un élan de non inspiration tu ne pouvais t’empêcher de penser à « perfectionniste » ? Et bien The Witness fait partie de ses œuvre qui te font oublier ne serait-ce que la possibilité d’esquisser cette idée.
J’ai rarement vu un jeu utilisant un concept de puzzle en apparence si simpliste aussi jusqu'au-boutistes dans l’exploitation de ce dernier dans une telle pléthore de déclinaisons différentes ; tout y passe logique pure, observation environnante, position dans l’espace (ce qui explique d’ailleurs l’absence de saut), utilisation du son, fusions des différents concepts au sein de nouveaux puzzles, etc. Tout cela sans utilisation du langage écrit ou parlé pour se faire comprendre ET en limitant la progression du joueur dans le monde ouvert -hors dernière(s) zone(s) uniquement par la non connaissance des mécaniques. Bon peut-être suis-je en train de mentir et devrais-je dire « quasiment pas le langage écrit ou parlé » car il est possible de trouver des enregistrements audio qui derrière leur apparence cryptique peuvent orienter le joueur vers l’apprentissage d’une mécanique, même si la compréhension de l’enregistrement est plus aidée par la connaissance de la mécanique que l’inverse, alors on va dire que je maintiens.
Mais forcément il y a un revers à ce choix tranché : The Witness est terriblement froid et non avenant au-delà sa beauté visuelle pure. La construction de l’île est au service du concept et n’a clairement pas vocation à simuler une construction réaliste ou un environnement naturel. Et surtout, si je voulais être réducteur je dirais que le jeu peu se résumer en une succession puzzle qui se résolvent la tête collé à un écran présentant un quadrillage qui pourrai être tiré de je ne sais quel jeu de réflexion smartphone à essayer de comprendre sans aucune autre arme que son stylo, sa feuille et sa logique, comment emmener son serpentin du point A au point B. Et quand enfin après je ne sais combien de gribouillis et cheveux arrachés la solution nous apparaît, dans 95% des cas, la seul récompense immédiate que le jeu nous offre et le déblocage d’un nouvel écran et le droit de sortir une nouvelle feuille. Le tout sans aucun accompagnement musical (enfin, « quasiment sans » une nouvelle fois ahah).
Je noterais également, et là contrairement à ce que j'ai dit plus haut ça dessert vraiment le jeu, la narration à base d’enregistrements audio et vidéos de fieffés loustics divers et variés qui vont de Einstein à Tarkovski ; qui selon moi s’éparpille, se présentent avec prétention et me semble assez peu élégante dans un titre aussi porteur de la communication par le gameplay. D’autant qu’un des secrets (caché très très tôt dans le jeu) communiquant entre autre sur la relation que peut entretenir œuvre, créateur et joueur ; le fait de manière infiniment plus intelligente que ces bribes de pensées éparpillées sur l’île.
Mais qu'importe, dans mon cas le tout a fonctionné, j’ai apprécié cette impression de petit à petit redonner vie à cette île, observer minutieusement ces panoramas jamais là au hasard pour y chercher les secrets qu’ils renferment, revenir à un endroit tout heureux d’avoir compris une mécanique pour enfin découvrir ce qui se cachait derrière une exaspérante porte clos, devoir poser sur papier une énigme pour méthodiquement la résoudre, prendre en photo ma télé pour ne pas oublier qu'ici, il y a un puzzle que je ne suis pas encore capable de débloquer ou pour me permettre d'en retourner un autre pour l'observer sous un angle différent.
Mais surtout j’ai ressenti comme dans un Ico, un Vagrant Story ou un Dark Souls qu’un type avec une idée directrice claire avait essayé de compiler sa vision dans ce petit amas de code, sans demi mesure, et qu'à travers son travail il m'avait parlé. On était pas toujours d'accord, j'ai pas toujours bien compris, mais au moins il l'a fait sans compromis.