NOLFenstein : le R.E.I.C.H. est éternel
C'est peut-être parce que les FPS à approche ouverte se font de plus en plus rares ces dernières années, mais ce Wolfenstien m'a agréablement surpris car j'y ai retrouvé un peu de ce charme à l'ancienne qui caractérisait les productions d'il y a 10-15 ans. Ce genre de missions où l'on nous donne un objectif à accomplir et où l'on nous laisse une quasi-liberté en ce qui concerne les moyens de l'exécuter. Mais pas spécialement quelque chose de sérieux et mature à la Dishonored par exemple, où l'on passe tout son temps soit à crapahuter derrière des caisses, soit à sauter de toits en toits en dessoudant des douzaines de gardes au passage. Non, juste quelque chose de versatile, voire complètement lunatique, et donc plutôt fun au demeurant. Un NOLF quoi (oui, je pense encore que Monolith a inventé un style à part entière avec sa série). En attendant un troisième épisode qui n'arrivera jamais, j'ai donc pris beaucoup de plaisir sur ce Wolfenstein, à m'infiltrer derrière un garde, l'égorger, lui piquer sa mitrailleuse et créer un bazar monstre dans les rangs de ses petits camarades.
C'est très gratifiant, parce que les meilleures missions du jeu sont construites sur ce modèle de bac à sable géant, où l'on nous encourage à tester de multiples approches différentes, et surtout de composer avec le contexte et les éléments. On s'improvise donc ninja, guérillero, bourrin, tacticien, démolisseur, et parfois même tout cela en même temps en l'espace de quelques minutes. Bioshock Infinite l'année dernière adoptait le même crédo lors des phases de combat, mais Wolfenstein monte l'ensemble d'un cran en proposant des niveaux plus complexes (et paradoxalement plus lisibles) et en mettant à disposition du joueur une palette très complète de mouvements. Pas de points karmiques métaphoriques abscons pour pénaliser ou récompenser le joueur ici, juste des améliorations qui nous permettent, à l'usage, d'amplifier notre style de jeu préféré.
Bref, pendant un gros tiers de l'aventure, Wolfenstein nous laisse être ce que l'on veut vraiment être ; tantôt ninja psychotique, tireur embusqué ou Rambo sous stéroïdes, il y a en a pour tous les goûts. Quel dommage du coup que les deux tiers restants soient composées de restes parfois tièdes déjà vus dans la plupart des shooters linéaires et ultra-scriptés de ces dernières années. Je sais qu'il est parfois nécessaire de mettre en avant le scénario -très réussi au demeurant- par des artifices de mises en scènes qui nuisent à l'interactivité, mais pour le coup le titre aurait gagné à être plus mesuré sur cet aspect-là, au profit de séquences plus ouvertes. Loin de rendre l'ensemble catastrophique, c'est surtout une nuisance mineure dommageable au titre, qui regorge par ailleurs de bonne volonté et de petites idées sympathiques dans l'optique d'être simplement et diablement amusant à jouer. C'est devenu tellement rare de nos jours que l'on ne peut s'empêcher de crier au gâchis.
Difficile de ne pas recommander ce Wolfenstein ceci dit, parce que l'on s'y amuse. Le scénario est très sympathique, et malgré un fin bâclée on a envie d'avancer pour découvrir les petites touches d'ironie, d'humour noir et de délires dystopiques qui parsèment l'aventure (il y a même tout une piste métaphysique à souhait sur la série Wolfenstein et son héros increvable, malheureusement juste effleurée et pas vraiment exploitée à fond, mais qui a le mérite d'être intéressante). Les graphismes ne sont pas exceptionnels mais l'ensemble tourne très bien, et le design général est vraiment allemand jusqu'au bout des ongles : froid, générique, fonctionnel, sans âme ni inventivité, bref c'est totalement raccord avec le thème du jeu. Et s'agissant du moteur idTech, qui a bien évolué depuis Rage, on retrouve toujours cette certaine fluidité dans les mouvements et des sensations de tir bien huilées qui rendent le héros vraiment agréable à contrôler. Un FPS fun dans sa jouabilité, c'est déjà 60% du boulot abattu. Même la musique est bonne, et j'ai pourtant tendance à ne jamais y prêter attention dans ce genre de production. C'est dire.
Le titre me renvoie forcément à Rage, à la différence que si ce dernier était composé d'un océan d'idées nulles ou mal exploitées au milieu duquel surnageaient des séquences de shoot jouissives, Wolfenstein est globalement mieux maîtrisé, plaisant à jouer mais plombé par quelques nuisances et facilités qui l'empêchent d'accéder au panthéon. Une histoire d'équilibre, une fois encore, gageons que la prochaine fois sera la bonne.