Depuis Just Cause 3, adapter le fabuleux moteur graphique d’Avalanche à un jeu en vue à la première personne sonnait comme une évidence. Nettement moins énervé de la gâchette, The Hunter vous propose néanmoins d’en retrouver toutes les propriétés visuelles : distance d’affichage démente, détail et variété de la végétation, propreté des effets de lumière, précision extrême de la moindre texture… le moteur graphique montre encore une fois l’étendue de ses capacités, à présent dans un registre plus réaliste évoquant le rendu photogrammétrique de The Vanishing of Ethan Carter. Ainsi, The Hunter : Call of the Wild, malgré son gameplay calme et exigeant, pourra d’une certaine manière être considéré comme le mod FPS de vos rêves pour Just Cause 3. Ou plutôt, le fils bâtard entre ce dernier, Firewatch et Vanishing. Ce qui suffit à en faire un achat indispensable si vous êtes un amoureux de la nature virtuelle.


Dans The Hunter : Call of the Wild, vous êtes lâché sans préambule au beau milieu des montagnes américaines ou de la campagne européenne. Votre smartphone vous permet de consulter quelques objectifs de quête, et un interlocuteur baragouine quelquefois par radio. Hormis ceci, c’est la nature et vous. Bugué jusqu’à la moelle, le titre vous obligera souvent à galérer dans des menus absurdes qui ne répondent pas, à pleurer devant une ergonomie allant contre le bon sens le plus élémentaire, à rebooter le jeu parce que la mise au point de la focale est bloquée sur un pixel à l’arrière-plan ou que votre arme n’apparaît plus dans vos mains. A l’heure actuelle, il n’existe pas non plus d’option d’anti-aliasing, le SSAO semble fonctionner bizarrement et vous n’aurez d’autre choix que d’aller trifouiller dans Notepad++ pour atténuer à la main ces horribles effets de clignotement quand vous vous baladez dans les sous-bois. Si le lancement de Just Cause 3 avait été marqué par de nombreux problèmes techniques, ce n’est rien, en comparaison, de ce que vous fera vivre The Hunter : en somme, une certaine idée de l’enfer vert.


Mais si vous acceptez de souffrir autant, c’est parce que vous aimez la balade. Pas forcément la chasse, d’ailleurs. Le ton contemplatif et tranquille de The Hunter se suffit presque à lui-même, avec ses quelques missions de collecte disséminées ici et là, ses points d’intérêt sur la mini-carte, ses panoramas extraordinaires qu’on traque avec parfois plus d’obstination que le gibier. Un peu comme un jeu Ubisoft dans un grand parc naturel, sans indicateur visuel envahissant pour vous pourrir la vue. Et si vous voulez vraiment jouer, c’est quand même possible, pour autant que « vraiment jouer » s’applique à un jeu de chasse : une pétoire, un indicateur de vue, un autre de bruit, des animaux farouches, merci, au revoir. Bon, les développeurs ont tout de même intégré un enchaînement de quêtes scénarisées, un système de points d’expérience et de compétences à déverrouiller pour faire du gringue aux gamers, et les contraintes de visée ou de tir sont nettement plus permissives que dans d’autres jeux du genre, ce qui fait peut-être de ce nouveau The Hunter le jeu de chasse le plus accessible du marché. Pourtant, globalement, et surtout tant que les innombrables bugs d’interface ou de gameplay n’auront pas été corrigés, attendez-vous quand même plus à un simulateur de randonnée : le seul vrai domaine qui saura vous procurer entière satisfaction pour peu que vous ayez la fibre rêveuse…


Outre les bugs, The Hunter a besoin d’un anti-aliasing digne de ce nom, d’une refonte des menus, d’une révision complète des touches pour la jouabilité à la manette (implantée mais incomplète). On ne cracherait pas non plus sur de nouvelles zones, car deux, ça fait un peu short pour un jeu à 30 €. Mais dans le futur, et si les développeurs continuent leur suivi soutenu, on peut s’attendre à des embellies. Avec son cadre exceptionnel et la promesse de DLC qui, pour une fois, ne sonnent pas comme des appeaux à pigeons (il sera sans doute difficile de résister à l’ajout de nouvelles zones si elles sont aussi réussies que celles qui nous sont proposées ici), aussi peu fini soit-il, le titre pose de nombreuses promesses. En tant que jeu « AA », la beauté de ses décors et le calme de son gameplay montrent que les gros moteurs propriétaires peuvent être utilisés de manière polyvalente, ce qui est trop rarement le cas dans l’industrie sorti de l’Unreal Engine. Il confirme également l’extraordinaire talent d’Avalanche Studios, que l’on passe trop souvent sous silence. Depuis 2006, voir la firme nordique développer des jeux aussi beaux mais aussi identiques devenait lassant. Qu’ils tolèrent aujourd’hui de faire de la « presta » est une première dans leur histoire qu’on accueillera avec enthousiasme, dans l’espoir qu’eux-mêmes, peut-être, finissent par se lancer dans des projets un peu plus différents, peut-être un peu plus intimes.

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le 17 mars 2017

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Seb C.

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