Telle est la question que je me suis posée en jouant à Wolfenstein : Duran Duran. Je comprends parfaitement que le seul artifice narratif qui n'ait jamais été essayé dans la série Wolfenstein est de donner raison aux Nazis. Ils ont gagné. Leurs efforts maléfiques ont été couronnés de succès. L'histoire leur donne donc raison. Le concept est parfaitement clair dans mon esprit; faut pas croire. Ce qui me semble plus nébuleux, et donc incompréhensible, c'est le niveau de sympathie que les créateurs suédois de MachineGames semblent éprouver pour leurs monstrueux antagonistes nazis. Leurs dialogues affichent non-seulement les sempiternels discours sur la suprématie de leur technique et autres discours propagandistes inspirés par Goebbels... mais ils sont déclamés en ayant pour cible un protagoniste américain qui se trouve être un abruti incompétent limite responsable à lui tout seul de la chute du monde libre. D'un coup; ça fait réfléchir.
Je sais que c'est une malédiction que la plupart des joueurs modernes peuvent éviter; mais j'en suis incapable. Mon cerveau semble être décidé à continuer une forme de réflexion sur les thématiques véhiculées par ces produits de consommation courante pourtant largement interchangeables. (Ce qui est fort vrai dans le cas de Wolfenstein : Human League; personne ne s'en souviendra avec précision ne serait-ce que dans dix ans.) Déjà - et sans vouloir sembler fleur bleue - j'ai toujours trouvé très douteux d'utiliser ce conflit en particulier pour vendre des unités. Et oui, j'ai une conscience. Elle est protégée par douze centimètres de tungstène mais ça ne l'empêche pas d'exister. C'est sans-doute elle qui est chiffonnée par cette dystopie un brin stupide où les nazis dominent le monde grâce aux techniques mystiques volées au peuple du livre. Ça me semble d'assez mauvais goût. Limite déplacé.
Alors, d'un autre côté - celui du jeu vidéo - le titre est un parfait petit FPS anodin doté de solides bases techniques assurées par l'id Tech 5. Sous-entendu : c'est moche, mais c'est fluide et ça dans toutes les conditions possibles. L'action est du style ultra-violent méga-gore hyper-décomplexé qui semblait déjà un brin désuet lors de son invention dans les nineties. Dans un grand moment de non-design l'arsenal nazi inventé pour dominer le futur se trouve être électrique. Vous devrez donc recharger vos pétoires toutes les deux minutes à un soc mural. Oui, Tesla est passé par là : c'est devenu tellement à la mode de nos jours que c'en est lassant. (Un peu comme les explications mal foutues sur le Chat de Schrödinger dans les séries américaines qui se prétendent assez intelligentes pour pleinement comprendre le concept.) Bref, si vous cherchez un jeu efficace mais potentiellement puant pour peu qu'on aime penser... m'est avis que Wolfenstein : Spandau Ballet fera l'affaire.