Xenoblade Chronicles 3
7.7
Xenoblade Chronicles 3

Jeu de Monolith Software et Nintendo (2022Nintendo Switch)

Xenogears, Xenosaga, Xenoblade. D’abord chez Squaresoft, puis Namco et enfin Nintendo, cela fait presque 25 ans que Testuya Takahashi étoffe son Xenomythe.

Xenoblade premier du nom est un jeu qui a une signification assez particulière pour moi. Ne l’ayant pas fait sur Wii j’ai pu le découvrir sur New3DS en 2015 dans ce qui s’apparente à la pire version du jeu. Et pourtant j’y ai passé un moment marquant de ma vie de joueur. Le bon jeu au bon moment. Il m’a offert pile l’évasion dont j’avais besoin. Peu importe la résolution misérable d’un écran de Nintendo 3DS, de la bouillie de pixels qui s’affichaient devant moi, j’étais complètement absorbé par un monde gigantesque niché dans le creux de ma main. J’ai ensuite fait l’excellent X sur WiiU mais fait l’impasse sur le 2 (que je possède pourtant…). J’ai également fait Xenosaga 2 dans mon jeune temps mais jamais Xenogears (vu les ressorties du catalogue de Square Enix, rien n’est impossible).

Et c’est en cet été 2022 que le 3éme opus de Xenoblade nous fait l’honneur d’une arrivée surprise 2 mois avant le mois de Septembre initialement prévu. On imagine aisément que Nintendo avait réservé ce créneau à son party game Splatoon 3 qui aura eu besoin de quelques semaines supplémentaires pour finir le coup de polish et d’équilibrage qui va bien. Une bien bonne nouvelle pour moi qui aime arpenter de vastes mondes verdoyants et pas vraiment les pistolets à peinture. Les gouts et les couleurs comme on dit. (il y a pourtant potentiellement plus de couleurs dans un pistolet à peinture que dans un monde… verdoyant. Mais ne jouons pas sur les mots voulez vous !).

AIONOS : TERRA PANORAMA

Lorsque l’on a joué à au moins un jeu Xenoblade il y a forcément quelque chose qui se passe à la simple évocation de ce nom. Vous le sentez ? C’est ce sentiment d’exploration de zones gigantesques. Des mondes sous forme de corps de géants composés d’immenses parcelles que l’on arpente tout en décimant des troupeaux d’ennemis en tout genre. Si vous vous reconnaissez dans ces attentes alors soyez heureux, Xenoblade 3 propose toujours ce plaisir d’exploration pure ou l’on défriche les cartes dans leurs moindres recoins à la recherche de coffres, de zones secrètes, d’événements ou de monstres uniques aux noms si étranges. C’est ce qui fait la force de la saga et cela depuis le tout premier épisode. Il s’agit même à mon sens de sa principale qualité, celle qui la distingue des autres JRPG et lui confére toute sa singularité.


Cette fois, c’est le monde d’Aionos qu’il nous est proposé d’explorer (Aionios voulant dire « sans début / sans fin / éternel » en grec) et il offre de multiples biomes et panoramas assez sidérants. Même si j’ai personnellement trouvé la direction artistique assez sage et classique il faut bien reconnaitre que pas mal d’endroits offrent des points de vus qui décrochent la mâchoire (surtout pour de la switch, la distance d’affichage est assez bluffante par moments). Rejoindre un point d’intérêt c’est en découvrir immédiatement un autre du regard, ici un truc qui scintille ou la bas une caverne creusée dans la roche. Moi ce genre de philosophie ça m’aspire des heures de vie par dizaines. En plus une seule et même zone peut comporter, comme toujours, différentes parcelles avec des ennemis aux levels très différents. On comprend qu’il faudra y retourner plus tard et parfois même on a assez pris de niveaux pour s’aventurer quelque part ou l’on n’aurait pas du aller de suite. (Ce qui a pour conséquence d’être très largement au dessus du niveau recommandé pour la quête principale mais j’y reviendrai).


L’exploration est donc toujours LE point fort de cette saga de JRPG et ce 3éme épisode continue de montrer la maitrise des équipes de Monolith Soft en tant que faiseur de monde. (Rappelons qu’ils ont grandement contribué à celui de Zelda BOTW tout de même).


« IL Y A RIEN A FAIRE HORMIS POSER LA MANETTE »

[JEAN-TWITTER]

Autres facteurs importants d’un Xenoblade, ses systèmes de jeu. Pour l’œil curieux qui regarderait de loin le système de combat, tout cela peut avoir l’air au mieux bordélique, au pire décérébré. Les mauvaises langues diront même que c’est un jeu automatisé et c’est très réducteur, hâtif pour ne pas dire faux.

Si la saga n’a jamais cachée ses inspirations issues du MMORPG pour en proposer une vision offline croisée avec l’âme et l’esthétisme du JRPG traditionnel, elle propose néanmoins beaucoup de subtilités. Alors ne nous mentons pas, la chose qui prime et qui déterminera l’issu d’un combat c’est le niveau de vos personnages en comparaison de celui de l’adversaire. Alors à quoi bon vous direz vous ? Et bien maitriser les systèmes de jeu permet déjà d’écourter les combats, ce qui est un des principaux reproches que l’on formule généralement à l’encontre de Xenoblade. « Il faut 5 minutes pour tuer un loup » ce n’est vrai que si vous n’avez joué qu’aux 3 premières heures ou que vous ne vous impliquez pas dans le jeu. Par contre ce qui est entendable c’est que vous n’avez pas envie d’un jeu qui met autant de temps à ouvrir ses possibilités. C’est possible et même compréhensible. Alors énumérons de suite un fait : Xenoblade est une saga de jeu vidéo pour des gens qui ont du temps à lui consacrer. C’est 100 heures de jeu environ, c’est des systèmes de jeux évolutifs pendant 35 heures, c’est des scénarios à rallonges etc.


Maitriser les systèmes c’est aussi pouvoir prétendre gagner des affrontements contre des adversaires avec 2-3-4 voir 5 ou 6 niveaux au dessus (avec beaucoup d’XP à la clef). Si vous laissez la manette posée ce n’est pas possible par exemple. Enfin, c’est aussi le moyen de pousser les possibilités à leur maximum, en terme de customisation, d’optimisation ou pour faire exploser les récompenses (tuer un ennemi avec un enchainement fait grimper une jauge qui démultiplie l’XP gagnée un peu comme l’overkill d’un FFX).


Je pourrai vous détailler chaque système du jeu ici mais honnêtement, pas sur que cela vous soit clair à l’écrit tant il s’agit de choses que l’on apprend sur le terrain et avec la pratique. Je vais néanmoins présenter quelques points de façon succincte pour vous montrer que je ne suis pas un tire au flanc !


Lorsque nous engageons un combat, le fait de rester statique fait que nos personnages exécutent des auto-attaques. Celles-ci permettent d’augmenter la jauge d’un de nos 3 arts de combat (des coups spéciaux spécifique à la classe jouée) qui eux, nécessitent des conditions particulières pour être pleinement exploitées. Par exemple effectuer cet art sur le flanc de l’ennemi ou dans son dos. Si vous l’effectuez correctement, il y a souvent un malus pour l’ennemi à la clef (saignement, faire tomber l’ennemis etc..). Réussir ces Art permet d’augmenter la jauge d’attaque ultime de la classe de notre personnage.


Il existe 3 typologies de classes différentes : Attaquant / Défenseur / Soigneur. Et chacune de ces typologies a un nombre de classes que l’on débloque au fil de l’aventure via des quêtes de héros. Votre équipe est toujours composée des 6 protagonistes principaux auxquels il est possible d’ajouter un 7éme personnage via ces héros qui vous rejoignent à l’issu de leurs quêtes respective (en enseignant au passage leur classe à l’un de vos personnage). Au total le jeu comporte environ 20-25 classes environ (je dirai 23 mais je n’ai plus le chiffre exact). Je vous passe les subtilités telle que « comment apprendre les classes à tous ses personnages » ou « maitriser une classe permet d’utiliser certains arts avec une autre classe » et j’en passe.


Avec le temps le jeu vous donnera également la possibilité de vous transformer en « Ouroboros ». Ce sont des créatures qui sont le fruit de la fusion de 2 de nos personnages. Lors de ces transformations, vous êtes invincible et avez accès à des techniques spécifiques. Il y a même un arbre de compétence dédié pour étoffer les possibilités.


Enfin vous pourrez également déclencher des enchainements. C’est une mécanique qui consiste à faire attaquer successivement nos personnages afin de remplir une jauge qui déclenchera une attaque puissante. Lors de ces séquences, chaque personnage est associé à un nombre de points : les PT. Lorsque suite à plusieurs attaques, les PT atteignent 100% l’attaque puissante se déclenche et vous pouvez repartir pour un tour s’il vous reste des personnages à faire passer (3 fois maximum, 4 si vous utilisez également la super attaque d’un héros et 5 lorsque vous pourrez déclencher celle d’un ouroboros pour clôturer l’enchainement). Je m’arrête la (c’est déjà bien assez compliqué comme cela) mais sachez qu’il y a tout un tas de subtilités à maitriser dans ces enchainements. Un healer ne peut pas clôturer un enchainement par exemple, ou un attaquant bénéficie d’un bonus de 25% de PT s’il attaque premier, ou atteindre un haut pourcentage permet de refaire attaquer un perso déjà utilisé etc…


J’ai essayé de faire concis et pourtant tout cela doit déjà vous sembler touffu voir carrément incompréhensible si vous ne connaissez pas la série. Vous comprendrez donc que l’apparente simplicité du système de combat est loin de refléter la réalité. N’ayez crainte cependant, le jeu a des tutoriel régulier qui introduise parfaitement chaque mécanique.


QUALITY OF LIFE

En termes de quality of life, autrement dit, d’ergonomie pour faciliter la vie du joueur, xenoblade 3 a quelques bonnes idées. Certaines étaient déjà la et d’autres sont nouvelles. Face au gigantisme des cartes on sera donc ravis d’avoir de nombreux points de téléportations. Mieux, abattre un ennemi unique fera apparaitre une pierre tombale servant également de point de TP. Pratique. D’ailleurs rappelons qu’il n’y a pas de game over. Si vous perdez un combat vous reprenez à votre dernier checkpoint sans perte d’xp ou autre. Le jeu a également pas mal de raccourcis permettant d’accéder à la carte ou faisant apparaitre un faisceau lumineux servant de guide jusqu’à l’objectif. Une bonne idée quand on sait que la verticalité du jeu pouvait parfois induire en erreur sur l’endroit exacte d’un objectif à cause de la superposition des niveaux. Je ne peux pas ne pas vous parler d’une des meilleures idées du jeu. L’XP passif. Découvrir de nouveaux lieux ou réussir des quêtes permet d’engranger de l’xp qui n’est pas utilisé immédiatement contrairement à celle obtenu via les combats mais qui est stockée. Elle s’utilise à la demande aux feux de camps. Pourquoi est ce si génial ? Mais parce que ça évite de se farcir des heures de levelling si on n’en a pas l’envie ! Pour ma part je ne l’ai pas utilisée jusqu’à la quasi fin du jeu car j’étais déjà largement en avance sur le scénario en terme de level. Par contre une fois arrivé au dernier donjon j’ai utilisé TOUTE l’XP accumulée durant toute ma partie passant du level 71 au level 84 et m’évitant ainsi le fastidieux levelling de fin de partie.


LE XENOSHONEN (ET AUTRES JAPONIAISERIES)

Un sous-titre qui va me valoir beaucoup d’amis à n’en pas douter.

« J’voulais être le héros d’mon propre Shonen »

Le jeu nous raconte l’histoire d’un monde coincé dans un conflit ancestral et dont les fondements mêmes encouragent à l’affrontement perpétuel. Vous incarnez Noah un passeur d’âmes accompagné de ses équipiers et amis Eunie et Lanz. Ils feront alors la rencontre de leurs équivalents dans le camp adverse : Mio, Taïon et Sena. Par le truchement d’événements divers ils seront amenés à laisser leur conflit de coté pour coopérer face à une nouvelle menace et découvrir la vérité de leur monde.


Et il faut donc parler de la narration du jeu puisque…. C’est à mon sens son problème majeur. Je m’explique. Si au début du jeu on accepte assez facilement les nombreuses cutscenes en se disant qu’elles servent d’expositions aux bases qui serviront tout le socle de l’univers, en avançant on se rend toujours plus compte qu’en fait ça ne s’arrête jamais. Au début du jeu nous sommes si galvanisés par la proposition d’exploration que l’on aura tendance par soit même à distancer deux dialogues (toujours trop longs pour ce qu’ils racontent) de la trame principale. J’ai moi-même passé 40 heures complètement accro sans que les griefs que je vais formuler ne me dérange autant que par la suite. Mais arrive tôt ou tard LE moment, celui ou l’on décide de reprendre sa progression et le fil rouge de l’aventure… et la c’est l’enfer. Des cutscenes à rallonges tous les 50 mètres sur le pouvoir de l’amitié, des faux mystères éventés des le départ quand on a déjà fait quelques JRPG dans sa vie, des aberrations narratives…


Vous voyez ce genre de scènes ou les héros sont dans une situation extrêmement dangereuse, cernés de toute part, mais que les ennemis les laissent parler 15 minutes sans les interrompre et sans bouger ? Ou alors les gros méchants pas beaux qui vous expliquent pendant de longues minutes tous leurs plans si géniaux avant de finir par un mouahahahaha digne d’un méchant de Tintin ? Il y en a des DIZAINES. Le jeu tente d’installer un ton grave sur fond de guerre mais ça sonne complètement faux… Que la thématique du conflit armé soit repris à la sauce japanim je n’ai rien contre. Le problème c’est que ce n’est même pas bien fait, ni traité avec intelligence. (L’attaque des Titans le fait brillamment par exemple.)


Autre problème que j’ai rencontré, les personnages ne sont pas très attachants. C’est très subjectif mais je trouve leur développement et leur évolution ratés. Vous n’échapperez pas non plus aux éternelles blagues du personnage qui mange beaucoup, qui a le ventre qui gargouille, qui est à la traine, ni aux nopons (pire mascotte ever). De plus il y a dans le jeu certaines expressions du genre « c’est quoi de ce brasier ? Pour qui il se prend ce moucheux ? » Ou alors Eunie qui utilise le terme « choupette » (quel mot atroce) en permanence… On sent que la trad a voulu rendre le truc rigolo mais c’est juste lourdingue en fait.


C’est un ensemble de choses qui tendent à rendre l’ensemble très niais.

On a beaucoup critiqué le chara design du 2 (à juste titre) mais pour ma part je trouve celui du 3 très fade. La moitié des 6 personnages principaux pourraient sortir d’un outil de création de personnages en mode aléatoire. (Eunie, Sena, Mio et même Lanz) ce qui n’aide pas non plus à les caractériser tant ils semblent artificiels déjà sur le papier.


Lire que cet épisode est « plus mature » c’est non. Il ne l’est pas. Le début peut le laisser penser en nous mettant immédiatement dans l’action de la réalité guerrière qui est celle de nos personnages. Mais il ne faudra pas bien longtemps pour que tous les poncifs éculés du JRPG shonen viennent balayer les faux semblants… Le JRPG est-il condamné à répéter sans cesse les mêmes scénarios, les mêmes enjeux et les mêmes archétypes de personnages ? N’existe-t-il que des groupes composés d’ héros et héroïnes beaux, jeunes, équilibrés en tout et qui vont flirter timidement jusqu’à la fin ? Avec l’intello du groupe, le mec fort, la fille rigolote etc ? Le vilain épéiste mécheux énigmatique ? Les mêmes traits d’humour ? Les mêmes scénettes éculées pour montrer un groupe autour d’un feu ?


TU VAS CHIALER OUI ?!

Un mot tout de même sur l’OST du jeu, en lice pour le titre de meilleure bande son de l’année. Chaque moment a droit à une musique dont la puissance d’évocation émotionnelle est ultra forte. Même un simple dialogue entre 2 personnages a droit à une composition tire larme. Vos personnages ramassent des radis et vous ramassez votre cœur ! C’est presque parfois « trop » mais ne boudons pas notre plaisir, ce genre de partitions sont bien trop rare pour faire le pisse froid.


LA FINE LIMITE ENTRE L’AMOUR ET LA HAINE

C’est symptomatique de notre époque et du du besoin urgent de réagir vite. Tout est « un chef d’œuvre ». Jusqu’au suivant 3 jours plus tard. Xenoblade 3 est victime du même phénoméne qu’un certain Tales of Arise l’année dernière. Un jeu trop vite érigé en incontournable sur les réseaux sociaux alors que personne ou presque n’en avait la vision d’ensemble. Mais une fois que l'on sort le parapluie pour éviter ce torrent de superlatif que reste t-il ?

Si mes 40 premières heures de jeu ont été boulimiquement ingurgitées, s’en est suivie une appréciation presque bipolaire avec ce Xenoblade Chronicles 3. Une relation d’amour-haine entre un plaisir d’exploration toujours aussi hypnotique et une narration envahissante, lourde et accumulant toutes les tares du mauvais shonen… Entres personnages caricaturaux, enjeux qui sentent le déjà vu, force de l’amitié à outrance et j’en passe. Mes séances de jeux pouvaient passer du plaisir pur à l’ennui total lorsque j’étais pris en otage d’un tunnel narratif bien trop pompeux pour ce qu’il me racontait. La caresse ou le coup de fouet, je ne savais jamais quel visage aurait mes sessions de jeu.

Alors que l’on s’entende bien. Xenoblade Chronicles 3 est un bon JRPG et il n’y a aucun doute sur ce fait. Il repose apres tout sur les acquis qualitatif de ses ainés. Mais au final c’est un jeu bien plus classique et « dans la continuité » qu’escompté. Sans prise de risque, qui remplit le cahier des charges pour plaire à un public majoritairement adu-lescent et accoutumé à ce type de narration et de production. Certes c’est un jeu efficace et qui hypnotise un long moment, mais loin d'être sans défaut il peut finir par exaspérer avec son rythme en dent de scie.

Une fois sorti du train de la hype il ne pourra se targuer d’être que « le nouveau Xenoblade ».

Joo-Hwan
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le 22 août 2022

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