Jonathan Blow est un game designer. Il n'est pas une star des programmeurs (EDIT : si en fait mais chut), il n'est pas un artiste né, il n'est surement pas un bon marketeux, et encore moins un bon client du coiffeur. Non, Jonathan Blow est un game designer, alors il a décidé de faire un jeu dont il a la totale maîtrise, un jeu qui parle, du début à la fin, de game design.
The Witness est un jeu de puzzle sans interface, sans tutoriel, sans interaction autre que des logs audios ou vidéos. La partie commence. Que dois-je faire.
Vous commencez à comprendre les bases du monde qui vous entoure. Puis vous en apprenez les règles. Les exceptions. Les subtilités. Puis vous commencez à percevoir plus grand. A revenir sur vos pas pour travailler sur vos échecs. A rencontrer de nouveaux échecs. Au fur et à mesure que vous découvrez le monde de The Witness, un travail s'opère sur votre vision de ce monde. Il grandit, il s'affine, il vous interpelle, il vous transmet ses secrets. Sans un mot, juste avec des putains de puzzle.
Et c'est là ou The Witness brille : Son game design et son flow impeccable, maîtrisé, rodé, et pour aller plus loin : complètement à vif. Jonathan Blow a décidé de ne laisser dans son jeu que la forme la plus pure du game design.
Ne cherchez pas une musique d'ambiance qui vient vous distraire, à quoi sert une musique dans un jeu de réflexion ? Rien ? Alors on en met pas, dit-il. Tout comme il n'y a aucune récompense dans le jeu, pas de monnaie à la con, pas d'interface, pas d'inventaire, pas d'indice, pas d'histoire au sens premier du terme. Tout cela ne sert à rien. Il y a vous, il y a le jeu, vous lui parlez, il vous répond, et pendant une bonne 20ene d'heures, vous allez converser, en apprendre plus sur lui, et la récompense ne viendra que de la satisfaction d'avoir fini d'étudier toute la complexité de son langage.
Qu'il y a t'il de meilleur sentiment que de savoir que l'on a tellement étudié un monde, qu'on en a la totale maîtrise ? Qu'il n'a plus rien à nous apprendre ? Et pourtant quand une nouvelle épreuve se présente, votre soif de connaissance reprend le dessus et vous pousse à rejoindre le savoir ultime une fois de plus.
C'est d'ailleurs ce que veut transmettre The Witness au travers de ses logs : Des discours aux abords (et au fond) extrêmement prétentieux qui vous livrent des témoignages et des réflexions sur la façon de voir le monde, d'apprendre et de le comprendre, et que chacun y livre sa vérité, son expérience, sa vision.
Le jeu essaie de nous transmettre sans un mot les fondements du game design, au travers de la découverte et de l'apprentissage.
Et une fois que tout cela est terminé, le jeu et le game design est arrivé à son terme. Vous n'êtes qu'un fantôme, et ceci n'était qu'un rêve. Tout s'arrête, la matière s'en va, et vous pouvez redémarrer.
Mais lorsque vous redémarrerez une nouvelle fois, c'est avec une tout autre vision de ce monde que vous allez y entrer, et qui sait, découvrir l'ultime secret qu'il renferme.
The Witness est un jeu vidéo avec un game design maîtrisé du premier caractère de la table ASCII jusqu'au dernier caractère chinois UTF-8, et dans son genre unique, on peut dire qu'il n'y a pour le moment pas mieux.