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Yakuza 6: The Song of Life
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Yakuza 6: The Song of Life

Jeu de Ryû ga Gotoku Studio et Sega (2016PlayStation 4)

Vous connaissez Pseudoless ?
Pour ceux qui ne connaitraient pas sachez qu’il s’agit d’un Youtubeur qui pond régulièrement des critiques et des analyses dans le domaine du jeu vidéo.
Et c’est un mec que j’aime beaucoup, Pseudoless.
C’est toujours rigoureux, fouillé, réfléchi… Et en plus de ça il a des goûts dans lesquels je me retrouve souvent.
Autant donc vous dire que quand Pseudoless parle d’un jeu, j’écoute très attentivement.
…Et s’il y a bien une saga dont Pseudoless parle souvent, c’est « Yakuza ».


« Yakuza », je ne connaissais franchement pas.
Et quand j’ai commencé à en entendre parler – notamment via Pseudoless – on en était déjà à « Yakuza zéro », le sixième épisode de la saga…
Autant donc dire que j’avais déjà loupé un petit paquet de wagons, ce qui me refroidissait forcément pour me jeter dedans.
Mais un ami m’a récemment aidé à franchir le pas. Il m’a offert ce « Yakuza 6 », épisode sorti en 2016, quatre ans avant le tout récent « Yakuza : Like a Dragon »…
Et franchement c’était un bien beau cadeau car j’étais vraiment curieux de découvrir ça.
Entre cette atmosphère bien japonisante à souhait ; cette promesse de plongée bien immersive dans le quartier tokyoïte (imaginaire) de Kamurocho, et surtout cette proposition consistant à se faire un jeu – dixit Pseudoless – qui fuit la démesure et l’esbroufe, moi ça me donnait plus qu’envie.
Clairement, j’étais disposé au mieux pour recevoir ce jeu.
J’étais plus que prêt pour jouer à ce « Yakuza »…


Seulement voilà – premier problème – c’est que le jeu, il faut le chercher.
Pour ma première partie, je m’étais libéré une petite heure histoire d’avoir un petit avant-goût de ce qui allait s’offrir à moi…
Eh bah au bout d’une heure je n’en savais toujours rien.
C’est que « Yakuza 6 » commence avec trois-quarts d’heure de cinématique d’introduction.
Oui oui, trois vrais quarts d’heure, avec quarante-cinq vraies minutes de 60 secondes dedans. Ce n’est pas une exagération à la louche hein !
Et je dois avouer que ça fait un drôle d’effet… Parce que toutes les cinq minutes on se dit que c’est bon, que ça y est, ça va se finir !
Ici on se retrouve avec un temps de chargement, là on voit soudainement défiler un générique de début après une bonne demi-heure…
A chaque fois on se dit que ça sent bon ; qu’on va enfin pouvoir prendre la manette, mais que dalle.
Pendant trois putains de quarts d’heure, une partie de « Yakuza 6 », c’est juste une partie où on ne joue pas.


Enfin si, j’exagère en fait…
C’est vrai qu’au cours de ces quarante-cinq longues minutes, il m’a fallu reprendre ma manette deux fois.
La première fois est survenue au bout de cinq minutes. Ça a été pour apprendre à mener un combat à mains nues contre un gars. Ça s’est limité à bourriner les boutons carré et triangle sans aucune stratégie (bah ouais que voulez-vous, je découvre) et après deux petites minutes c’était fini : le tunnel narratif était relancé ; la manette était à nouveau posée sur le canap’…
La deuxième fois a mis beaucoup plus de temps à venir – aux alentours d’une demi-heure – et là il a juste été question de se déplacer d’un personnage immobile à un autre et d’appuyer sur « croix » pour que le personnage principal entame un monologue de présentation.
C’est tout.
Tout le reste ça n’a été que de la cinématique.
Du coup, quand au bout de ces trois quarts d’heure j’ai soudainement découvert l’interface du jeu, ça m’a presque surpris.
…Ah putain c’est vrai ? On va ENFIN me laisser jouer ?


Pour ma part, j’ai préféré arrêter ma première session à ce moment-là.
Je me suis dit que j’attendrai la prochaine fois pour VRAIMENT découvrir ce que ce jeu avait à m’offrir en termes de JEU.
J’ai gardé l’esprit ouvert.
J’ai mis ça sur le compte d’une très mauvaise écriture ; chose malheureusement très courante dans le jeu-vidéo, même parmi les meilleures productions.
Mon jugement, j’entendais le réserver pour le jeu – le vrai – et non pour une phase trompeuse et non-représentative…


Seulement : deuxième problème…
Depuis cette première session j’en ai donc fait une deuxième.
…Puis une troisième.
…Et même une quatrième !
…Et en fait cette introduction n’avait rien de trompeuse !
« Yakuza 6 », concrètement, ce n’est QUE ça.
C’est un tiers de cinématique. Un tiers de phases où on avance d’un PNJ à un autre pour que les éléments de récit se déroulent. Et un tiers de combats bourrins au niveau de profondeur inexistant ; qui relève d’ailleurs plus du QTE que du vrai combat.
Alors certes parfois c’est un peu plus de l’un par rapport aux deux autres. Et puis d’autres fois les combats sont remplacés par des séquences alternatives qui elles aussi relèvent du QTE, mais l’un dans l’autre « Yakuza 6 » ne s’éloigne finalement JAMAIS de cette ligne-là.
« Yakuza 6 » ce n’est vraiment QUE ça.
Rien de plus.
Zéro alternative.
Jamais.


C’est juste…
…fou.
(Je trouve.)


Alors du coup j’ai revu la vidéo de Pseudoless sur la saga « Yakuza ».
J’ai voulu savoir ce que j’avais loupé lors de mes premières heures de jeu.
Et surtout j’ai voulu vérifier si ça valait la peine de creuser davantage.
La vidéo dure quinze minutes tout de même. Et durant ce petit quart d’heure l’ami Pseudoless est loin de faire du surplace. Il enchaine les arguments.
Il loue l’idée d’un espace restreint.
Il loue le fait que, d’épisode en épisode, la saga ne quitte jamais le quartier de Kamurocho.
Il loue aussi cette manière dont ce jeu navigue à contre-courant pour vraiment installer un espace de jeu vidéo unique…
Alors OK, soit…
Mais au-delà de ça…
Le jeu…
…On en parle justement ?


Parce que bon, je sais que je suis parfois un brin radical dans mon approche de ce média – notamment à l’encontre de ces jeux dits plus « dirigistes » – mais là quand même !
Pour moi, dans ce jeu, rien ne se justifie !
Rien ne fonctionne !
Parce que franchement – et prenons le temps d’y réfléchir vraiment – qu’apportent concrètement les phases d’interraction ?
Mais vraiment ! En termes de cheminement dans le jeu, qu’est-ce que ça m’apporte de combattre, participer aux mini-jeux, me balader ?


Pour ce qui est des combats ça se réduit quand même qu’à bourriner des boutons et vérifier que le mec qu’on a dans son dos ne s’apprête pas à taper. C’est tout !
On peut avoir dix mecs autour de soi. Au final ce sera toujours la même configuration : sur les dix mecs, seuls deux seront actifs ; celui qu’on tape devant et celui qui risque de nous taper derrière.
On bourrine quelques boutons. On change de position. On rebourrine quelques boutons. On rechange de position. Et voilà…
Voilà le combat optimal dans « Yakuza 6 » !
Et tout ça revient régulièrement, histoire d’entrecouper les longues cinématiques.
Est-ce que ça apporte quelque chose de bien réussir son combat ?
Est-ce que ça change l’histoire ? Est-ce que ça modifie notre expérience de jeu par la suite ?
Non. C’est juste une épreuve pour voir le reste.
Et finalement les mini-jeux c’est la même logique.
De simples QTE pour espérer avancer jusqu’à la prochaine cinématique et découvrir ce que l’intrigue a à nous raconter…


Alors après, je peux encore comprendre qu’on soit motivé si on apprécie l’intrigue, soit.
Mais sur ce plan là aussi, c’est quand même plus qu’indigent.
Au-delà du fond de l’affaire qui ne se réduit qu’à de banals règlements de comptes entre personnages tous plus stéréotypés et transparents les uns que les autres ; il y a surtout un sens de la narration qui est juste lamentable.
Les dialogues mais « au secours » !
Ça expose tout le temps la même chose.
Ça jacasse pour ne rien dire. C'est juste usant.
Assez rapidement, je me suis mis à passer les dialogues en martelant « croix », saisissant quelques bribes à chaque sous-titres. Or, à chaque fois, je tirais le même bilan de ce que j’avais lu : « ouais bah en fait tu as dit en vingt phrases ce qui pouvait se dire en deux lignes. »
Parce que si encore les dialogues permettaient de caractériser chaque personnage rencontré, mais non !
Ça c’est malheureusement à des années-lumière des capacités des scénaristes de ce jeu hein.
Si à un moment on veut signifier quelque chose dans ce jeu, on ne le sous-entendra jamais. Non. Le personnage le dira textuellement. Et il ne manquera pas de le répéter ad nauseam parce que visiblement, chez « Sega », analyser l’efficience de sa propre écriture, on ne sait pas faire !


Du coup, une fois qu’on laisse de côté les phases de jeu indigentes et l’intrigue lamentable, mais qu’est-ce qu’il reste franchement pour sauver ce « Yakuza 6 » ?
…Eh bah il ne reste peut-être que Kamurocho.
…Parce qu’au fond, à bien suivre la vidéo de Pseudoless, c’est justement ça le vrai centre d’intérêt de la saga. Parcourir le quartier. S’imprégner de lui. Ressentir le Japon véritable qui bat dans cette manière dont le jeu nous invite à éprouver l’endroit.
Alors soit, pourquoi pas.
C’est vrai d’ailleurs que, pour ma part, c’est tout ce que je sauverais de ma demi-douzaine d’heures de jeu de ce « Yakuza 6 » : Kamurocho.
Oui c’est vrai, c’est dépaysant de s’y balader et ça peut avoir son petit côté agréable. (…C’est d’ailleurs pour cette seule et unique raison que je n’ai pas attribué à ce jeu la note minimale.)
Mais bon, malgré tout, s’y balader c’est aussi s’y déplacer lourdement. C’est aussi ne pouvoir interragir avec (presque) que dalle. C’est se retrouver en permanence avec des barrières, des murs invisibles, des ruelles qui ne conduisent nulle part et qui – de toute façon – n’ont rien d’intéressant à montrer.
L’open-world de « Yakuza 6 » n’a pour lui que son skin. Rien de plus.
Quand bien même est-il plus petit que les autres open-worlds qu’il n’en reste pas moins étriqué.
En fait, en jouant à « Yakuza 6 », j’ai eu l’impression qu’en vingt ans, depuis « Shenmue », le jeu vidéo n’avait pas évolué d’un pouce chez Sega.
Pire que ça : je me dis même que « Shenmue » est sûrement un meilleur jeu que ce « Yakuza 6 » car au moins, dans « Shenmue », il y a beaucoup moins de scènes cinématiques…


Alors certes, j’en entends déjà chouiner certains : « mais d’où qu’il se permet de parler aussi péromptoirement de "Yakuza 6" lui ! Il vient de dire qu’il n’y avait joué qu’une demi-douzaine d’heures ! C’est que dalle ! Il parle sans savoir ! »
C’est peut-être vrai ça… Peut-être que je tranche un peu vite dans le lard. J’entends…
Mais franchement – à ceux qui y ont joué – est-ce que c’est vraiment le cas ?
Est-ce qu’après quelques dizaines d’heures de jeu les combats deviennent soudainement bien plus subtils, souples et complexes ?
Est-ce les balades ne se réduisent plus seulement à collecter des objets sans importance et déclencher des dialogues interminables ?
Est-ce que les scènes cinématiques se raccourcissent et deviennent soudainement mieux écrites, maniant l’implicite avec virtuosité ?
Moi personnellement je ne suis pas convaincu que ce soit le cas.
C’est pour ça que je ne suis pas allé plus loin d’ailleurs.
A quoi bon continuer à parcourir une œuvre qui vous a démontré par l’absurde qu’elle était structurellement dans l’incapacité totale de vous fournir le minimum que vous exigiez d’elle ?


Je suis désolé pour Pseudoless mais moi, au sortir de « Yakuza 6 », je ne peux m’empêcher de considérer cette saga comme une véritable impasse du jeu vidéo.
Elle ne va nulle-part.
Elle en est d’ailleurs restée là où se trouvait déjà le média à la fin du siècle dernier.


…Mais peut-être est-ce justement cela qu’aiment Pseudoless et consorts dans ce jeu.
Ce n’est pas le fait que cette saga soit à contre-courant qui les séduit tant, mais ce serait plutôt le fait que cette saga soit hors du temps.
Jouer à « Yakuza 6 » c’est jouer à un jeu des années 90 mais avec les graphismes des années 2010.
C’est rigide. C’est limité. C’est désuet…
…Mais c’était justement ça le charme de nos partis d’antan.


« Yakuza » relève en fait de ça.
Ce n’est qu’une capsule temporelle qui maintient vivace un lien que quelques-uns se plaisent à entretenir avec un certain jeu vidéo.
Et en cela – quand bien même je me sens totalement extérieur à ce jeu – je ne peux m’empêcher de le respecter juste pour ça.
Effectivement, développer un jeu comme ça aujourd’hui, c’est ne pas suivre le courant.
C’est vouloir rester immobile dans une impasse que le jeu-vidéo a fini par abandonner.
Et l’air de rien, c’est beau de faire ça.
C’est beau de vouloir entretenir une impasse coute-que-coute, alors qu’on sait pourtant qu'ils ne sont plus beaucoup à être encore prêts à venir s’y hasarder.
On ne fait clairement pas un jeu comme « Yakuza 6 » pour la gloire.
Si on le fait, c’est aussi et avant tout pour la beauté du geste.
…Juste parce qu’on la trouve belle cette impasse.
…Et qu’on sait qu’on n’est pas les seuls dans ce cas là.


Alors soit « Yakuza » est une belle impasse, c’est vrai.
Mais une impasse reste une impasse.
Pour qui ne s’est jamais aventuré par là dans les années 90, comme c’est mon cas, je crains fort que la saga « Yakuza » ne sache vraiment les emmener quelque part…

lhomme-grenouille
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le 21 janv. 2021

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