Yakuza (Ryû ga Gotoku au Japon) est l’histoire d’une revanche. Après une décennie de localisation hésitante, il aura fallu attendre une préquelle à l’accueil inespéré pour que la saga héritière de Shenmue trouve son public en Occident. Dans le sillage de cet épisode anniversaire, Yakuza Kiwami (littéralement : « Yakuza Extrême ») est le premier d’une série de remakes des épisodes sortis sur PlayStation 2. L’enjeu principal : permettre aux joueurs de (re)découvrir le mafieux tokyoïte dans une expérience dépouillée des archaïsmes de l’époque. Essai transformé ?
Alors qu’il s’apprête à devenir le patriarche de sa propre famille au sein du clan Tôjô, Kiryû Kazuma endosse la responsabilité d’un meurtre qu’il n’a pas commis. Après 10 ans au trou, il retrouve les rues de Kamurochô et découvre que son ami de toujours, Akira Nishikiyama, a abusé de sa générosité et pris sa place. Alors que les familles Kazama et Shimano s’apprêtent à croiser le fer, le clan doit accuser une perte de 10 milliards de yens évanouis dans la nature. Les têtes commencent à tomber…
La street, tout ce qu’il en reste
Pluie battante, meurtres et guerres de clans, exit le faste azimuté des années 80 : le miracle économique japonais est passé, et les incertitudes du nouveau millénaire pèsent tant sur les personnages que sur le contexte dans lequel ils évoluent. La culture du gimmick propre à la saga est respectée, mais cette introduction aux aventures de Kiryû se prend bien plus au sérieux. Rien de bien surprenant, après tout : premier opus oblige, les nombreuses digressions délirantes qui ont pimenté les épisodes suivants auraient semblé hors-sujet. On regrette néanmoins que SEGA n’ait fait l’effort de repenser certains aspects techniques, notamment dans les scènes cinématiques où la montée en gamme des textures habille parfois assez bizarrement une motion capture directement reprise de l’époque 128 bits.
Accusant encore la sortie en simultané sur PS3 au Japon, Yakuza Kiwami se donne tout de même les moyens d’impressionner. La modélisation des visages des protagonistes fait mouche, et le travail de doublage reste un modèle dans le genre. Passée une introduction très balisée et plutôt longuette qu’on attribuera aux rigidités des jeux de l’époque, chaque ruelle contient son lot de quêtes annexes réécrites pour assurer la continuité avec la préquelle. Outre les habituels karaokés et mini-jeux, on se réjouira par exemple de retrouver les grands enfants du club de voitures électriques ou un clin d’œil bienvenu à ce bon vieux Mr Shakedown. On est loin du gigantisme des open world contemporains, mais les plus perfectionnistes devront prévoir au moins 80 heures pour venir à bout de toutes les activités que propose ce quartier bien plus vivant qu’il n’y paraît.
La Vengeance
Quand vient l’heure de distribuer les mandales, Kiwami emboîte le pas à l’épisode 0 et propose quatre styles de combat : Brawler (standard), Rush (combos rapides et esquive), Beast (coups lourds et prises) et Dragon (style du jeu d’origine). Chaque crochet bien placé fera monter la jauge Heat qui, si elle est suffisamment chargée, donnera accès à des actions contextuelles loufoques et dévastatrices. Chaque style pourra être amélioré dans des arbres de compétences dédiés où l’expérience gagnée à chaque combat pourra être échangée contre diverses améliorations allant du plaquage à l’extension de combo en passant par l’augmentation de la barre de vie. Le style légendaire du Dragon de Dojima devra néanmoins faire l’objet d’un entraînement singulier…
Principale nouveauté de cet épisode, le gimmick « Majima Everywhere » assure la liaison avec la préquelle, où nous avions pu découvrir les origines de Gorô Majima. Fidèle à sa réputation de maniaque du déguisement, le borgne du Kansai pourra surgir littéralement de n’importe où pour vous provoquer en duel. Ce nouvel arc narratif trouve une justification assez habile : celui qu’on appelait le Dragon ayant oublié son art de la castagne en prison, chaque victoire sera récompensée par des techniques supplémentaires. Prenez garde cependant : pour peu que vous ayez oublié d’acheter des soins, la moindre poubelle ou bouche d’égout pourra signer votre arrêt de mort !
Par certains aspects un peu trop respectueux de l’original, Yakuza Kiwami rattrape avec brio les années perdues : lifting du meilleur effet, système de combat bien plus varié, exploration inédite du lien qui unit deux des personnages les plus iconiques de la saga… Vision accomplie de l’épisode fondateur, le titre établit une base solide pour le grand ravalement qui attend la saga sur PlayStation 4. Ce remake de luxe souffre néanmoins de son statut schizophrène, voulant proposer une nouvelle porte d’entrée dans la série tout en prenant la suite d’une préquelle qui s’y prêtait déjà à merveille. Passé outre cette contradiction, Kiwami impose son empreinte dans une rentrée vidéoludique pourtant très disputée.
Critique publiée sur Radio VL