Vous connaissez la marque éco+ ? si vous êtes étudiant ou prolo, forcément. Des produits sous emballage blanc et bleu d’une qualité douteuse, voire dangereuse. Imaginez la situation : vous êtes à la fin du mois et vous avez déjà claqué votre paie, ou votre bourse étudiant, dans des hentais, des dating sims ou d’autres merdes du genre.
Vous sortez de la fac avec vos potes, vous vous dirigez vers le domac le plus proche, bref normal. Sauf que vous êtes fauché alors vous proposez plutôt à vos collègues d’acheter des burgers pas chers à leader price. Deux euros les six, c’est donné bordel !
Malgré les protestations et les mises en garde de vos amis, vous insistez. C’est votre première erreur.
Une fois posé dans votre 9m², vous ouvrez le contenu et vous êtes face à des trucs surgelés en plastoque abominables. Mais vous avez quand même claqué deux balles dans cette merde et la flemme de revenir au magasin alors tant pis, vous mangez. C’est votre deuxième et dernière erreur.
C’est évidemment infâme et vous avez senti instantanément votre espérance de vie diminuer de plusieurs mois.
Suite à cette intro trop longue dépeignant un drame sanitaire et humain, il est envisageable de le transposer dans le fantastique monde des jeux vidéo.
Faire du vieux avec du vieux.
Depuis quelques années c’est la mode, la nouvelle tendance chez les vieilles gloires du jeu vidéo des années 90 de venir mendier du fric à des fans trop crédules et affamés pour ressortir des jeux à l’ancienne. Parce qu’il parait que le jeu vidéo c’était mieux avant.
Mais il existe évidemment un développeur qui a fait vibrer les enfants et adolescents des années 90 : Rareware studio. Il a tout de même révolutionné le FPS console avec les mythiques GoldenEye et Perfect Dark. C’est également Rare qui a créé des jeux d’aventure 3D excellents : les Banjo-Kazooie.
Alors quand on voit le tout jeune studio Playtonic Games fanfaronner sur kickstarter en se proclamant descendant du studio Rare (plusieurs développeurs sont en effet des anciens de Rare. Leur page kickstarter est d’ailleurs très explicite « yooka-laylee-a-3d-platformer-rare-vival ». Ah, la modestie …), forcément ça provoque des réactions disproportionnées. Les gens ont littéralement jeté leur fric à la tronche des développeurs : plus de deux millions d’euros.
Il faut dire que le genre plateformer 3D à la Super Mario 64 ou Banjo-Kazooie a disparu depuis longtemps.
Made in China.
S’il y a bien un point sur lequel tout le monde est d’accord, c’est sur la laideur atroce des personnages. « On dirait des mascottes de jus de fruit Carrefour » (Poutsh), « Une DA d'un jeu Gameloft outsourcé en Chine » (Gamekult). Les graphistes de Rare ne sont pas chez Playtonic Games.
Un point plus fâcheux, c’est la prise de risque aussi inexistante qu’un studio produisant des AAA. C’est du Banjo-Kazooie (BK) en tout point, mais en moins bon.
-On a deux personnages dont un avec des ailes, comme dans BK.
-Le personnage avec des ailes fait des remarques sarcastiques et le lézard vert moche est plus altruiste. Comme dans BK.
-On débloque des pouvoirs : voler quelques secondes, double saut, super saut, sprint. Comme dans BK.
-On peut se transformer en un véhicule/créature par niveau. Comme dans BK.
Je continue ?
Le problème c’est qu’en plus de singer ses ancêtres, Yooka-Laylee le fait moins bien. C’est moins drôle avec un humour geek internet 2.0 que je ne supporte plus, c’est également moins bon au niveau du level design. Pire encore, le jeu a de gros soucis de caméra !
Le jeu garde aussi des défauts propres aux premiers jeux 3D. Il essaye de se diversifier en proposant des phases de gameplay nulles et inutiles : des phases 2D en wagon avec une inertie insupportable, des phases où il faut pousser une grosse boule sans qu’elle s’éclate contre des pics.
Si ce type de gameplay n’existe plus depuis bientôt vingt ans c’est parce que ce n’est pas fun.
Si je veux jouer à un jeu d’obstacle 2D, je joue à Bit Trip Runner 2, pas à Yooka-Laylee.
Il y a encore du bon en toi, Yooka.
C’est d’autant plus dommage que les mondes qu’ils proposent, bien que très classiques, sont grands et fourmillent de choses à faire. C’est sur cet aspect que Yooka-Laylee s’en sort le plus en respectant scrupuleusement le jeu d’origine : de la bonne plateforme 3D, de la collecte d’objets divers à échanger pour obtenir des pouvoirs qui permettront d’obtenir toujours plus d’items, etc.
Les niveaux sont bien construits et même si le level design n’a rien de fantastique, ça reste toujours plaisant à explorer. Le jeu est plutôt beau, la distance d’affichage permet d’admirer le niveau dans son intégralité du haut d’une grande montagne.
Enfin, le jeu propose des musiques sympas mais très (trop ?) similaires à BK. Normal puisque le compositeur est …Grant Kirkhope, un ancien de chez Rare.
On retrouve donc à la fois toutes les qualités d’un Banjo mais aussi tous les défauts, en moins bien. Et si Banjo est toujours un excellent jeu c’est d’un part parce qu’il a adapté la recette de Super Mario 64 vers quelque chose d’originale, mais aussi parce que tous ses défauts et qualités sont bien mieux maitrisés que dans cette suite éco+. Sauf que depuis Banjo-Kazooie, quasiment vingt ans se sont écoulés. Vingt ans pendant lesquels le jeu vidéo n’a cessé d’évoluer, de s’améliorer. Retrouver quelque chose d’identique à un vieux jeu N64, ça ne fait plus rêver.
Quand on fait une suite d'un jeu, le but est d’abord de corriger les défauts du premier, mais aussi d’innover tout en gardant l’esprit du jeu originel. Faire une suite quasi identique n’a aucun intérêt. Yooka-Laylee n’a aucun intérêt. Ce n’est pas mauvais, mais ce n’est pas bon non plus. Il ne vous reste plus qu’une seule chose à faire : ressortir votre N64 et refaire les Banjo-Kazooie une énième fois.