Yooka-Laylee and the Impossible Lair
6.6
Yooka-Laylee and the Impossible Lair

Jeu de Team17 et Playtonic Games (2019Nintendo Switch)

Après un Yooka-Laylee en demi-teinte sorti quelques années plus tôt, et qui se voulait une forme d'hommage spirituel à ce qui reste peut-être encore à ce jour l'une des, si ce n'est la forme la plus réussie des jeux de type collectathon, j'ai nommé la série des Banjo et Kazooie, Playtonic Games a voulu expérimenter un revirement assez inattendu, mais néanmoins appréciable, en troquant le plateformer 3D pour s'essayer à la 2D. C'est ainsi que Yooka-Laylee and the Impossible Lair naquit. Une suite spirituelle, qui, un peu comme son prédécesseur, peine à être véritablement marquante, mais qui cette fois-ci s'est permise de débarquer avec quelques surprises sous le bras.

Au niveau de la structure général du jeu pourtant, à nouveau, pas de grandes surprises à l'horizon. Elle se compose d'un ensemble de niveaux à parcourir, avec à chaque fois plusieurs collectibles (des pièces) plus ou moins bien cachées qu'il faudra y dénicher, et un autre type de collectibles (des plumes ici), en plus grand nombre, un peu à la manière des pièces d'un Super Mario. Par contre, point de vie une fois les 100 plumes atteintes. Se faire toucher par un ennemi ou un élément environnemental équivalant à faire s'envoler Laylee (que l'on peut récupérer pendant un court laps de temps), et une deuxième erreur nous renvoyant simplement au dernier checkpoint activé, sans autre pénalité. Point de cœurs ou de vies donc dans ce Yooka-Laylee, ce qui a ses qualités, mais aussi surtout pour moi ses défauts. Point sur lequel je reviendrai un peu plus tard.

L'accès aux niveaux quant à lui se fait au travers d'une carte en vue de type top-down, où il faudra réussir à résoudre des petites "énigmes" ou "challenges" (les guillemets sont de rigueur, vous êtes prévenu...) pour avancer. La carte est délimitée en plusieurs biomes, et leur accès est restreint par des paywalls, nécessitant l'utilisation de pièces.

Pourtant, très rapidement, on comprend que Playtonic Games a voulu faire les choses un peu différemment. Déjà, il y n'y a pas 40 niveaux véritablement, mais 20, avec à chaque fois une version alternative pour chacun d'entre eux. Et je ne parle pas de niveaux alternatifs à la Crash 4 It's About Time, où on referait peu ou prou la même chose une deuxième fois, mais d'une version complètement réaménagée, avec des embranchements totalement différents. Débloquer ces versions alternatives nécessitent d'explorer le HUB central, souvent en interagissant avec les différents PNJ qui s'y trouvent. Exemple : un niveau classique se transformera en niveau gluant, sitôt que l'on aura donné un certain ingrédient à une marmite, et qu'elle déversera en retour son contenu sur le téléporteur d'accès. Et même si on aura plusieurs fois les classiques niveaux inondés et glacés, dans l'ensemble, ces idées de modification de monde se renouvellent plutôt bien.

Autre petit changement : les tonics. Il s'agit de petites fioles que l'on va trouver en explorant la carte et qui, une fois équipées, vont donner des pouvoirs à notre personnage. 3 slots sont disponibles au début du jeu, ce qui permet de s'essayer à plusieurs combinaisons. Certaines vont permettre de rendre le jeu plus facile (exemple : rajouter des checkpoint, nager plus vite), d'autres à l'inverse, de nous casser les pieds, si tant est qu'on aime ça (exemple : un seul checkpoint dans le niveau, inverser les touches de la manette, devoir toucher chaque ennemi deux fois). Enfin, pour la plupart de ceux que j'ai pu débloquer, il s'agira de filtres visuels. Vous aurez donc à loisir le choix entre des filtres GBA, noir et blanc, sépia, un mode 4/3, etc. Appréciable peut-être pour certains, dispensables de mon côté. Ce qui est embêtant, c'est qu'il y en a vraiment beaucoup. Ce qui, si on aime pas trop ça, n'encourage pas vraiment l'exploration de la carte.

Détail intéressant concernant ces tonics, tout du moins sur le papier : le fait d'équiper ceux qui facilitent notre progression va ajouter un multiplicateur négatif à notre total de plumes récupérés dans les niveaux, et inversement, un multiplicateur positif si on aime se faire du mal. Choisir de n'avoir qu'un seul checkpoint par niveau ajoute ainsi un multiple de deux, ce qui est appréciable. Jusqu'à ce que l'on se rende compte que les plumes servent soit à débloquer les tonics une fois ces derniers trouvés, soit à débloquer d'autres paywalls empêchant l'accès à certaines modifications de niveaux, cités plus haut. Sauf que si comme moi, vous n'avez pas cherché à débloquer tous les tonics, les multiplicateurs négatifs ou positifs ne devraient pas influencer votre capacité à débloquer les-dits paywalls. Un peu dommage donc. Je pense que la mécanique aurait gagnée à être plus développée, notamment en rajoutant d'autres utilisations aux plumes.

Enfin, dernière modification de taille par rapport à des plateformers 2D plus classiques dans leur fonctionnement : le but du jeu en lui-même. Aussi étrange que celui puisse paraître, le but de ce Yooka Laylee n'est pas de terminer l'ensemble des niveaux pour débloquer un niveau final, mais de terminer le niveau du début en faisant les autres niveaux. Je m'explique.

Le tout premier niveau du jeu, nommé "Impossible Lair", consiste en une longue progression, bourrée de pièges, de précipices, et donc en bref, un die and retry particulièrement frustrant, mais qui a le mérite de proposer un challenge intéressant pour ceux qui apprécient ce type d'expérience. Les développeurs sont allé jusqu'à nous empêcher d'utiliser le moindre tonic (choix discutable au demeurant). Pourtant, c'est bien de ce niveau qu'il faudra venir à bout pour terminer le jeu. Vous aurez beau faire les 40 niveaux proposés, point de générique vous ne verrez défiler. Pourtant, ces niveaux, ils ont leur importance, puisqu'à chacun d'entre eux terminé, une vie supplémentaire vous sera confiée pour affronter le fameux Impossible Lair (matérialisée par une abeille qui prendra le coup à votre place). 40 niveaux terminés, et c'est donc 40 fois plus de chances de voir le bout du jeu. Un renversement de perspective assez osé, que je n'avais encore jamais vu dans un jeu similaire.

Sauf que, à défaut de la probable volonté initiale des développeurs de nous motiver à retenter encore et encore ce niveau final, à mesure que l'on accumule des vies, j'ai de mon côté assez rapidement compris, compte tenu de la longueur démesurée de ce dernier, qu'il valait mieux se le réserver à la toute fin, une fois que toutes les chances étaient de notre côté. Ce qui, de manière assez ironique, nous ramène à la même structure classique qui voulait initialement être évitée, consistant à faire tous les niveaux, puis à se casser les dents sur le dernier, ici le premier. Pire même, malgré toutes les vies amassées, je pense que beaucoup de joueurs ayant eu le skill nécessaire pour faire les 40 niveaux, vont irrémédiablement passer leur chemin dans la complétion de ce dernier Challenge, tant il repose sur l'apprentissage d'une trop longue partition de piano, qu'il nous faudra retenir par cœur, au risque de devoir tout recommencer, encore, et encore. Une partition nécessaire pourtant, puisque le seul fait de compléter les 40 niveaux ne débloque aucune fin ou véritable récompense, ce qui, clairement ici, est une erreur.

Au même titre que les multiplicateurs des tonics, il y avait donc là une idée sur le papier très astucieuse, permettant de contenter les joueurs de tout niveaux à travers une simple pirouette, mais qui se retrouve in fine quasi dénuée de substance, faute d'une application vraiment pertinente. Je pense qu'il aurait pu être plus judicieux de proposer plusieurs "Impossible Lair" plutôt qu'un grand divisé en plusieurs parties, où toutes nos vies perdues se cumuleraient du début à la fin. Une partie par monde par exemple, où chacune des vie récupérés en faisant les niveaux de ces derniers auraient comptées uniquement pour le monde en question, avec la possibilité d'en obtenir plus à travers les pièces cachées obtenues dans les niveaux, ce qui aurait pu en prime leur donner une autre utilité que le fait de débloquer de simples paywalls. Ainsi, une première fin du jeu aurait été proposé à celui ayant fini tous les niveaux, sans faire les niveaux challenge, et une deuxième à celui ayant fait tous les challenge, avec même pourquoi pas cette fois-ci un véritable niveau long et infernal, cumulant toutes les vies récupérées durant tout le jeu.

Sachant que de tout ce que je viens de citer, seule l'implémentation de ce long niveau final aurait nécessité un réel investissement en terme de temps, et donc de coût, aux développeurs. Ce qui rend la chose d'autant plus frustrante qu'elle n'était facilement atteignable.

Voilà en substance ce qui fait de ce Yooka-Laylee un plateformer banal, comme on peut en trouver plein d'autres. Reste à citer ce qui en a fait, pour moi, une expérience carrément dispensable.

C'est assez simple : si on met de côté l'ambiance musicale, qui sans être marquante, parvient tout de même à porter l'ensemble, tout en ayant quelques thèmes qui restent en tête, et surtout, point très important, la fonctionnalité de switch l'intégralité des musiques du jeu au format 8bit d'une simple case cochée dans le menu options (un must pour les aficionados du retro comme moi) ; le contenu plus qu'honorable du jeu, avec une quarantaine de niveaux qui ne se ressemblent jamais trop, et des items que l'on prend plaisir à chercher (même si j'aimerais bien un jour que ce soit la norme pour tous les jeux de ce type de laisser la possibilité de revenir au dernier checkpoint plutôt que de revenir au début du niveau, de sorte à en faciliter la récupération, et éviter les suicides en pagaille...) ; un humour à base de brisage du quatrième mur et de jeux de mots rigolos (un ventilateur qui dit aimer les fan fictions, ça me fait rire perso) ; j'ai véritablement peiné à apprécier les quelques dizaines d'heures que j'ai pu accumuler.

L'ensemble des niveaux parcouru laisse un sentiment de fadeur extrêmement désagréable. Si je devais résumer un peu mon ressenti, je dirais que, sans pour autant avoir l'impression que tout se ressemble, rien n'apparaît comme véritablement marquant. A l'inverse de niveaux et de phases de gameplay présentes, par exemple (comme il s'agit d'une des grosses sources d'inspiration des développeurs) dans un Donkey Kong Tropical Freeze, qui elles m'ont véritablement laissées des souvenirs, avec une variété, ambiance, et ingéniosité distillées un peu partout, je pense que d'ici pas loin d'une semaine, j'aurais presque tout oublié de ce Yooka Laylee.

Mais en plus d'un cruel manque de créativité sur le plan artistique, Yooka Laylee nous force à nous coltiner un gameplay parfois approximatif, souvent lourdingue dans sa prise en main, et jamais véritablement jouissif.

Ce n'est qu'arrivé à la quasi toute fin du jeu que j'ai véritablement réussi à mettre le doigt dessus, mais Yooka Laylee n'a jamais réussi à me procurer la moindre sensation de flow. La faute à un manque cruel de rythme tout d'abord. Il nous faudra souvent attendre que tel ou tel élément de plateforme veuille bien terminer gentiment son cycle pour qu'on puisse avancer, sans possibilité de foncer dans le tas par connaissance du jeu, ou réflexes suffisamment aiguisées (j'imagine que les speedruns du jeu doivent me donner tort, mais je n'ai pas eu cette sensation de mon côté). Mais surtout, et j'en reviens à un point que j'avais mentionné au tout début de ma critique, les développeurs ont eu la bonne idée de se départir d'un système de PV ou de vies en faisant s'envoler Laylee si on se fait toucher (avec possibilité de la récupérer). Sauf que le problème, c'est que sitôt Laylee envolée, il ne nous reste plus qu'un Yooka pataud, incapable de flotter après son unique saut (Laylee nous permet de tournoyer un peu), incapable de rouler sur de longues distances, et aussi, incapable de faire des sauts piqués, bien pratiques pour briser certains éléments du décors. Déjà que l'on ne se déplace pas très rapidement à la base, perdre Laylee revient donc à perdre le peu de fun que l'on pouvait encore éprouver dans le déplacement de notre personnage, et ce jusqu'à la prochaine clochette sonnée (homonymes des DK Barrel). Ce qui devait donc initialement être une simple difficulté supplémentaire ajoutée, se transforme ainsi en une énième frustration accumulée.

Voilà donc mon ressenti général. Un ressenti assez amer, je dois l'avouer, qui ne doit pourtant à aucun moment mettre de côté le fait que Yooka Laylee n'est clairement pas un jeu exécrable, au contraire. Juste que pour une personne un minimum familière du genre, et donc avec une plus grande exigence, il me paraît assez difficile de ne pas rester sur sa faim, même sans attentes particulières. Surtout lorsque l'on sait que les quelques bonnes idées amenées (tonics, progression inversée) finissent rapidement par tomber à l'eau, sitôt l'aventure un minimum entamée.

Gyaran
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le 4 déc. 2022

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