S'il y a bien une chose dont Theme Hospital peut se vanter, c'est sans doute de sa capacité à rendre nostalgiques les joueurs ayant pu s'y essayer à l'époque de sa sortie. Bien que n'ayant pas eu cette chance, j'ai toujours observé d'un œil intrigué ces fans louer les mérites du jeu de gestion d'hôpitaux des studios Bullfrog. Après tout, une production sortie de l'esprit du phénomène qu'est Peter Molyneux, qui nous a par la suite gratifié d'excellents jeux comme Dungeon Keeper, Blanck&White ou Fable, se démarquant principalement par leur inventivité (et aussi un peu par leurs promesses non tenues), ça vend forcément du rêve ! Mais maintenant que j'ai finalement franchi le pas en me décidant enfin à y jouer, le moins que je puisse dire c'est que Theme Hospital ne m'a pas laissé indifférent.
Des mécaniques bien huilées
Au début de la partie, vous êtes lâché dans votre nouvel hôpital flambant neuf... tellement neuf qu'il est complètement vide. Il vous revient donc l'hônneur de construire vos premières salles pour garnir un peu les locaux : un bureau du généraliste pour établir un premier diagnostic, une salle de diagnostic pour permettre l'auscultation les patients et bien sûr, un guichet pour guider ces derniers à travers vos couloirs. Mais avant de pouvoir accueillir vos premiers clients, il faudra engager du personnel "qualifié" pour faire tourner votre petite affaire.
Et c'est là qu'on se rend compte de l'un des points forts du jeu : son humour. Tout ici est furieusement débile : que ce soit les maladies et leur traitement, avec par exemple l'hyper-langue qui se caractérise par une langue hypertrophiée et se guérit en... coupant au hachoir l'appendice excédentaire, ou encore les employés et la description présente sur leur CV. Libre à vous d'engager un médecin qui passe ses samedis soirs à huer les comédiens sur scène, ou une infirmière qui réalise de superbes sculptures sur saindoux. Une chose est sûre : le marché du travail a bien changé depuis 1997 pour que de tels... talents soient mis en avant lors des entretiens d'embauche. Mais outre l'aspect humoristique, cet aspect est bizarrement une composante intégrante du gameplay. Et oui, pourquoi se prendre la tête à embaucher une infirmière talentueuse qui demandera un salaire de ministre quand une incapable fera plus ou moins le même travail pour moins cher ?
Après que votre hôpital ait enfin ouvert ses portes, il ne vous restera plus qu'à vous adapter aux cas qui se présenteront à vous en construisant les salles spécifiques aux besoins, mais aussi en engageant des médecins spécialisés comme des chirurgiens ou des psychologues, seuls habilités à traiter certains cas... et c'est à peu près tout.
...mais qui finissent par tourner en rond
Malgré le plaisir évident que l'on peut prendre lors des premières parties, une routine s'installe bien vite. Pourtant, la courbe de difficulté est assez bien dosée et on se heurte assez vite à des complications qui nous forcent parfois à recommencer un niveau, en comprenant cette fois les erreurs commises. Mais les nouveautés s'ajoutent au compte-goutte et ne sont bien trop souvent que triviales. Bien sûr, dans certains niveau on nous propose des défis supplémentaires comme des urgences, nous obligeant à traiter un nombre important de patients d'un coup et en temps limité, infligeant un pic d'adrénaline qui nous raccroche au jeu. Mais les nouvelles salles s'avèrent bien trop anecdotiques pour être remarquables. Dans un jeu de gestion, la possibilité de construire un nouveau bâtiment fait généralement office d'évènement, offrant de nouvelles opportunités de gameplay. Ici, une nouvelle salle signifie juste le moyen de traiter une nouvelle maladie, une offre pour répondre à une demande.
Et en ça, je me demande si le postulat de base du jeu n'est pas en soi réussi. On nous demande de gérer nôtre hôpital comme une entreprise, de la façon la plus froide et cruelle possible pour générer du profit. Cette idée est parfaitement illustrée dans la cinématique d'introduction où un chirurgien qui s'apprêtait à charcuter son patient décide de le balancer à la fosse en se rendant compte qu'il n'a pas les moyens de payer l'opération. On peut même se demander si l'absence de pause dans les menus ne participe pas à cette mise sous tension sans répit. Mais même si le pari est réussi à merveille, il est bon de se demander s'il ne nuit pas à l'essence même du jeu.
Car là où l'on a pu voir que l'humour s'imposait comme l'un des éléments forts du titre, il ne devient au fil des heures qu'un détail que l'on met de côté dans notre course au profit. On ne lira ainsi bientôt plus les doléances de nos employés qui nous réclament une augmentation en nous menaçant de se reconvertir dans la création de jeux vidéo pour ne finalement plus regarder que le montant exigé pour qu'ils se remettent à la tâche au plus vite. On ne s'attardera bientôt plus sur les descriptions des maladies pour laisser les médecins s'en occuper comme des grands.
Et c'est probablement ce que je regretterai le plus avec ce Theme Hospital car, même si l'intelligence artificielle peut parfois s'avérer horriblement frustrante ce qui, couplé aux évènements aléatoires comme les tremblements de terre, donne parfois lieu à des désastre tels que la destruction irrémédiable des salles par l'explosion des machines qui n'étaient pas suffisamment entretenues, c'est bien cette course au profit qui nous est imposée qui nuit le plus aux qualités que le jeu avait pourtant réussi à mettre en place. Mais malgré cette déception face à ces points forts mal exploitées, il reste malgré tout un jeu de gestion très solide une fois replacé dans le contexte de son époque, que ce soit par ses graphismes et son ambiance qui participent à la légèreté du titre, ou par ses mécaniques agréablement orchestrées, qui font de ce Theme Hospital un incontournable pour les fans du genre.